Sécurité alimentaire : face à la crise des engrais, l’OCP renforce sa stratégie africaine

A travers ses différentes initiatives, le Groupe marocain OCP, leader mondial du marché, renforce sa stratégie africaine qui vise à appuyer l'ensemble des acteurs de la chaîne de valeur agricole allant des fournisseurs d'intrants jusqu'au consommateur final des produits agricoles. (Crédits : Dr)

En décidant de consacrer 4 millions de tonnes d’engrais à l’Afrique en 2023, le groupe marocain OCP (Office Chérifien des Phosphates) apporte une véritable bouffée d’oxygène à de nombreux pays confrontés actuellement à une pénurie doublée d’une envolée des prix sur le marché international en raison du conflit russo-ukrainien. Le leader mondial des produits phosphatés confirme ainsi son engagement à œuvrer en faveur de la sécurité alimentaire de l’Afrique. Une stratégie qui s’est traduite ces dernières années par des investissements massifs dans le secteur ainsi que des partenariats dans plusieurs pays afin d’améliorer la production agricole. Et ce, à travers plusieurs initiatives qui vont de la production d’engrais à l’accompagnement des petits agriculteurs.

L’annonce qui a été faite par le PDG du groupe marocain OCP, Mostafa Terrab, à l’occasion des assemblées générales de la Banque mondiale et du FMI qui se sont tenues la semaine dernière à Washington, a été bien accueillie sur le continent. Il fait dire que la campagne agricole qui est en train de tirer vers sa fin a été fortement perturbée par les répercussions de la guerre russo-ukrainienne a qui a engendré une véritable pénurie et une envolée des prix de l’engrais, amplifiant de ce fait la pression sur les finances publiques de nombreux pays dont l’approvisionnement dépend en grande partie de la production de ces deux pays en conflit. Parallèlement, les circuits d’approvisionnement ont fortement été chamboulés par les sanctions occidentales imposées à la Russie. Conséquence, plusieurs pays du continent qui font déjà face à un déficit assez prononcé de leurs besoins en matière d’engrais pour soutenir leur production agricole se sont retrouvés dans un véritable dilemme. Ils ont dû racler dans leurs maigres ressources, déjà affectées par la crise énergétique et la Covid-19, pour y faire face.

Envolée des prix et faible disponibilité des intrants sur les marchés

Avec la persistance de la crise, la campagne 2022/2023 s’annonce déjà pleine d’incertitudes quant à la disponibilité des engrais ainsi qu’à la flambée des prix qui risque de persister sur les marchés internationaux. C’est en tout cas ce qui ressort des principales prévisions des institutions internationales comme le FMI ou la Banque mondiale. Mais aussi celles de plusieurs experts qui pronostiquent déjà une contraction des perspectives de croissance pour de nombreux pays africains pour lesquels, l’agriculture est un pilier essentiel de l’économie.

« L’Afrique est confrontée à l’indisponibilité des engrais en raison de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, ce qui a fait que pour la saison agricole 2021-2022, on a enregistré un déficit d’engrais de quatre millions de tonnes pour importations sur le continent », a indiqué en ce sens, Marie Claire, coordinatrice du Mécanisme africain de financement des engrais (AFFM).

Elle intervenait lors de la 3e édition du Forum africain de financement des engrais (African Fertilizers Forum), un évènement co-organisé par le Groupe de la Banque africaine de développement (BAD), l’OCP Africa et l’AFFM, et qui s’est déroulé du 11 au 13 octobre 2022 à Casablanca, au Maroc.  Selon l’experte, au cours de la période 2021-2022, les prix des engrais ont augmenté de trois quarts, « rendant les engrais indisponibles et inabordables pour les agriculteurs », avant d’ajouter que « la situation pourrait devenir plus difficile si elle n’est pas résolue dès maintenant ». Des craintes fondées selon les projections de la FAO qui dans son dernier bulletin sur les perspectives des prix des produits alimentaires, anticipe une persistance de la flambée des cours des intrants agricoles du fait des conséquences de la guerre en Ukraine et de la crise énergétique mondiale. Selon les experts de l’organisme onusien, le fait que les prix des engrais soient élevés et volatiles fait craindre une faible disponibilité d’engrais en 2022- 2023, ce qui se traduirait par des répercussions négatives sur la production et la sécurité alimentaires dans plusieurs pays africains.

Des intrants de qualité et en quantité, bon marché pour l’Afrique

C’est dans ce contexte plein d’incertitude que le groupe marocain OCP a annoncé vouloir consacrer 4 millions de tonnes (Mt) d’engrais en 2023 afin de sécuriser les récoltes à venir et ainsi œuvrer au renforcement de la sécurité alimentaire en Afrique. Cela représente plus du double de l’approvisionnement consacré par l’OCP au continent en 2021 et plus d’un quart de la production totale prévue par le groupe, a indiqué le leader mondial de l’OCP dans un communiqué.

« Ce programme d’approvisionnement en engrais comprendra un volet dédié à la formation et au renforcement de capacités en partenariat avec des acteurs locaux, en phase avec l’approche du Groupe centrée sur le fermier. Cette allocation permettra de garantir que les bons engrais soient disponibles pour l’ensemble du continent, en vue de stimuler les rendements pour 44 millions d’agriculteurs dans 35 pays, y compris au Maroc, où le Groupe est basé », a indiqué l’OCP.

Le groupe qui a par ailleurs annoncé qu’il a fortement investi dans le développement de sa capacité de production d’engrais éco-responsables avec comme principal objectif, d’atteindre 15 millions de tonnes de produits finis d’ici 2023, alors que sa capacité était de 3 millions en 2008. « Cet investissement permettra ainsi au Groupe de répondre aux besoins urgents de l’Afrique tout en soutenant les agriculteurs du monde entier », explique Mohamed Anouar Jamali, DG d’OCP Africa, la filiale du groupe marocain dédié au continent pour qui, cette opération d’urgence ne s’est pas limitée uniquement à la fourniture d’engrais adaptés. « Des actions de sensibilisation ont également été mises en place afin de conscientiser les fermiers sur plusieurs enjeux. Ces derniers sont inhérents aux intrants de qualité accessibles, les services agricoles, la petite mécanisation, la formation, la commercialisation et l’accès au financement », a-t-il ajouté, dans le sillage du plaidoyer du PDG de l’OCP pour un véritable engagement des partenaires en faveur de la révolution verte en Afrique.

« La situation géopolitique actuelle révèle des fragilités systémiques profondes dans les systèmes agricoles mondiaux. Nous devons relever les défis auxquels sont confrontés les agriculteurs africains, qu’il s’agisse des infrastructures, de la formation ou de l’accès au marché et au financement. Nous sommes heureux de pouvoir apporter notre contribution. Le Groupe OCP est également reconnaissant pour l’excellent dialogue et la collaboration avec la Banque mondiale, l’IFC, l’USAID, ainsi que les autres agences multilatérales et de développement impliquées dans cet effort, compte tenu de leur leadership et de leur engagement à long terme envers le développement de l’Afrique ». Mostafa Terrab, Président Directeur Général du Groupe OCP.

Ce geste de l’OCP s’inscrit dans la droite ligne de son engagement à aider les Etats africains à faire face à la flambée des prix.  En juillet dernier, pour rappel, le groupe avait déjà annoncé un don de 180.000 tonnes d’engrais à titre d’aide et 370. 000 autres tonnes à prix réduit aux pays africains, une aide qui représente 16% de la demande en la matière du continent cette année et un quart des ventes de l’OCP sur le continent. Selon Nada Elmajdoub, vice-présidente exécutive gestion de la performance du Groupe, cette initiative du groupe panafricain à contribuer à soutenir 20 pays africains et 4 millions de fermiers installés sur le continent.

Une stratégie d’expansion africaine en faveur de la sécurité alimentaire

La nouvelle initiative du leader mondial des phosphates vient confirmer sa stratégie d’expansion dédié au continent. « En tant qu’entreprise panafricaine, leader mondial sur le marché international des fertilisants, nous sommes engagés fortement pour l’édification d’un secteur des engrais résilient et une agriculture créatrice de valeur en Afrique », explique à ce sujet Mohamed Anouar Jamali, DG d’OCP Africa, la filiale lancée en 2016 pour accompagner cette stratégie. Dans le cadre de sa stratégie africaine, en effet, l’OCP souligne promouvoir une approche holistique qui vise à rassembler différents acteurs tout au long de la chaîne de valeur, afin de fournir le soutien dont les agriculteurs ont besoin et de s’assurer que le vaste potentiel agricole du continent soit libéré au profit de l’Afrique et du monde.

Cet effort actuel s’appuie sur l’engagement à long terme d’OCP en Afrique à travers sa filiale OCP Africa. Celle-ci a développé une approche globale centrée sur le fermier, qui a déjà atteint plus de 2 millions d’agriculteurs notamment à travers la customisation des engrais, la cartographie des sols, la formation, les essais sur le terrain et l’accès au marché. C’est le cas au Nigeria, en Ethiopie, en Côte d’Ivoire, au Malawi, en Angola, au Ghana ou au Kenya pour ne citer que ceux-là. Selon Mohamed Anouar Jamali, la nouvelle allocation contribuera ainsi à nourrir près d’un milliard de personnes et ce, grâce à l’accroissement de la production agricole attendu sur le continent. « Nous sommes convaincus que l’approche partenariale sera fondamentale à tous les niveaux pour le succès de l’initiative. Et ce, au bénéfice des petits agriculteurs et au renforcement de la sécurité alimentaire de notre continent », met en avant le PDG d’OCP Africa dont le siège est basé à Casablanca au Maroc et qui s’appuie sur les multiples partenariats internationaux signés par sa maison mère. 

Au Nigeria, par exemple, le Groupe OCP accompagne le gouvernement fédéral et les acteurs nationaux de l’industrie des fertilisants à mieux doter les agriculteurs d’engrais adaptés aux cultures locales. C’est le cas de l’initiative présidentielle pour les engrais dénommée « Presidential Fertilizer Initiative » qui est soutenue par le Fonds souverain nigérian (NSIA) à la suite d’un partenariat signé en 2016 entre OCP ainsi que l’Association des producteurs et distributeurs d’engrais du Nigeria (FESPAN). Cette initiative a ainsi permis de relancer l’industrie du blending permettant par la même occasion de réduire considérablement les prix de vente d’engrais pour les agriculteurs à travers la réhabilitation de près de 40 usines de blending (pour un coût estimé à 400 millions de dollars) ainsi que la construction de 3 unités de blending par le Groupe OCP à Kaduna, Ogun et Sokoto. Avec une mise en service est prévue en 2021, ces 3 unités auront une capacité de production totale de 500 000 tonnes d’engrais par an. Dans la même lancée, un mémorandum d’entente a été signé en 2018 visant à promouvoir la production locale et l’approvisionnement en engrais de haute qualité. Ainsi, le Groupe OCP va accompagner la construction d’une plateforme industrielle de production d’engrais incluant la mise en place d’une usine d’ammoniac. La future plateforme, qui sera implantée dans l’Etat d’Aqua Ibom, affiche une capacité de 750.000 tonnes/an d’ammoniac et de 1 million de tonnes par an d’engrais phosphatés à l’horizon 2025.

Selon le groupe, les partenariats et projets menés par le Groupe OCP ne se limitent pas seulement à industrialiser et développer de nouvelles formules d’engrais. D’autres initiatives touchant à la formation des agriculteurs et à la promotion de l’entrepreneuriat des femmes, comme des jeunes, ont vu le jour. En Afrique, en effet, le secteur agricole implique majoritairement les familles et le monde rural. La petite agriculture représente le segment le moins outillé malgré qu’elle soit le plus étendue. C’est fort de ce constat que le Groupe OCP a lancé les programmes OCP School Lab et Agribooster qui ambitionnent de renforcer les capacités des petits agriculteurs et qui a été lancé en 2017 dans le pays le plus peuplé d’Afrique avec déjà comme résultats, quelques 327.448 agriculteurs qui ont bénéficié de services d’analyse des sols, de formation agronomique et de recommandations en utilisation d’engrais. Un second programme dédié aux agriculteurs, Agribooster, a aussi touché quelque 214.009 fermiers tout en augmentant 46% des rendements du maïs et de 32% du riz.

Dans un autre registre, OCP a lancé, toujours au Nigeria des « Farmer House » pour mettre en place un guichet unique de proximité regroupant des services relatifs à la formation et à la vulgarisation des bonnes pratiques agricoles. C’est le même cas avec un autre programmé dénommé « Agripromoters » qui a été lancé pour compléter l’offre du guichet unique.

« A travers les différents programmes ou projets lancés au Nigeria et qui seront dupliqués dans d’autres pays partenaires, la vision du Groupe OCP reste le même : servir l’humain. Ce qui passera forcément par une industrialisation plus durable de l’agriculture, mais aussi par le renforcement des compétences humaines, et surtout des agriculteurs », soutient-on au niveau Groupe OCP.

On ajoute également qu’à côté des producteurs agricoles, une place importante est accordée à la R&D et à l’initiative des jeunes, « moteurs de l’intelligence collective et de l’innovation ». Plusieurs partenariats ont été signés en ce sens avec des établissements universitaires et des organismes de recherche du continent.

Nourrir la terre pour nourrir la planète

A travers sa stratégie, le Groupe OCP, détenu à 95% par le Royaume du Maroc, pays qui détient près de 75% des réserves mondiales du phosphate, entend soutenir la révolution agricole entamée par plusieurs gouvernements, dans l’optique de faire de l’agriculture un moteur de développement économique et social. En cent ans, le Groupe qui a réalisé en 2021 un chiffre d’affaires de 9,4 milliards de dollars, s’est positionné en effet comme un acteur incontournable du développement de l’agriculture et la promotion de la sécurité alimentaire à travers son engagement de « nourrir la planète » avec des initiatives, notamment sur le continent, à la fois industrielles et entrepreneuriales pour booster le secteur agricole. Des initiatives qui vont de la production d’engrais à la préservation de l’environnement, en passant par l’accompagnement des petits agriculteurs

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Il faut dire que pour l’Afrique, le sujet de l’accès aux engrais est crucial pour l’atteinte des objectifs d’une agriculture durable et prospère. Le continent, dont la population va presque doubler pour atteindre plus de deux milliards d’habitants à l’horizon 2050, est actuellement confrontée à l’insécurité alimentaire, la dégradation des sols, le tarissement de l’eau sous l’effet du changement climatique ainsi qu’un faible rendement agricole. Bien que plusieurs pays soient producteurs et même exportateurs de produits phosphatés et d’urée, le continent est un importateur net de produits d’engrais potassiques. Et avec une consommation d’engrais de 17 kg par hectare, l’Afrique est loin de la moyenne mondiale. Dans certains pays d’Europe de l’Ouest, par exemple, elle est d’environ 150 kg/ hectare.

Cette situation n’est pas sans impactée la quête de souveraineté alimentaire que vise le continent et avec la crise actuelle, la question de l’accessibilité des intrants pour les petits agriculteurs, est devenue plus que stratégique pour certains pays où ces derniers représentent près de 80% de la population. Pour rappel, l’Afrique importe actuellement 56 % de ses besoins en engrais de l’étranger, et selon les estimations de la Banque africaine de développement (BAD), le continent affiche un déficit annuel d’approvisionnement estimé à 2 millions de tonnes. Ce que le groupe OCP entend combler à travers sa stratégie d’expansion africaine.

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