Tribune : l’Afrique de l’Ouest, nouveau hub énergétique d’une région en pole position

Par Mahaman Laouan Gaya, Expert International en Energie et Pétrole, Ancien Ministre de la République du Niger ( Crédit : Dr).

Depuis juin 2014, le monde et l’Afrique avec, assistent impuissants à un bouleversement des marchés énergétiques mondiaux en général et pétrolier en particulier. Cette crise énergétique a mis en évidence l’urgence, pour l’Afrique d’adopter ses propres stratégies de production et de sécurisation de ses approvisionnements dans un contexte de très grandes fluctuations des prix des hydrocarbures et des enjeux climatiques mondiaux exigeant à tous les pays une politique de transition énergétique.

 

Par Mahaman Laouan Gaya, Expert International en Energie et Pétrole, Ancien Ministre de la République du Niger

Aujourd’hui, les Occidentaux sont très conscients que l’ère de leur domination unilatérale touche à sa fin, et telle queles choses se dessinent, le monde qui émergerait du conflit « russo-ukrainien » ou plutôt « russo-occidental » sera bouleversé de fond en comble, avec un nouvel ordre politique, économique, énergétique et militaire complètement différent de celui (unipolaire) issu de la chute du Mur de Berlin. Et pourtant, si une indépendance et volonté politiques de ses dirigeants s’y mêlent, l’Afrique a tout à gagner dans ce prochain repositionnement de l’échiquier monde. En effet, la guerre russo-ukranienne a mis en lumière la trop forte dépendance énergétique des pays de l’Union Européenne vis-à-vis de Moscou. Selon d’ailleurs certains observateurs, les énergies fossiles ne sont qu’une facette de la dépendance maladive des « 27 » aux importations (hors Union Européenne) et la pandémie du Covid-19 (de 2020 à 2022) avait fortement mis en évidence la complexité des chaînes d’approvisionnement et le manque quasi-total de capacité de production en Europe des minéraux dits « critiques ». La promotion et le développement des énergies renouvelables, des équipements high tech (les nouvelles technologies de la communication) et des voitures électriques nécessitent l’utilisation à grande échelle de ces minéraux (exceptionnellement très abondants en Afrique), et dont l’Europe en a grandement besoin.

L’énergie au cœur des enjeux géopolitiques mondiaux

L’énergie est ainsi depuis quelques temps au cœur de nouveaux enjeux géopolitiques qui s’articulent du local au mondial, et participe de la vulnérabilité africaine dans la mondialisation (en témoigne le cas de certains pays sahéliens très riches en ressources énergétiques et en proie à des coups d’Etat militaires). Déjà, la famine énergétique de plus en plus pressante dans le monde occidental, amène les grands consommateurs mondiaux de l’énergie (pays européens, pays dits « émergeants » d’Asie, entreprises pétrolières et nucléaires occidentales, entreprises en quête des métaux dits « critiques »)… à courtiser assidûment les pays africains riches en ressources énergétiques. Du point de vue de tout ce potentiel énergétique, il est bien évident que l’Afrique de l’Ouest s’approprie la part du lion. Tous les pays du Golfe de Guinée et de l’hinterland (Mali, Niger,) sont pour l’essentiel producteurs ou en phase de recherche/exploration des hydrocarbures. Relativement « au centre du monde », facile d’accès et un pétrole brut d’excellente qualité, la partie Ouest de l’Afrique suscite en effet aujourd’hui l’intérêt de toutes les puissances qui en ont fait une « zone d’intérêt vital ».

Avantage comparatif du continent africain                                                                      

Du point de vue des ressources énergétiques, le continent africain abrite plus de 20% de réserves mondiales d’uranium, d’une des plus grandes réserves hydroélectriques exploitables mondiales avec un potentiel de plus de 300 GW et un productible de 1100 TWh (le continent malheureusement n’exploite que 8% de ce potentiel). Par ailleurs, l’Afrique a 15% de réserves mondiales de géothermie (15 GW), 38% en potentiel éolien (110 GW), plus de 300 jours d’ensoleillement par an (soit 11.000 GW), sans oublier les 40 milliards de m3 de gaz torchés des sites pétroliers annuellement rejetés dans l’atmosphère et les millions de tonnes de déchets urbains (énergies de récupération pouvant produire de l’électricité). Pour ce qui est des ressources en hydrocarbures, le continent pèse pour presque 10% de la production pétrolière mondiale actuelle et peut disposer de 13 à 15% des réserves mondiales. Les ressources en hydrocarbures africaines sont sous exploitées, voire sous explorées et leur potentiel global est là…très abondant et il n’y a l’ombre d’aucun doute que ce potentiel peut rivaliser aujourd’hui avec celui de n’importe quelle autre région du monde. L’Afrique dans toutes ses parties, dispose à l’état virtuel d’un potentiel exceptionnellement abondant en énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon, uranium) et renouvelables (solaire, éolien, hydraulique, géothermie, hydrogène, biomasse…et même déchets urbains). Les ressources extractives et énergétiques que possède le continent lui offrent un avantage comparatif manifeste, une chance unique de favoriser son développement humain et économique, et de se positionner comme incontournable sur l’échiquier mondial.  

L’Afrique en pole position dans le prochain « ordre énergétique mondial »                      

Le moment est venu pour les africains de s’affirmer courageusement sur les plans énergétique, économique, etc… dans le cadre d’une Union Africaine orientée vers son Agenda 2063, la Vision Minière Africaine (VMA) et la construction du continent pour les africains et par les africains à travers la Zone de Libre Échange Continentale Africaine (ZLECAf), véritablement libre. La réorientation des activités minières, pétrolières et énergétiques au profit de la résurgence de la ZLECAf, est plus que jamais un enjeu de taille et de souveraineté économique du continent. La crise russo-ukrainienne (crise pour les autres, mais aubaine pour l’Afrique pétrolière et énergétique) avec son risque d’enlisement, peut constituer une excellente opportunité pour les pays africains producteurs de matières premières extractives et énergétiques. Avec cette Afrique que nous voulons et qui peut être, si elle est unie et munie d’une volonté politique courageuse, être au premier peloton des producteurs des énergies de la planète et pourquoi pas jouer un rôle de premier plan dans l’hypothèse très probable d’un « nouvel ordre énergétique, militaro-économique mondial ».  

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