Etudes – Logistique portuaire : peu performants, comment les ports africains peuvent gagner en efficacité

L'indice CCPI qui a été mis à point par la Banque mondiale et S&P Global Market Intelligence a comparé les performances de 348 ports à conteneurs dans le monde selon leur efficacité en mesurant le temps écoulé entre l’arrivée en rade d’un navire et son départ du poste d’amarrage, une fois l’échange de cargaison effectué. (Crédit : Dr).

Dans la dernière édition du rapport de la Banque mondiale sur l’Indice mondial de performance des ports à conteneurs (CPPI) qui porte sur l’évaluation de près de 340 ports, les ports africains font pale figure et se classent parmi les moins performants du monde mis à part quelques exceptions qui peuvent servir de modèle. Alors que partout ailleurs, l’heure est à la reprise après les perturbations causées par la pandémie du Covid-19, de nombreux ports de la région pâtissent de la durée excessive des cycles de chargement ou de déchargement, faisant peser un risque constant de perturbation sur la chaîne logistique selon les auteurs. D’après les données du rapport, ils réussiraient à accroître la productivité et à améliorer la qualité des services en dématérialisant davantage les procédures et en modernisant les infrastructures. Des pistes qui peuvent également permettre aux pays africains d’améliorer leur performance en matière de logistique notamment portuaire.

La bonne nouvelle de cette édition 2023 de l’Indice mondial de performance des ports à conteneurs (CPPI) et qui porte sur les données de l’année 2022, c’est qu’on assiste à  une nette amélioration des conditions opérationnelles depuis les perturbations sans précédent causées par la pandémie de COVID-19. La mauvaise, c’est que les ports africains, assez peu compétitifs, restent peu performants mis à part quelques exceptions sur le continent. L’indice CCPI qui a été mis à point par la Banque mondiale et S&P Global Market Intelligence a comparé les performances de 348 ports à conteneurs dans le monde selon leur efficacité en mesurant le temps écoulé entre l’arrivée en rade d’un navire et son départ du poste d’amarrage, une fois l’échange de cargaison effectué. Il vise ainsi à identifier les lacunes des infrastructures portuaires commerciales et à formuler des recommandations qui profiteraient à tous les acteurs clés du commerce mondial : États, compagnies maritimes, opérateurs de ports et de terminaux, affréteurs, entreprises de logistique et consommateurs.

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Entre autres points saillants du rapport, le port chinois de Yangshan qui arrive en tête de classement, malgré la survenue de typhons et d’autres facteurs qui ont désorganisé son fonctionnement en 2022.  En dehors du port de Yangshan, le rapport indique à nouveau cette année la bonne performance des installations du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Trois ports de la région occupent les cinq premières places du classement, la deuxième revenant à Salalah (Oman), la troisième à Khalifa (Abou Dhabi) et la quatrième à Tanger Med (Maroc). Selon le rapport, les ports d’Amérique latine ont aussi progressé. En Colombie, le port de Carthagène ressort désormais à la 5e place, tandis que le port de Posorja, en Équateur, occupe le 19e rang du classement.  En Asie du Sud-Est, Tanjung Pelepas (Malaisie) se hisse au 6e rang, tandis que Cai Mep (Viet Nam) et Singapour pointent respectivement à la 12e et 18e places.  Pour l’Europe, le port d’Algésiras (Espagne) arrive en tête, à la 16e place, tandis qu’en Amérique du Nord, les deux ports les mieux classés sont Wilmington, en Caroline du Nord (44e) et le port de Virginie (52e). Le port de Berbera, à la 144e place, est le plus performant d’Afrique subsaharienne. De nombreux ports de la région pâtissent de la durée excessive des cycles de chargement ou de déchargement, faisant peser un risque constant de perturbation sur la chaîne logistique.

« Il est indispensable d’accroître la performance des ports d’Afrique pour libérer la croissance et le développement du continent. Ces ports sont autant de points d’accès vitaux pour le commerce et les échanges ; leur efficacité contribue à la sécurité alimentaire et constitue également un facteur déterminant pour le plein épanouissement économique de l’Afrique », a déclaré Martin Humphreys, économiste principal spécialisé dans les transports à la Banque mondiale.

Investissements dans les infrastructures et dématérialisation des procédures pour gagner en compétitivité

Selon le rapport, partout dans le monde, les ports continuent de récupérer leur retard et de se remettre des difficiles perturbations causées par la pandémie de Covid-19. « Les difficultés causées par la pandémie de Covid-19 et ses conséquences sur le secteur se sont atténuées en 2022, une atténuation qui s’est poursuivie au début de l’année 2023. Cela s’est traduit par une amélioration de la congestion portuaire et une réduction des perturbations logistiques, qui a eu un impact positif sur la performance et le classement de certains ports », ont indiqué les auteurs du rapport pour qui, ils pourraient toutefois gagner en efficacité dans certains domaines. Et d’après les données du rapport, ces ports réussiraient à accroître la productivité et améliorer la qualité des services en dématérialisant davantage les procédures et en modernisant les infrastructures et cela leur permettrait également de réduire les émissions polluantes. Des mesures qui valent particulièrement pour les ports africains d’autant que comme l’a fait ressortir un autre rapport de la Banque mondiale sur l’Indice de performance logistique, qui mesure la capacité des pays à assurer une circulation internationale des marchandises dans des délais rapides et avec fiabilité, la numérisation des procédures s’accompagne de véritables gains de compétitivité en matière de commerce internationale.

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Selon l’Indice CPPI, le Port de Tanger Med est classé à la 4e position du top 10 des ports à conteneurs les plus performants en Afrique en 2022. La méga-plateforme marocain, qui a progressé de deux rangs par rapport au classement 2021, confirme ainsi sa forte croissance portée par une amitieuse volonté politique qui s’est traduite par des investissements massifs  pour développer le complexe portuaire sur lequel est actuellement en train d’être érigée un quatrième terminal à conteneurs (TC4) pour une enveloppe de plus de 800 millions de dollars. De quoi accroitre les capacités du port qui se positionne également par ses performances, qui en font l’un des plus attractifs de la région et permet également de renforcer la connectivité du Maroc en matière de logistique.

Améliorer la performance portuaire pour renforcer l’attractivité logistique

Cette stratégie peut servir de modèle pour les autres places portuaires du continent afin qu’ils puissent pleinement tirer profit de la croissance attendue du commerce international.  Le défi pour les pays africains, au delà de la stratégie portuaire, c’est de pouvoir améliorer le secteur de la logistique, un véritable défi en matière d’intégration et à l’heure où des retombées sont attendues de l’ouverture du marché africain avec la Zlecaf ainsi que d’une intégration plus poussée des pays africains dans le commerce mondial. « La logistique est la pierre angulaire du commerce international, et le commerce est quant à lui un puissant moteur de la croissance économique et de la réduction de la pauvreté», explique ainsi Mona Haddad, directrice mondiale pour le commerce, l’investissement et la compétitivité à la Banque mondiale, dans la dernière édition du rapport « Connecting to Compete« , publié il y a quelques semaines. L’édition 2023 de l’indice de performance logistique qui aide les pays en développement à recenser les domaines dans lesquels des améliorations peuvent être apportées pour stimuler la compétitivité, a été publiée après trois années de perturbations sans précédent des chaînes d’approvisionnement pendant la pandémie de COVID-19, au cours desquelles les délais de livraison se sont démesurément allongés. Couvrant 139 pays, l’indice  mesure la facilité avec laquelle il est possible d’établir des connexions fiables entre les chaines d’approvisionnement ainsi que les facteurs structurels qui le permettent, tels que la qualité des services logistiques, les infrastructures commerciales et de transport, et les contrôles aux frontières.

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En moyenne, a fait ressortir dans lequel les pays africains arrivent également dans la dernière catégorie du classement, sur l’ensemble des axes commerciaux potentiels, 44 jours s’écoulent entre le moment où un conteneur entre dans le port du pays exportateur et celui où il quitte le port de destination, avec un écart type de 10,5 jours. Pendant 60 % de ce temps le conteneur est chargé sur un navire. Selon le rapport 2023, la numérisation de bout en bout des chaines d’approvisionnement, en particulier dans les économies émergentes, permet à ces pays de réduire jusqu’à 70% les délais des opérations portuaires par rapport à ceux des économies développées. Selon les données du rapport, on observe par ailleurs une hausse de la demande en faveur de chaînes logistiques « vertes », 75 % des expéditeurs de marchandises privilégiant désormais des options respectueuses de l’environnement pour leurs exportations vers les pays à revenu élevé. « Si la majeure partie du temps est consacrée à l’expédition, les retards les plus importants se produisent dans les ports maritimes, les aéroports et les installations multimodales. Par conséquent, les politiques portant sur ces installations peuvent contribuer à améliorer la fiabilité »,a souligné Christina Wiederer, économiste senior au département Macroéconomie, commerce et investissement du Groupe de la Banque mondiale et coautrice du rapport. Ces mesures consistent notamment à améliorer les processus de dédouanement, investir dans les infrastructures, recourir aux technologies numériques et promouvoir des chaînes logistiques durables sur le plan environnemental en se tournant vers des modes de transport de marchandises à moindre intensité de carbone et des solutions d’entreposage plus économes en énergie.

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