Entretien : Mauritanie, une économie à fort potentiel qui s’ouvre aux partenariats internationaux

(Crédits: Dr).

Récemment nommé Chargé de Mission au sein du cabinet du ministre Mauritanien de l’Economie, N’Guenor Codioro Haroune est co-fondateur du cabinet d’Audit et Conseil N&A Global Consulting Business & Advisors, basé à Nouakchott. Dans cet entretien, il revient entre autres sur comment son équipe et lui-même comptent apporter leur contribution au développement économique du pays nord-africain.

Africa Income : Votre pays est doté de ressources à forte valeur ajoutée, fer, pétrole, gaz, halieutique… Les stratégies de développement vont-elles se poursuivre dans le renforcement et/ou l’instauration de structures à taille, avec toute une flottille de PME-PMI autour ?

N’Guenor Codioro Haroune : En effet, la Mauritanie est dotée de ressources à forte valeur ajoutée, telles que le fer, les ressources halieutiques, le pétrole et le gaz notamment. Pour rappel, le potentiel minier et pétrolier est à peine exploré. Le secteur extractif a vu sa contribution au PIB mauritanien passer de de 9,4% en 2018 à plus de 15% en 2020. Le pays compte une quinzaine de sociétés, qui détiennent 20 permis d’exploitation, dont 9 sont en exploitation et 11 en développement. Il y avait également, 67 permis de recherches en vigueur au début de l’année 2020, octroyés à une cinquantaine de sociétés minières. En 2018, le pays a produit 11 millions de tonnes de minerai de fer (2ème en Afrique), 25 tonnes d’or (si on y intègre la production artisanale) et 28 000 tonnes de cuivre, provenant de 9 mines exploitées par 7 compagnies minières.

 Il convient de noter que la stratégie de Contenu Local des industries Extractives (CLE) s’appuie sur les orientations de la Stratégie de Croissance Accélérée et de Prospérité Partagée (SCAPP) 2016-2030 du président Mohammed Ould Ghazouani. Celles-ci comprennent la promotion des entreprises détenues par les nationaux, la création de richesses, la diversification économique et l’industrialisation, la création de valeur ajoutée, le renforcement des capacités et la génération de recettes publiques stables. Cette stratégie va se poursuivre pour l’éclosion et le développement des PME- PMI, principaux vecteurs de croissance à côté des grandes entreprises nationales. 

Il est admis que les investisseurs locaux ou étrangers se ruent sur le secteur tertiaire, plus rentable. Quels vont être vos arguments pour attirer l’investissement dans le primaire et le secondaire essentiel pour une croissance dans le moyen terme, entre une stratégie des coûts pour une délocalisation dans des Zones industrielles incitatives. Une stratégie qui promeut l’innovation et la technologie dans des pôles dédiés, ou encore une démarche qui met en avant la différenciation ?

Effectivement, force est de reconnaitre que les investisseurs (locaux ou étrangers) se ruent sur le secteur tertiaire faiblement capitalistique, en raison du fait que le retour sur investissement (Ndlr : le retour  sur investissement est un quotient qui a pour objectif de calculer le pourcentage de gain à attendre d’un investissement par rapport à la mise de départ) est beaucoup plus rapide que celui des secteurs primaire et secondaire. Cependant, nos arguments pour attirer les investisseurs vers les secteurs primaires et secondaire se déclinent sous différents volets. La Mauritanie dispose d’un positionnement important pour le développement des secteurs productifs qui demeurent encore sous exploités tels que l’agriculture, l’élevage, la pêche, l’industrie minière et manufacturière, les activités extractives. Notre pays, de par ses vastes étendues désertiques, de grandes capacités solaire et éolienne, est amené à jouer un rôle primordial dans la production et le développement d’énergie propre et d’hydrogène vert. Il s’agit d’un secteur pouvant drainer des investissements importants pour le développement du pays.

La Mauritanie est partie intégrante d’instances régionales et sous-régionales, ne croyez-vous pas qu’une intégration, avec en ligne de mire le co-développement, pourrait faire gagner des points de croissance ?

La Mauritanie est partie intégrante d’instances sous régionales, telles que l’OMVS (Ndlr : Organisation de Mise en Valeur du Fleuve Sénégal), d’instances régionales, telles que UMA (Ndlr : Union du Maghreb Arabe), …. L’intégration régionale ou sous-régionale, avec en ligne de mire le co-développement, est un instrument essentiel pour aider la Mauritanie à accroître sa compétitivité, diversifier sa base économique et créer suffisamment d’emplois pour sa population jeune et en rapide voie d’urbanisation. Il s’agit là d’un levier plus effectif du développement économique du pays, face aux multiples défis économiques. Force est de noter que les avantages du co-développement se formulent davantage en termes de transferts de compétences, de rattrapage technologique et de mise en place d’un partenariat « gagnant-gagnant ». En guise de rappel, il y a lieu de préciser que l’intégration régionale créerait une dynamique favorable pour atteindre une plus forte croissance durable. Une plus grande ouverture aux échanges et aux investissements intrarégionaux élargirait l’accès à des biens et services moins coûteux, stimulerait la concurrence, favoriserait l’innovation et la diversification, améliorerait la transparence, réduirait les rentes et, à terme, ferait progresser la productivité et la croissance dans tous les pays. Cette intégration régionale pourrait constituer un instrument puissant, complétant les politiques intérieures, pour accroître le potentiel de croissance des pays, créer des emplois et réduire la pauvreté.

Les marchés existants ainsi que les nouveaux débouchés, pour peu qu’ils soient davantage organisés, peuvent accueillir les PME et autres TPME, véritable ciment du tissu économique. Que suggérez-vous de faire dans la facilitation de l’Acte d’investir pour leur multiplication et leur survie ?

Avant de répondre à votre question, permettez-moi de rappeler que l’économie mauritanienne, à l’instar de celle de ses consœurs africaines est caractérisée par la prégnance de PME-PMI qui comporte de nombreuses vertus salvatrices.  La PME-PMI revêt un double caractère qui justifie sa présence dans toute économie quel que soit son niveau de développement. Elle est d’abord un catalyseur de l’économie, et ensuite, un remède social.

Pour faciliter l’acte d’investir et permettre l’éclosion, le développement et la croissance de la PME-PMI, il convient d’asseoir une stratégie de promotion et de survie de cette catégorie d’entreprises et faisant intervenir les différentes parties prenantes que sont les pouvoirs publics, les banques et les PME-PMI elles même. Du point de vue des pouvoirs publics, il s’agira de catalyser les potentialités entrepreneuriales, mettre à niveau l’environnement des affaires, créer des structures dédiées à la PME-PMI, mais aussi développer et renforcer les facteurs de compétitivité.

Du point de vue des banques, sans être exhaustif, il s’agira d’abandonner le comportement patrimonial à l’égard de la PME -PMI et de développer une attitude partenariale, de mettre à la disposition des PME-PMI des instruments de financement adaptés à leurs besoins, formaliser et diffuser un code de bonne relations – transparence et crédibilité de l’information donné aux banquiers – instaurer une plus grande régularité des relations, en termes d’échanges réguliers d’informations, et mettre en place un « Monsieur » ou « Madame » PME-PMI au niveau des services centraux ou régionaux de chaque banque. Du point de vue de la PME-PMI, il s’agira notamment de réduire son asymétrie informationnelle, déterminer les conditions qui facilitent la mise en place d’une alliance stratégique, ainsi que les conditions qui favorisent son cheminement vers le succès.

Propos recueillis par Daouda Mbaye

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