Ghana :  l’économie exsangue, la population réclame la tête du gouverneur de la Banque Centrale

A gauche des manifestants brandissent un portrait du président Nana Akufo-Addo, lors d’une manifestation en novembre 2022 à Accra. Puis de haut en bas : le président Ghanéen et le gouverneur de la banque centrale du Ghana, Ernest Kwamina Addison. (Crédit : Reuters - Dr).

En l’espace de trois ans, le Ghana dont le taux de croissance annuelle frôlait les 10% en 2019 est passé du bon élève au « bonnet d’âne » en Afrique. Excédées par la pire crise économique et financière du pays depuis des décennies, les populations continuent de descendre dans les rues d’Accra et exigent cette fois la démission du gouverneur de la Banque Centrale du pays dont la gestion de la dette a été fustigée.

Confrontées à la hausse du coût de la vie, au chômage et aux nombreuses difficultés du Ghana, l’une des plus grandes économies d’Afrique de l’Ouest (3eme de la CEDEAO), les populations descendent de nouveau dans la rue et exigent cette fois la démission du gouverneur de la banque centrale. En effet, le 03 octobre, des milliers de Ghanéens sont descendus dans les rues d’Accra, la capitale du Ghana, pour exiger la destitution du gouverneur de la banque centrale. Ils accusent Ernest Kwamina Addison – nommé à la tête de l’organisme par le président Nana Addo Dankwa Akufo-Addo en avril 2017 – de ce qu’ils considèrent comme une mauvaise gestion de l’économie au cours de la pire crise de la dette depuis une génération. La foule en colère a exigé entre autres des comptes sur les pertes de la Banque Centrale du Ghana. Cette dernière a enregistrée en juillet une perte record de 60,8 milliards de cedi (5,3 milliards de dollars) pour 2022, due principalement à la restructuration de la dette. Cette restructuration est une condition du Fonds Monétaire International (FMI), avec qui le Ghana a conclu un accord pour un programme de prêt de 3 milliards de dollars sur trois ans afin redresser l’économie.

Une décennie d’embellie effacée par la crise du Covid-19 et des erreurs

Le Ghana producteur d’or, de pétrole et de cacao a été l’une des locomotives de la CEDEAO au cours de la décennie pré-covid19, au point que son président a été élu sur fond de promesses de libérer totalement le pays des institutions de Bretton Woods à savoir le FMI et la Banque Mondiale. En 2018, le président Nana Akufo-Addo a présenté son premier Budget-2019 libéré du FMI.  En 2019, les dernières perspectives économiques mondiales du Fonds monétaire international (FMI), annonçait un taux de croissance de 8,8 % pour le pays. Un chiffre qui fait du pays ouest-africain le plus dynamique au monde, poussé par une forte croissance en 2018 – à 5,6 % – et de bonnes performances macroéconomiques. Mais la situation économique du Ghana s’est détériorée durant la pandémie du Covid-19.

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Depuis, l’économie ghanéenne fait face à de nombreux défis sur le plan budgétaire et monétaires. Si les perspectives de croissance sont dynamiques – croissance prévue à 5,8% pour 2022 après une croissance de 4,5% en 2021 – la crise pandémique a durablement affecté son économie. En deux ans, le stock de la dette publique ghanéenne a augmenté de 17 points de PIB (de 62,9% du PIB fin 2019 à 80,1% fin 2021). Alors que la période continue de baisse de l’inflation depuis 2016 avait permis de tenir l’objectif de -8% depuis 2018, l’inflation ne cesse de progresser et dépasse la cible depuis septembre 2021, tandis que le cédi se déprécie sur les marchés internationaux. Les tensions autour du vote du budget 2022 ont cristallisé les inquiétudes des investisseurs internationaux quant à la capacité du Ghana de combler son déficit budgétaire. Cette dégradation de la confiance en la dette ghanéenne a mené à la fermeture de facto des marchés internationaux pour le Ghana, le coupant d’une de ses sources principales de financement.

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En décembre 2022, le Ghana suspend le paiement d’une partie de sa dette extérieure. Même si les créanciers s’attendaient à une demande restructuration de la dette, la décision « mesure d’urgence provisoire » prise unilatéralement par le gouvernement de Nana Akufo-Addo a pris les créanciers au dépourvu. Le pays a du mal à refinancer sa dette depuis le début de l’année après les dégradations par plusieurs agences de notation de crédit, craignant qu’il ne soit pas en mesure d’émettre de nouvelles euro-obligations. Cela a aggravé l’endettement du Ghana dont la dette publique s’élève à 467,4 milliards de cedis ghanéens (55 milliards de dollars selon les données de Refinitiv Eikon) en septembre 2022. Pour enrayer la fonte de ses réserves de devises et l’affaiblissement du Cedi, sa monnaie locale, le Ghana a même tenté en novembre dernier l’achat de ses produits pétroliers avec de l’or plutôt qu’en dollars américains. Alors que 70% à 100 % des recettes publiques sont onsacrées au service de la dette, l’inflation du pays a grimpé jusqu’à 50 % en novembre 2022, puis retombée à 40% en septembre 2023. En dépit cette conjoncture morose, le Ghana a encore quelques cartes à jouer pour redresser progressivement son économie. Démocratie stable, producteur et exportateur de pétrole, d’or et de divers produits agricoles comme le cacao dont il est le deuxième producteur en Afrique derrière la Côte d’Ivoire, le Ghana a entamé une diversification de ses sources budgétaires et amélioré son recouvrement fiscal.

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