Interview : l’alliance tripartie Mali-Niger-Burkina est une étape décisive dans la lutte contre le terrorisme dans le Sahel

La Charte du Liptako-Gourma, établit les bases d’une alliance qui promet de redéfinir la lutte contre le terrorisme au niveau sous-régional en Afrique de l’Ouest en général et au Sahel en particulier. (Crédit : DR).

Pour faire face à l’insécurité dans le Sahel, le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont conclu septembre dernier la charte de Liptako Gourma ou l’Alliance des États du Sahel (AES) qui vise à instaurer un système de défense collective et d’assistance mutuelle. Au-delà du volet sécuritaire, le texte pose aussi les jalons d’une intégration économique. Modibo Mao Makalou, économiste et ancien responsable de la conception et de l’évaluation des politiques et stratégies de développement au Mali, revient pour AFRICA INCOME sur les dessous de cet accord.

Africa Income : Le Mali, le Burkina, le Niger, sont désormais liés par un accord tripartite dans plusieurs domaines. Quels sont les causes sous-jacentes de ce partenariat ?

Modibo Mao Makalou : La Charte du Liptako Gourma instituant l’Alliance des États du Sahel entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger a été signée le 16 septembre 2023. L’Alliance des États du Sahel (AES) vise à instaurer un système de défense collective et d’assistance mutuelle. Selon la présente charte, dénommée Charte du Liptako-Gourma, les parties contractantes instituent entre elles, l’Alliance des Etats du Sahel (AES) […] Toute atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale d’une ou plusieurs parties contractantes sera considérée comme une agression contre les autres parties et engagera un devoir d’assistance et de secours de toutes les parties. L’ AES vise à lutter contre le terrorisme sous toutes ses formes et à combattre la criminalité organisée dans cette région sahélienne subjuguée par l’insécurité et le terrorisme.

Quels sont les points saillants de cet accord de 17 articles, signé le 16 septembre 2023 par les trois dirigeants ?

Les articles 5, 6 et 8 de la Charte permettent à chaque partie de chasser ou de combattre les rebelles et les terroristes cherchant refuge sur son territoire. Cette alliance renforcée entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger peut être perçue comme une étape décisive pour la coopération sous- régionale en matière de  sécurité et de défense des populations de la région du Liptako Gourma qui recouvre les frontières communes des 3 pays membres de l’AES mesurant une superficie d’environ 400 000 km².

Ainsi le volet sécuritaire y a été largement consacré. En quoi consistera cette coopération sécuritaire en détails ?

La Charte du Liptako-Gourma, établit les bases d’une alliance qui promet de redéfinir la lutte contre le terrorisme au niveau sous-régional en Afrique de l’Ouest en général et au Sahel en particulier. L’AES compte lutter non seulement contre le terrorisme sous toutes ses formes mais aussi combattre la criminalité organisée. La Charte prévoit en son article 6 que « toute atteinte à la souveraineté et à l’intégrité du territoire d’une ou plusieurs parties contractantes sera considérée comme une agression contre les autres parties et engagera un devoir d’assistance et de secours de toutes les parties, de manière individuelle ou collective, y compris l’emploi de la force armée pour rétablir et assurer la sécurité au sein de l’espace couvert par l’Alliance »

Que prévoit l’AES au niveau économique et commercial ? Existe-t-il des perspectives pour l’emploi ou la formation et l’insertion des jeunes de ces pays ?

L’AES déploie une vision ambitieuse allant au-delà de la sécurité, et visant l’indépendance économique. Rappelons que la Charte reste fidèle aux objectifs et idéaux de l’Autorité de Développement Intégré des États du Liptako Gourma dont les objectifs et missions consistent à promouvoir le développement harmonieux et intégré de la Région du Liptako-Gourma. Et ce, par la mise en valeur dans un cadre régional de ses ressources minières, énergétiques, hydrauliques, agropastorales et piscicoles.

L’on évoque également la création d’une « monnaie commune » de l’AES. Le projet est-il réaliste ?

Les trois pays signataires ont exprimé leur volonté de promouvoir « l’indépendance, la dignité et l’émancipation économique ». Cette position soulève des questions sur la création éventuelle de nouvelles institutions, notamment monétaires, susceptibles d’influencer les réformes au sein de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), qui regroupe huit pays partageant la monnaie commune FCFA. L’article 10 de la Charte précise que le financement de l’Alliance des États du Sahel se fera principalement par les trois pays signataires. Cependant, compte tenu de leur appartenance à l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) l’émission d’une monnaie commune aux 3 états est possible en activant au préalable la clause de dénonciation des accords de coopération monétaire entre l’UMOA et la France. La Charte de l’Alliance évoque également la création d’organes destinés à mettre en œuvre ses dispositions. Il est possible que ces organes couvrent des domaines tels que la diplomatie, l’économie,  la politique, les affaires sociales….

Propos recueillis par Modibo Sidibé

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