Finance islamique : en Afrique subsaharienne, une croissance tirée par les banques halals et les sukuk

La banque de développement British International Investment a annoncé lundi avoir conclu un accord de financement de 100 millions de dollars.

La finance islamique a le vent en poupe en Afrique subsaharienne dans un contexte mondial caractérisé par un rétrécissement des conditions d’accès aux financements sur les marchés internationaux de la finance classique. Une dynamique portée par les banques halal et les Sukuk mais aussi une croissance soutenue des fonds d’investissements « charia-compatible » comme vient de le mettre en évidence un rapport publié par la Société islamique pour le développement du secteur privé (SID), la filiale dédiée au secteur privé de la Banque islamique pour le développement (BID) en collaboration avec Refinitiv, un fournisseur américano-britannique de données et d’infrastructures sur les marchés financiers.

Selon le rapport qui vient d’être rendu public, les actifs de la finance islamique en Afrique subsaharienne ont atteint quelques 10 milliards de dollars en 2021 contre 8 milliards de dollars en 2020. Avec 3 milliards de dollars d’actifs, soit 30% du total, les banques islamiques ou « halal » font jeu égal avec les obligations islamiques ou « sukuk » avec eux aussi 3 milliards de dollars d’actifs soit 30% du total alors que les fonds d’investissement « charia-compatible » absorbent 2 milliards de dollars d’actifs. Le reste, soit près de 2 milliards d’actifs, est reparti entre les compagnies d’assurances « Takaful » ainsi que d’autres institutions financières conforme aux préceptes de l’Islam dans la région notamment les sociétés spécialisées dans la microfinance, les compagnies de leasing, les fintechs et les sociétés de courtage. Selon le rapport de l’ICD, bien que les actifs de la finance islamique en Afrique subsaharienne demeurent très modestes comparativement à d’autres régions du monde, plusieurs pays de la région enregistrent une croissance assez soutenue et dynamique de la finance islamique ces dernières années durant lesquels certains se classent même parmi les pays qui enregistrent les meilleures performances au niveau mondial. C’est le cas du Nigeria, le pays le plus peuplé du continent qui figure parmi les 5 pays où les actifs de la finance islamique ont enregistré les plus fortes progressions en 2021. Avec 53% de sa population de confession musulmane, la finance islamique a enregistré une hausse de 101% des actifs « halal », un dynamisme qui s’explique notamment par la forte augmentation du nombre des sukuk souverains, c’est à dire émises par l’Etat, et « corporate » qui sont émises par des entreprises essentiellement privés.

A lire aussi : Finance : Le Sénégal émet des Soukouks de 525 millions de dollars

En seconde position, arrivent le Burkina avec une progression de 27% ainsi que l’Ethiopie avec 26% en termes de forte progression des banques islamiques. Le cas de l’Afrique du Sud, autre géant de l’économie africaine, est plus édifiant sur cette croissance de la finance islamique en Afrique subsaharienne puisque la nation arc-en-ciel pointe à la 7è position à l’échelle mondiale en termes de nombre de fonds d’investissement islamiques avec plus de 100 fonds en activité et le 9è rang pour ce qui est des actifs sous gestion des fonds d’investissement avec près de 2 milliards de dollars de stock.

Une croissance portée par de bonnes perspectives au niveau mondial

Cette croissance de la finance islamique en Afrique subsaharienne s’inscrit dans la droite ligne de la dynamique que connait le secteur à l’échelle mondiale où selon la même source, le total des actifs a atteint 3958 milliards de dollars en 2021, soit une hausse notable de 17% par rapport à 2020. Comparé à 2015, ces actifs ont presque doublé et cette tendance va se poursuivre durant les prochaines années pour s’établir à 5900 milliards de dollars à l’horizon 2026. Selon les données du rapport, c’est la République islamique d’Iran qui se classe au premier rang des pays ayant le plus grand stock d’actifs « halal » en 2021 avec 1235 milliards de dollars d’actifs, devant l’Arabie saoudite avec 896 milliards, la Malaisie avec 650 milliards, les Emirats arabes unis (E.A.U) avec 252 milliards et le Qatar avec 186 milliards. En terme de répartition des actifs, ce sont les pays membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG) notamment l’Arabie saoudite, Oman, le Koweït, le Bahreïn, les Émirats arabes unis et le Qatar qui s’ accaparent de plus de 40% de ces actifs avec 1617 milliards de dollars, suivis  devant  les autres pays de la région Moyen-Orient & Afrique du Nord (MENA) avec 1300 milliards;  l’Asie du Sud-est avec 803 milliards, l’Europe avec 113 milliards, l’Asie du Sud avec 107 milliards, l’Afrique subsaharienne  avec 10 milliards) et, enfin,  les Amériques avec 8 milliards de dollars d’actifs.

A lire : UEMOA : Birahim Diouf nouveau directeur du DC-BR

Le rapport indique également qu’à l’échelle mondiale et par branche d’activité, quelques 566 banques islamiques répertoriés concentrent 70% du total de ces actifs soit 2765 milliards de dollars. Les obligations ou Sukuks arrivent en seconde position avec 713 milliards de dollars soit 18% du total des actifs, devant les fonds islamiques avec 238 milliards ainsi que les autres catégories d’institutions financières islamiques notamment les établissements de micro finance et les sociétés de leasing avec 169 milliards de dollars et les compagnies d’assurances Takaful avec 73 milliards d’actifs.

L’Afrique, nouvel eldorado de la finance islamique

La finance islamique surfe donc sur des vents favorables en Afrique où elle ne cesse de progresser à un rythme assez soutenu. Face à leurs immenses besoins de financements et confronté aux difficultés d’accès aux ressources auprès des institutions financières classiques, les pays africains se tournent de plus en plus vers cette alternative qu’offre l’important stock d’actifs que détiennent les institutions islamiques en quête d’opportunités de croissance sur le continent.

« L’Afrique, c’est en effet le nouvel eldorado de la finance islamique. Fort de ses 600 millions de musulmans aujourd’hui et sans doute près d’un milliard avant le mitan du siècle, le continent a besoin de tout et les financements y sont aussi rares que précieux. Des besoins de base aux sauts technologiques, de la finance islamique 1.0 aux « Islacoins » … le continent africain peut tout absorber tant sa croissance de rattrapage est vitale, si tant est que sa gouvernance institutionnelle et le renforcement rigoureux de ses écosystèmes financiers soient durables », estime par exemple l’expert Anouar Hassoune Co-Directeur du MBA Finance Islamique (Financia Business School) et Professeur de finance islamique à Financia Business School.

Le dynamisme de la finance islamique en Afrique subsaharienne s’illustre ces derniers temps par la série d’émissions souveraines et corporate conforme aux prescriptions de la Charia. Une croissance qui s’appui par la présence de plus en plus d’acteurs sur le marché ainsi que la diversification des offres pour stimuler tant la demande que l’offre sur le continent. Conscient de ‘l’opportunité qu’offre cette manne, les économies africaines s’adaptent à cette donne à travers l’adoption de réglementation afin d’encadrer le secteur. C’est le cas par exemple au niveau des pays de l’UEMOA qui disposent déjà d’un cadre juridique adapté et déjà en vigueur alors qu’en Afrique centrale, la réglementation y afférente entrera en vigueur à partir de janvier 2023 au sein des pays membres de la CEMAC. Plusieurs pays ainsi que des entreprises ont réalisé avec succès, des émissions de fonds « halal » et désormais, la dynamique s’étend aux Partenariats Publics Privés (PPP) avec la signature de plusieurs partenariats de grande envergure et nécessitant d’importants montants pour le financement de projets d’infrastructures sur le continent.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici