Après l’allemand Volkswagen en août 2020, le japonais Toyota en juin 2021, le français Nissan en mars 2023, c’est au tour du constructeur sud-coréen Kia qui a ouvert début mai, une usine d’assemblage au Ghana. D’autres firmes mondiales aussi emblématiques sont aussi annoncées pour les prochaines années, ce qui confirme l’attractivité du marché ghanéen pour l’industrie mondiale de l’assemblage automobile. Le résultat d’une ambitieuse stratégie lancée en 2017 par le Président Nana Akufo Addo pour faire du pays un hub régional de l’industrie automobile en Afrique et qui s’est avérée payante comme en témoignent les investissements drainées par un secteur en pleine croissance et dont les perspectives sont tout autant prometteuses avec les perspectives d’un marché local et à l’export qui surfe sur de bonnes perspectives. De quoi donner davantage d’appétit aux autorités qui voient désormais plus grand avec la valeur ajoutée que le secteur pourrait encore générée avec le développement d’un véritable écosystème de production locale de composants et de pièces de rechange.
L’accord signé il y a quelques jours entre le Ghana et le FMI pour sauver l’économie du pays qui est engluée depuis quelques années dans une crise sans précédent n’a pas fait que le bonheur du gouvernement qui attendait désespérément cette bouffée d’oxygène pour se donner des marges de manœuvres budgétaires. Il a constitué une sorte de caution pour de nombreux investisseurs étrangers attirés par le potentiel de croissance de cette puissance économique ouest-africaine en devenir dont la croissance soutenue et durable enregistrée entre 2010 et 2020 a été subitement mise à mal par les multiples chocs exogènes engendrés par la conjoncture mondiale et dont la pandémie de la Covid-19 et la guerre en Ukraine sont venus amplifiées. Plongée dans une crise de surendettement et marquée par une inflation galopante à deux chiffres, l’économie ghanéenne a continué à attirer les IDE particulièrement dans le secteur de l’automobile comme en témoigne la série d’ouverture d’usines d’assemblage de grands constructeurs mondiaux de ces deux dernières années. Les firmes allemande Volkswagen en juin 2020 et japonaise Toyota en juin 2021 ont été les premiers à se greffer au constructeur local « Kantanka » et au constructeur de camions chinois Sinotruck, qui sont considérés comme les pionniers sur le marché local.
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Bien que certains de ces investissements ont été annoncés avant la crise, ils ont été maintenus et rien que cette année, en dépit du fait que le pays soit placée depuis fin 2022 en défaut de paiement, deux marques mondiales viennent de se greffer à la dynamique à travers l’ouverture de leurs usines d’assemblage dans le pays. Il s’agit du français Nissan qui a ouvert son usine fin mars dernier dans la zone industrielle de Tema, et du sud-coréen Kia qui vient d’ouvrir, en début de ce mois de mai, son usine à Amasaman, à une vingtaine de kilomètres d’Accra, la capitale de l’ancienne « Gold Coast« .
Au départ, « Ghana Automotive Developement Policy », une stratégie politique ambitieuse pour l’industrie automobile
En quelques années donc, le Ghana est parvenu à attirer plusieurs marques de renommée mondiale de l’industrie automobile, ce qui le place désormais en véritable hub régional du secteur. De quoi faire pavoiser le Président Nana Akufo-Addo, présent à chacune des inaugurations des nouvelles usines et qui ne manque de rappeler à toutes ces occasions célébrées en grande pompe, qu’il s’agit-là, «d’une étape importante dans notre ambition de faire du Ghana un nouveau centre d’assemblage pour l’Afrique en particulier, conformément à notre vision de devenir un acteur majeur de l’industrie automobile en Afrique». A la base de ce qui prend à tout point de vue l’air d’une véritable « success story« , une ambition du chef de l’Etat que dès 2017, soit une année après son accession au pouvoir, a poser les jalons d’une véritable stratégie visant à développer le secteur industriel du pays, en particulier les secteurs à fort potentiel notamment celui de l’industrie automobile. Il faut dire que le Ghana justifiait d’un passé historique industriel dans l’automobile avec l’installation en 1969, d’une usine Nissan installée à Accra, et qui assemblait des véhicules pour plusieurs marques. Par la suite, l’entreprise publique National Investment Corporation (NIC) a également créé une usine et un atelier de montage dans le cadre de la politique d’industrialisation du pays. Après la fermeture de ces usines, le constructeur local Kantanka qui a vu le jour en 2016, était la seule société automobile encore en service. et assemblait des véhicules en petite série à partir de pièces importées en grande partie de la Chine. Dans le cadre de la nouvelle politique d’industrialisation du pays lancée par les nouvelles autorités, le gouvernement a élaboré un vaste programme de relance avec la mise en place d’un cadre favorable à l’industrie automobile pour booster la production locale. Lancée en 2017, la stratégie « Automotive Developement Policy » devrait permettre, selon le gouvernement, à atténuer les difficultés économiques que le pays commençait déjà à rencontrer et à stimuler la production industrielle du pays. Le développement de la filière de l’industrie automobile devrait ainsi, selon les objectifs qui lui ont été assignés :
« participer au développement du pays et à son industrialisation avec notamment la création d’emplois directs et indirects qualifiés; substituer la production locale de véhicules aux importations et ainsi améliorer l’excédent commercial qui était jusque-là soutenu par les exploitations aurifères et pétrolières, et in fine, réduire le déficit de la balance des paiements ».
Grace à cette ambition, un plan pour le développement de l’industrie automobile au Ghana a vu le jour avec comme priorités, l’installation progressive d’une filière autonome avec une mise en place progressive, en commençant par l’assemblage de kits semi-démontés, puis par la fabrication avec assemblage de kits entièrement démontés et, en s’appuyant sur ce dernier mode d’assemblage, promouvoir la production locale de composants afin d’élargir la valeur ajoutée locale. Dans cette dynamique, le pays a élaboré, sous l’égide du ministère du Commerce et de l’Industrie, un ensemble complet d’incitations et de mesures politiques pour soutenir la création d’une industrie d’assemblage et de fabrication de composants automobiles afin de faire du secteur un pilier stratégique de l’industrialisation et nouveau pilier de la croissance au Ghana. C’est ainsi que le gouvernement a instauré toute une batterie de mesures fiscales favorables à l’installation d’usines d’assemblage. Les usines d’assemblage de kits semi-démontés bénéficieront d’une exemption d’impôt complète sur une période de 5 ans à compter de leur installation, alors que les usines d’assemblage de kits entièrement démontés, plus bénéfiques à l’industrialisation ghanéenne, bénéficieront de 10 ans d’exemptions fiscales. Aussi, le régime fiscal a été revu afin de permettre la mise en place d’une différenciation fiscale favorable aux véhicules assemblés au Ghana. La machinerie et les équipements destinés à ces usines seront exemptés de droits de douanes, ainsi que les kits de fabrication des véhicules tandis que les véhicules importés seront taxés à hauteur de 35 % ad valorem, contre 20 % avant la mise en œuvre des nouvelles mesures.
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Dans la même lancée, le Parlement ghanéen a adopté l’amendement, en mars 2020, le « Custom Act » qui vise à interdire l’importation de voitures accidentées et de véhicules de plus de 10 ans. Cette mesure qui s’inscrit dans la volonté de renouvellement du parc automobile ghanéen qui a été un peu critiquée par certains opérateurs pour le manque à gagner qu’elle pouvait engendrer pour les vendeurs locaux de voitures d’occasions et les mécaniciens, a été plutôt motivé par les autorités comme un signal fort envoyé aux constructeurs car le Ghana est aussi un marché en pleine expansion pour l’industrie automobile.
Le Ghana, un marché en pleine croissance pour l’industrie automobile
Le soutien à la croissance du marché local est aussi un autre enjeu de la stratégie des autorités ghanéennes. Troisième économie de l’espace CEDEAO avec une population estimée à 30 millions d’individus, le marché ghanéen dispose d’un réel potentiel de croissance qui attise les convoitises des constructeurs internationaux d’automobiles. Selon le cabinet spécialisé du secteur Mordor Intelligence, basée en Inde, le marché automobile ghanéen était évalué à 4 milliards USD en 2020, contre 1,2 milliards en 2018, et il devrait atteindre 11 milliards USD d’ici 2026. Passée la parenthèse Covid-19, on estime entre 100.000 et 120.000 véhicules importés annuellement dans le pays dont 70% à 80% d’occasions. Il faut dire qu’en l’absence de solutions de financement abordables, les véhicules d’occasion restent l’option la plus attrayante pour les acheteurs de véhicules notamment privés. Le marché de l’occasion reste encore certes un créneau porteur pour l’industrie locale du secteur en particulier pour ce qui est des pièces de rechanges et le prochain défi pour le pays sera de donner un cachet plus inclusif au secteur en œuvrant pour la production locale de composants et de pièces de rechanges qui pourrait également servir le marché locale des véhicules neufs assemblées localement. Une perspective qui sera soutenue par un programme incitatif pour les investisseurs qui est en cours d’élaboration, comme indiqué dans le plan du ministère du Commerce et de l’Industrie.
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Aussi, afin de stimuler le marché des véhicules assemblées localement et pour pallier à l’insuffisance de solutions de financement notamment bancaires, le gouvernement ghanéen a introduit un programme qui vise à permettre aux ghanéens d’acheter des véhicules à moindre coût à travers notamment la suspension de la TVA et d’autres facilités de financement. Le gouvernement a même prévu d’étendre ces mesures destinées à rendre les véhicules assemblés localement abordables au niveau sous-régional et continentale dans le cadre de la mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) qui est également perçue par les autorités comme un avantage pour l’industrie automobile du Ghana, notamment par l’exportation de véhicules assemblés localement vers les pays voisins moyennant des tarifs douaniers réduits. L’industrie automobile de l’Afrique subsaharienne et certains gouvernements africains, dont le Ghana, qui abrite le Secrétariat exécutif de la Zlecaf, ont d’ailleurs entamé des discussions sur la possibilité de créer des centres de fabrication automobile dans le cadre du marché africain.
Le « Made in Ghana », une succès story qui fait des émules sur le continent
«Je suis ravi que dans le secteur automobile, nous ayons attiré des investissements de plusieurs marques emblématiques mondiales », s’est félicité le chef de l’Etat ghanéen lors de l’inauguration de la dernière usine d’assemblage dans le pays, début mai. Comme en témoignent les résultats, la stratégie de développement de l’industrie automobile du Ghana est en train de devenir une véritable « Success Story » sur le continent. Les mesures incitatives mises en place pour rendre l’environnement des affaires et soutenir la compétitivité de l’industrie locale ne cesse d’attirer l’intérêt de différents groupes mondiaux de l’industrie de la construction automobile. Avec à la clé, des investissements directes étrangers (IDE) et la création d’emplois directs et indirects dans un secteur de pointe. Selon plusieurs analystes, la croissance du secteur automobile au Ghana surfe sur de bonnes perspectives en raison justement du soutien qu’elle bénéficie à travers les politiques gouvernementales qui va permettre d’attirer plus d’investissements et donc plus de gain de croissance inclusive surtout avec la croissance d’emplois hautement qualifiés dans l’assemblage automobile et la fabrication de composants et de pièces. L’autre avantage c’est aussi les retombées attendues du marché de l’export car c’est ce que vise le pays en plus de répondre à la forte de demande locale du marché de l’automobile. De quoi donner raison au président Nana Akufo-Addo qui, dès le lancement de son programme de transformation industrielle a annoncé les couleurs de l’ambition nourrie par son pays en abritant de tels investissements.
« L’utilisation de devises étrangères pour importer des voitures au Ghana sera réduite, en même temps, l’exportation de voitures fabriquées au Ghana vers d’autres marchés africains rapportera à notre pays des devises étrangères dont il a tant besoin ».
En cette période de crise que le pays traverse suite à la pandémie de la Covid-19 et la guerre russo-ukrainienne qui sont venues s’ajouter à la mauvaise conjoncture mondiale, le pays s’est offert une véritable bouée de sauvetage à travers sa volonté politique, un modèle qui commence à faire des émules ailleurs sur le continent comme au Rwanda.