Perspectives politiques 2023: une année électorale pleine d’incertitudes en Afrique [Partie II]  

Autant l'année 2022 a été relativement calme sur le plan électoral en Afrique, autant l'année 2023 s'annonce chargée de compétitions électorales à forts enjeux, ce qui en amplifient particulièrement les risques de crise.

Autant l’année 2022 a été relativement calme sur le plan électoral en Afrique, autant l’année 2023 s’annonce chargée de compétitions électorales à forts enjeux, ce qui en amplifient particulièrement les risques de crise. Dans au moins 7 pays, les citoyens seront appelés aux urnes durant les prochains mois pour élire avec des rendez-vous électoraux très attendus notamment au Nigeria, au Gabon ou en RDC. Sur fonds de contestations et même de violences électorales dont certains de ces pays sont souvent abonnés, l’insécurité s’invite également comme une nouvelle donne à prendre en compte pour certaines de ces échéances dont le processus est déjà fort avancé avec, comme toute compétition politique,  son loT d’incertitudes sur la suite des évènements.  Tour d’horizon et analyse des principaux enjeux de ces scrutins majeurs qui détermineront l’avenir d’une démocratie africaine encore pleine consolidation. Après une première partie consacrée à l’Afrique de l’ouest, dans cette seconde partie? les élections prévus dans les autres régions du continent notamment en Afrique centrale.

Avec le Nigeria, la République démocratique du Congo (RDC) est l’autre pays africain où le scrutin présidentiel prévue cette année attise le plus d’attention et cristallise toutes les inquiétudes. Officiellement, l’élection a été arrêtée au 20 décembre 2023 par la Commission électorale (CENI) qui a déjà lancé, depuis le 24 décembre dernier, les opérations d’enrôlement des électeurs dans ce vaste pays d’Afrique centrale de plus de 90 millions d’habitants.

RDC: Félix Tshisekedi en quête d’un second mandat

A près de 11 mois du scrutin, les candidatures commencent également à s’annoncer. En plus de celle qui ne souffre d’aucun doute du Président sortant Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, déjà endossé par son parti l’Union pour la démocratie et le progrès social (UPDS); plusieurs autres candidats ont confirmé leurs intentions de briguer le magistère supreme. Parmi les plus sérieuses, celle d’abord, de l’homme d’affaires Moïse Katumbi, le très populaire ancien gouverneur de la riche province minière du Katanga (2007-2015), dans le sud-est du pays, dont le parti « Ensemble pour la République« , a claqué depuis quelques mois, la coalition « l’Union sacrée« , la mouvance qui soutient le président Félix Tshisekedi depuis son arrivée au pouvoir en janvier 2019. Il y a aussi celle de  l’opposant et ancien premier ministre Martin Fayulu, qui continue de revendiquer la victoire du scrutin présidentiel controversé de 2018, qui a été investi depuis juillet dernier par son parti, « Engagement pour la citoyenneté et le développement » (ECIDé). Enfin, d’autres candidatures de moindre envergure sont aussi annoncées pour un scrutin sur lequel plane encore l’incertitude. En cause, la situation sécuritaire qui prévaut dans l’Est du pays.

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Malgré les engagements de la CENI et de la Présidence de la République sur la tenue du scrutin à la date fixé, le niveau de préparation et la question sécuritaire dans l’Est de la RDC ne plaide pas à l’optimisme. Pour rappel, en 2018 déjà, les électeurs n’avaient pas pu se rendre aux urnes dans certaines villes du Nord-Kivu alors que cette province constitue l’un des plus grands bassins d’électeurs du pays. De l’avis de plusieurs observateurs, l’hypothèse d’un report du scrutin en 2024, n’est pas à écarter et déjà, plusieurs candidats comme Martin Fayulu se préparent à ce scénario. En cas de report, soutient-ils, une transition devrait être mise en place pour l’organisation des élections présidentielle et législatives dans un délai maximum de 4 mois, ce qui évidemment risque de constituer un véritable casse-tête politique dont les conséquences seront incalculables pour le pays qui a connu plusieurs cycles électoraux agités et controversés.

Gabon: et de trois pour Ali Bongo?

La date du scrutin présidentiel n’a pas encore été fixée au Gabon mais de toute évidence et selon les délais constitutionnels, il devrait se tenir au second semestre de l’année 2023. Le président Ali Bongo Ondimba, arrivé au pouvoir en 2009 puis réélu en 2016 à l’issue d’un scrutin entaché d’irrégularités et surtout de violences électorales n’a pas aussi confirmé sa candidature mais à Libreville, cela ne fait aucun doute. Malgré l’accident cardio-vasculaire (AVC) qui l’a éloigné pendant plusieurs mois du pouvoir en 2018, son parti, le puissant Parti démocratique gabonais (PDG) s’y prépare déjà et le pousse à briguer un nouveau et 3e mandat.

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Face au Président sortant et à la machine électorale que constitue le parti qu’il a hérité, tout comme du pouvoir, de son défunt pouvoir, l’opposition tête de s’organiser pour ne pas répéter les erreurs du passé. En plus de revendiquer des modifications des lois électorales pour que la Commission électorale et les instances constitutionnels puissent véritablement jouer leur rôle dans le processus, certains de ses leaders sont en train d’envisager l’alternative de faire front commun pour barrer la route au Président sortant. C’est le cas de Paulette Missambo, à la tête de l’Union nationale ou de l’ancien ministre et cacique du PDG qu’il a quitté en 2016, Alexandre Barro-Chambrier, aujourd’hui président du Rassemblement pour la patrie et la modernité (RPM). L’autre candidature qui se fait aussi attendre, c’est celle de l’ancien chef de la diplomatie de Bongo père, Jean Ping. L’ancien Président de la Commission de l’Union Africaine (UA) continue toujours de revendiquer la victoire de la présidentielle de 2016 et de se proclamer « Président élu » du pays. Des candidatures sérieuses au sein de l’opposition certes mais dont la division risque encore de servir les intérêts du PDG et du Président sortant dans un pays où l’élection présidentielle se joue à un tour!

Madagascar et Zimbabwe: Rajoelina et Mnangagwa au bilan !

La présidentielle malgache est prévue en novembre 2023. En attendant l’officialisation de sa candidature pour un second mandat, le Président Andry Rajoelina a du souci à se faire. L’ancien Dj et maire de Tana, au pouvoir depuis décembre 2018 va devoir défendre un bilan contrasté, loin d’avoir atteint des ambitieux objectifs qu’il s’est fixé à l’entame de son mandat. L’ancien Président de la transition de 2009 à 2014, aura face à lui une opposition qui a décidé de faire, pour le moment, front commun pour lui barrer la route à un second mandat. En novembre 2021 une vingtaine de partis politiques se sont réunis au sein d’une coalition qui peine pourtant à se fixer un cap pour la conquête du pouvoir. Il faut dire que la coalition est composé d’un attelage de leaders politiques qui aspirent à dirigés le pays. C’est le cas de l’ancien président Hery Rajaonarimampianina, du Hery Vaovao ho an’i Madagasikara  (HVM,  Nouvelle puissance pour Madagascar ), ou de Roland Ratsiraka du Malagasy Tonga Saina (MTS). Des figures bien connues du paysage politique qui font que les malgaches auront un choix assez compliqué entre la continuité avec le Président sortant ou une alternance avec le retour d’un ancien chef d’Etat. A moins que d’ici-là, une nouvelle candidature émerge. Ce qui ne sera pas une surprise dans le pays si l’on se réfère à l’ascension fulgurante d’Andry Rajoelina, l’animateur des boites de nuits qui, en l’espace de quelques années, est arrivé à la tête de l’Etat après avoir été l’édile de la capitale.

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Au Zimbabwe, c’est un remix du duel de 2018 qu’on risque d’assister entre le Président sortant,  Emmerson Mnangagwa de la Zanu-PF, et son challenger, l’opposant Nelson Chamisa de la Coalition des citoyens pour le changement (CCC). Lors de l’élection présidentielle de 2018, le président Emmerson Mnangagwa avait été élu avec 50,8 % des voix contre 44.3 % pour Chamisa qui se présentait sur le ticket de l’alliance du Mouvement pour le changement démocratique (MDC). Un scrutin serré donc pour la succession de Robert Mugabé, lequel a été fortement contesté. Ce qui fait dire à certains analystes que la présidentielle de cette année, où les deux protagonistes seront encore en compétition, aura un air de revanche pour Chamisa qui aura pourtant fort à faire pour barre la route à Mnangagwa pour un second mandat à la tête du pays, en proie à une crise économique sévère depuis des années.

Libye et Soudan du Sud: l’impasse continue

Il y a bien des années que des élections présidentielles ont été prévue en Libye sans que jusque-là, aucun scrutin ne tienne lieu. En cause, la situation politique et sécuritaire que traverse le pays depuis la révolution de 2011 et la chute de l’ancien guide Mouammar Kadhafi. Malgré les multiples négociations et processus de paix, les transitions se succèdent sans parvenir à sortir la « Jamahuriya » de l’impasse. En décembre dernier, le Chef de la mission d’appui de l’ONU en Libye (MANUL), le sénégalais Abdoulaye Bathily, s’est de nouveau insurgé  contre le fait que  » les rivalités politiques ne peuvent plus servir de justification pour prendre en otage tout un pays« . Cette année encore, le scrutin a été reprogrammé pour se tenir les prochains mois mais là aussi, il faut attendre à ce que les parviennent à « surmonter leurs divergences pour résoudre la crise de légitimité des institutions intérimaires« , comme l’espère le diplomate onusien. Ce qui est loin d’être gagné dans ce pays où se confrontent plusieurs camps rivaux avec d’un coté le gouvernement d’unité nationale mis sur pied début 2021, basé à Tripoli la capitale et qui est le fruit du processus de médiation de l’ONU et, de l’autre coté, à Tobrouk, dans l’Est du pays, un Parlement et les forces du maréchal Haftar qui s’opposent au gouvernement et contrôle une bonne partie du territoire du pays, menacé de partition.

Au sud-soudan, c’est aussi l’impasse qui continue avec le report des élections, initialement prévues en février 2023, en février 2025. Un report qui s’explique par la crise politique et sécuritaire que traverse le dernier pays à voir le jour sur le continent mais qui est englué dans une situation chaotique depuis son indépendance en 2011. Au pouvoir depuis cette date, le Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM) a déjà et en dépit de tout, plébiscité  la candidature du président Salva Kiir, actuellement en poste.

Article publié le 13 janvier 2023, mis à jour 28 juillet 2023.

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