Burkina : avec la reprise des mines d’or d’Inata et de manganèse de Tambao par Afro Turk, le secteur minier retrouve des couleurs

Selon les données récentes de l'Initiative pour la Transparence dans l'Industrie Extractive (ITIE), dont le pays est membre,  les mines représentent 12 % du PIB et 75 % des exportations au Burkina Faso. (Crédit : DR).

Les choses sont allés très vite entre le gouvernement burkinabé et l’entreprise Afro Turk. Deux mois après la décision des autorités de céder les actifs miniers pour l’exploitation industrielle du manganèse de Tambao et de la grande mine d’or d’Inata à la société Afro Turk par une procédure d’entente directe, les deux parties ont acté la transaction le 25 avril dernier pour un montant de 30 milliards de francs CFA. En plus d’apporter de l’argent frais aux caisses de l’Etat, l’opération redonne du souffle au secteur minier burkinabé qui traverse une crise depuis plusieurs années en raison notamment de l’amplification des menaces sécuritaires qui ont poussé plusieurs investisseurs miniers à tempérer leur ambition de développer de nouveaux projets.

Tout n’est pas encore réglé pour permettre le démarrage de l’exploitation industrielle sur les deux sites, mais pour le gouvernement burkinabé, c’est une étape importante qui vient d’être franchit dans la redynamisation du secteur très stratégique des mines du pays. Le 1er mars dernier, les autorités avaient validé en conseil des ministres la cession des actifs miniers pour l’exploitation industrielle du manganèse de Tambao et de la grande mine d’or d’Inata à la société Afro Turk.  Le 25 avril 2023 à Ouagadougou, les deux parties ont procédé à la signature des contrats y afférents et selon les explications du ministre des Mines, Simon-Pierre Boussim, l’Etat burkinabè a cédé à Afro Turk la mine de manganèse de Tambao pour un montant de 28 milliards de francs CFA et la mine d’or d’Inata pour un montant de 2 milliards de francs, soit un total de 30 milliards de francs CFA.  Selon les données officielles, les réserves de Tambao sont estimées à 55 millions de tonnes de manganèse et celle d’Inata dispose d’un potentiel de 1,85 million d’onces d’or. L’acte de cession a été paraphé lors d’une cérémonie solennelle de signature du contrat entre d’une part, Simon Pierre Boussim, ministre de l’Énergie, des Mines et des Carrières, assisté de son homologue de l’Économie et des Finances, Aboubakar Nacanabo, et d’autre part, Savas Balcik, PDG d’Afro Turc. Avec cette session, la société turque va ainsi pouvoir désormais opérer au Burkina avec les dénominations Afro Turk Tambao et Afro Turk Inata.

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Toutefois, a souligné le ministre, la signature du contrat ne donne pas immédiatement un droit d’exploitation à Afro Turk Tambao et Afro Turk Inata qui devront encore déposer une demande de permis d’exploitation, conformément à la réglementation du code minier du pays. « Cette signature va permettre à ces sociétés d’être propriétaires de ces actifs miniers. A l’étape actuelle, avec cette signature, les sociétés ne sont pas d’abord autorisées à l’exploitation. Elles vont donc actualiser les études technico-économiques et déposer une demande pour qu’on puisse leur autoriser l’exploitation » a-t-il expliqué. C’est à l’issue de cette procédure, qui risque de prendre du temps, que le gouvernement donnera l’autorisation d’exploitation à la société turque.

Des retombées attendues par le gouvernement alors que le secteur minier est en crise

Pour le gouvernement, cette opération s’annonce de bonne augure non seulement pour le Trésor public mais aussi pour l’ensemble du secteur minier du pays. La preuve, c’est par entente directe que la transaction a été conclue, ce qui n’a pas manqué de susciter des critiques dans le pays mais au regard de ses besoins urgents, le gouvernement n’a véritablement pas le choix pour relancer le secteur qui est stratégique pour l’économie du pays. Depuis 2015, en effet, le secteur minier burkinabé traverse une crise sans précédent avec la dégradation de la situation sécuritaire qui se traduit par des attaques attribués à des groupes armés terroristes (GAT) notamment dans les zones où se trouvent les importants sites miniers du pays. Des attaques qui ont visé plusieurs unités industrielles poussant les investisseurs à fermer certaines mines et à reporter leurs projets de développement. La question de la sécurisation des mines a d’ailleurs été bien prise en compte dans le contrat signé par l’Etat burkinabé et l’entreprise turque. Selon les clauses du contrat, il est prévu des bases pour les Forces de défense et de sécurité (FDS) dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. En plus de la construction des bases pour les FDS, il aussi évoqué les questions de création d’emplois pour les jeunes et le développement des communautés locales.

« Comme vous le savez, mettre une mine en exploitation va profiter à l’économie du Burkina Faso. Dans ces zones ciblées c’est aussi pour une question de sécurisation. Effectivement, les questions sécuritaires font aussi partie des clauses du contrat. Nous avons demander à ces sociétés de construire également des bases pour donc permettre à nos FDS d’intervenir dans ces sites miniers. C’est une façon ici de contribuer à la résolution de la crise sécuritaires. Nous estimons que ces sociétés ont ces compétences pour nous aider car elles sont aguerries dans l’exploitation de minerai dans d’autres pays », a indiqué le ministre Pierre Boussim lors de la signature du contrat.

L’autre aspect important pour le gouvernement, c’est aussi de tirer de substantielles rentrées budgétaires pour les caisses de l’Etat et permettre la relance économique alors que le pays traverse une crise sans précédent. Suite aux deux coups d’état militaires du 24 janvier puis du 30 juillet 2022, les principaux partenaires du pays notamment la Banque mondiale, le FMI, l’Union européenne ou les Etats-Unis ont suspendu leur appui financier alors que l’économie du pays faisait face aux chocs engendrés par la crise sécuritaire mais aussi d’autres facteurs exogènes comme la pandémie de la Covid-19, la guerre en Ukraine ainsi que conjoncture mondiale. Les autorités de transition qui avait besoin de cash notamment pour accroitre les capacités des forces de défense et de sécurité ainsi que la crise humanitaire provoquée par le déplacement des populations fuyant les violences, ont vu leur marge de manœuvre encore réduite par les conséquences de la crise sécuritaire sur le secteur extractif du pays. «Dans la perspective de la reprise des exploitations des mines de Tambao et Inata, nous prévoyons contribuer à la résorption du chômage des jeunes en privilégiant le recrutement au sein des populations locales. Nous entendons enfin contribuer par notre apport à la relance de l’économie burkinabè», a indiqué le ministre.

De nouvelles perspectives pour le secteur minier en dépit de la situation sécuritaire

Avec cette opération, l’entreprise Afro Turk, proprité de l’Etat turc et présente dans le domaine d’exploitation des mines dans le monde depuis 1938 réalise une belle opération dans le cade du développement de ses activités en Afrique et permet au secteur minier burkinabé de surfer sur de nouvelles perspectives. Le gisement de manganèse de Tambao est situé dans la commune de Markoye, province de l’Oudalan, dans la région du Sahel, près de la frontière du Mali et du Niger,  renferme plus de 100 millions de tonnes de minerai selon des estimations. D’après le gouvernement burkinabé, son exploitation permettra de générer 1.000 emplois directs et 3 000 emplois indirects ainsi que des recettes au profit du budget de l’Etat. S’agissant de la mine d’or située à Inata, province du Soum, dans la région du Sahel, son exploitation favorisera un accroissement des ressources minières et la création de nouveaux emplois, selon le gouvernement burkinabè.

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Il faut dire que depuis 2009, l’exploitation minière a pris de l’ampleur au Burkina Faso qui figure aujourd’hui parmi les plus grands producteurs d’or d’Afrique, à côté de l’Afrique du Sud, du Ghana et du Mali. D’une production de 5,6 tonnes d’or en 2008, le pays a exporté 66,858 tonnes en 2021 avec une contribution au budget de l’Etat qui s’est fortement améliorée ces dernières années passant de 8,912 milliards de francs CFA soit 13,3 millions de dollars en 2008 à 322 milliards de francs CFA soit quelques 536 millions de dollars en 2020, selon les données disponibles au ministère en charge des Mines. La production moyenne annuelles ces dernières années est  de 70 tonnes par an, ce qui fait de la  production des mines d’or légales, le premier produit d’exportation du pays, devant le coton. A coté, le secteur artisanal génère une production annuelle supplémentaire d’environ 10 tonnes d’or, selon le ministère des Mines. Avec la crise, plusieurs sites miniers ont été abandonnés et la situation sécuritaire du pays ne permet plus au gouvernement de contrôler les sites d’orpaillages artisanales qui pullulent dans le pays. Certains de ces illégaux ont été fermés par les autorités mais selon plusieurs sources, beaucoup sont tombés dans le joug des groupes armés terroristes qui en tirent de substantielles retombées au détriment des caisses de l’Etat.

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Selon les données récentes de l’Initiative pour la Transparence dans l’Industrie Extractive (ITIE), dont le pays est membre,  les mines représentent 12 % du PIB et 75 % des exportations au Burkina Faso. Le secteur des mines a aussi créé 51.635 emplois directs selon les données de 2022 et c’est particulièrement l’or qui est devenu le véritable fer de lance de cette dynamique minière et qui en fait aujourd’hui un véritable pilier de l’économie du burkinabé puisque le métal jaune représente à lui seul plus de 16 % du PIB et 80 % des exportations. Les autorités envisagent d’ailleurs d’accroitre sa contribution à l’économie avec le projet de mise en place d’une chaîne de transformation locale de ce produit minier afin de générer davantage de revenus pour les caisses de l’État. En février dernier, le Président de la transition, le capitaine Ibrahim Traoré,  a annoncé la volonté du gouvernement de construire dans les prochains mois une raffinerie pour assurer la transformation locale de la production nationale d’or. D’autres changements sont prévus dans les prochains mois, avec une révision du code minier actuel et le gouvernement a écarté l’option de nationaliser certaines mines opérées par des compagnies étrangères. Au contraire, annoncent les autorités, des mesures sont en train d’être prises pour améliorer le climat des affaires et attirer de nouveaux investisseurs dans le secteur en dépit de la situation sécuritaire que traverse le pays et qui frappe de plein fouet l’industrie extractive du pays. La signature de double contrat avec Turk Afro, s’inscrit dans cette dynamique et permet au secteur de surfer sur de nouvelles et prometteuses perspectives  surtout dans l’optique d’une reprise plus robuste de l’économie mondiale et donc d’une hausse plus vigoureuse projetée de la demande mondiale en or. Pour rappel, en décembre dernier, le gouvernement burkinabé avait  déjà octroyé un permis d’exploitation d’une nouvelle mine d’or à la société russe Nordgold.

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