Chronique : Réunions de printemps des institutions de Bretton Woods, quelles lignes de financement pour l’Afrique ?

Avec l’atonie mondiale, conjuguée à une stagflation et des conditions difficiles liées à un endettement élevé, les argentiers du continent, qui participent aux réunions de Printemps 2023 de la Banque mondiale et du FMI à Washington ne sont pas à la fête. (Crédit : Dr).

Dans un contexte marqué par une croissance en chute libre, depuis 2021, passant de 4,1% à une estimation de 3,1% à fin 2023, l’Afrique a répondu, comme à l’accoutumée, présente aux réunions de printemps de la Banque mondiale et du FMI. Si les montants des engagements financiers spécifiques que les institutions de Bretton Woods prévoient pour l’Afrique en 2023, ne sont pas encore publics, on peut espérer que cette fois, les enveloppes seront à la hauteur des besoins, en phase avec Reshaping Development, thème retenu cette année.

Avec l’atonie mondiale, conjuguée à une stagflation et des conditions difficiles liées à un endettement élevé, les argentiers du continent, qui participent aux réunions de Printemps 2023 de la Banque mondiale et du FMI à Washington ne sont pas à la fête. Les réunions, qui se déroulent du lundi 10 avril au dimanche 16 avril au siège du GBM et du FMI, sont déjà axées sur un développement non carboné dans un contexte de crise. Aux yeux des financiers de ces institutions, l’Afrique au sud du Sahara, qui dispose de ressources naturelles nécessaires à ce nouveau modèle, n’est pas prête. Jugez-en vous-mêmes, tant le déroulé des événements aux Spring Meetings du groupe Banque mondiale et FMI en dit long. Dès le 10 avril, le Coin analytique, portant Climate finance en Afrique au sud du Sahara, et animé par l’économiste Anna Belianska, Monetary & Capital Market Department du FMI et son homologue Giovanni Melina, Senior Economiste, African Department du FMI, ont admis que dans cette sous-région, un financement supplémentaire est nécessaire pour soutenir l’adaptation et l’atténuation du changement climatique. Toutefois, pour accéder aux ressources, les autorités nationales doivent améliorer les cadres et les capacités nationales, avec le soutien de la communauté internationale. Le même jour, Garerth Anderson, Middle East & Central Asia Department du FMI, et Jiayi Ma, Middle East & Central Asia Department du FMI, tablaient sur les options d’un futur, bas carbone pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale.

Encore des vœux pieux

La suite des sessions, notamment celles sur « Climate Finance & Security Energy », animée par Bo Li, Deputy Managing Director, IMF, Rania Al-Mashat, Minister for International Cooperation, Egypt, Tim Gould, Chief Energy Economist, International Energy Agency, Kampeta Sayinzoga, CEO, Rwanda Development Bank, et Dan Yergin, Vice Chairman, S&P Global, ou encore sur « Surmonter la dette, générer de la croissance », par David R. Malpass, President of the World Bank Group,Tina Vandersteel, Head of Emerging Country Debt, GMO, Raghuram Rajan, Professor of Finance, University of Chicago’s Booth School, Ahmed Shide, ministre éthiopien des Finances, Nigel Clarke, ministre jamaïcain des Finances et de la Fonction publique, etc, ont été un chapelet de doléances suivies de vœux pieux. Les problématiques avec des difficultés de change, une dette qui s’alourdit entrainant le service de la dette sur cette tendance, une inflation supportée par les classes les moins nanties, un secteur privé qui attend plus de soutiens, en vain… En face, les institutions de Bretton Woods dictent une amélioration du climat des affaires, de la transparence et une réelle bonne gouvernance.

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En face, l’Ukraine, envahie depuis plus d’un an, par la Russie, reçoit des enveloppes, chiffrées en milliards de $, en appui aux efforts de relèvement et de reconstruction. Doit-on se demander si cette guerre entraîne de plus graves répercussions régionales et mondiales ? La 3ème Table ronde ministérielle organisée par Groupe BM et le FMI, mercredi 12 avril, collaboration avec le gouvernement ukrainien, a confirmé ce soutien pour combler les besoins de l’Ukraine à moyen terme, sur les projets prioritaires en matière de relèvement et de reconstruction et sur les champs de collaboration internationale. 

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Parallèlement pour l’Afrique, les engagements financiers spécifiques, que le FMI et la Banque mondiale prévoient pour l’Afrique en 2023, ne sont pas encore publiques. Certes, ces investissements dépendront des priorités et des besoins économiques et financiers de chaque pays africain, ainsi que de la capacité du FMI et de la Banque mondiale à fournir une assistance financière dans le cadre de leur mandat. Au moment où nous mettons sous presse, c’est mystère et boule de gomme. Le décollage de l’Afrique au Sud du Sahara repose certes sur l’investissement dans les infrastructures, le développement économique, la réduction de la dette et le renforcement des capacités institutionnelles, mais les initiatives pour lutter contre la pauvreté et améliorer la qualité de vie dans ces pays africains seront plus efficaces si la transformation des ressources naturelles est prise à bras le corps.

Venir à bout de la dette et générer de la croissance

A Washington, il a été admis que la pandémie de COVID-19 et ses répercussions en chaîne ont aggravé la crise de la dette qui menace de nombreux pays en développement. Fin 2021, la dette extérieure de ces pays avait plus que doublé par rapport à la décennie précédente, pour atteindre 9 000 milliards de dollars. La situation est particulièrement désastreuse dans les pays les plus pauvres, car le fardeau de la dette ralentit la croissance et enraye les progrès sur le front de l’éducation, de la santé et de l’action climatique.

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Le ralentissement de la croissance mondiale et la remontée des taux d’intérêt en réponse à l’inflation aggravent encore les choses, et le spectre d’une crise de la dette plane sur toujours plus de pays. Les efforts entrepris pour désamorcer la crise se sont hélas avérés insuffisants jusqu’ici. Le manque de transparence retarde et entrave les processus de restructuration de la dette, tandis que les clauses de confidentialité dans les contrats de prêts sont de plus en plus fréquentes. Aujourd’hui, l’urgence est de parvenir à une plus grande transparence et d’accélérer la conclusion d’accords sur le règlement de la dette,mais aussi de mener des réformes grâce auxquelles les pays seront mieux armés pour gérer leur endettement plus efficacement, ce qui permettra de libérer des ressources pour financer des investissements essentiels. Ce fil directeur a guidé une discussion animée par le président du Groupe de la Banque mondiale, David Malpass, et réunissant notamment le ministre éthiopien des Finances, Ahmed Shide, et son homologue jamaïcain, Nigel Clarke, qui ont pu témoigner de la situation dans leur pays.

Capaciter la femme africaine et œuvrer à la transformation des ressources

Outre les échanges sur « La place des femmes dans l’entrepreneuriat et le leadership », ces discussions autour de « Etat de l’Afrique : valoriser les ressources naturelles pour un avenir durable » m’ont surtout captivé. Les efforts mondiaux visant à décarboner les économies sont susceptibles de créer une demande de 3 millions de tonnes de minéraux et métaux, dont beaucoup se trouvent en Afrique. Le continent a donc la possibilité de valoriser les richesses en ressources naturelles pour accélérer l’accès à l’énergie et la transition verte, stimuler la transformation économique et l’emploi, et générer davantage de recettes fiscales. Il reste à se demander de quelle manière, les décideurs politiques peuvent-ils tenir cette promesse et éviter les écueils des précédents booms et effondrements des ressources naturelles ?

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Pour tirer un meilleur parti de leurs ressources naturelles, les décideurs doivent aller vers la R&D et une industrialisation tous azimuts. Aussi, il sera utile d’œuvrer afin que les femmes ne soient plus confrontées à de nombreuses difficultés, des barrières juridiques au manque d’infrastructures pour la garde des enfants, en passant par le poids des normes sociales, les obstacles dans l’accès aux financements et les pratiques discriminatoires des employeurs. Il ne faudra surtout pas laisser les femmes en marge de la révolution numérique, dans un monde mu par les avancées technologiques. Tous ces enjeux et tant d’autres ont été soulevés au cours des rencontres à Washington. Il reste à les surmontés. Le groupe de la BM et du FMI pourra y arriver de concert avec des décideurs du public et du privé transparents et responsables.

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