
Selon les dernières Perspectives des marchés des matières premières de la Banque mondiale, le ralentissement de la croissance économique coïncide avec une offre pétrolière abondante, ce qui devrait entraîner une chute des prix mondiaux des matières premières à leur plus bas niveau des années 2020. Ce déclin pourrait atténuer les risques d’inflation à court terme liés à la hausse des barrières commerciales, mais il pourrait également entraver les perspectives de progrès économique dans deux économies en développement sur trois.
Les prix mondiaux des matières premières devraient chuter de 12 % en 2025, puis de 5 % supplémentaires en 2026, pour atteindre des niveaux jamais observés depuis 2020. En termes nominaux, les prix resteraient supérieurs à ce qu’ils étaient avant le début de la pandémie. Corrigés de l’inflation, ils devraient toutefois tomber pour la première fois sous la moyenne de 2015 à 2019. Cela marquerait la fin d’un boom alimenté par le rebond de l’économie mondiale après la pandémie de COVID-19 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022. L’affaiblissement des perspectives de croissance constitue le dernier choc en date à frapper l’économie mondiale dans une décennie qui s’avère extraordinairement tumultueuse pour les marchés des matières premières. La volatilité des prix des matières premières a été plus élevée que lors de toute décennie précédente depuis au moins les années 1970. Il reste à voir si cela marque le début d’une ère plus turbulente pour les marchés des matières premières, selon la Banque Mondiale. Mais la conjonction des tensions commerciales, des conflits, des risques géopolitiques et des fréquents chocs climatiques rend cette éventualité plus probable.
« La hausse des prix des matières premières a été une aubaine pour de nombreuses économies en développement, dont les deux tiers sont exportateurs de matières premières », a déclaré Indermit Gill, économiste en chef et vice-président principal pour l’économie du développement du Groupe de la Banque mondiale.
« Mais nous assistons actuellement à la plus forte volatilité des prix depuis plus de 50 ans. La combinaison d’une forte volatilité et de prix bas est source de difficultés. Les économies en développement devront prendre trois mesures pour se protéger : premièrement, rétablir la discipline budgétaire ; deuxièmement, créer un environnement plus propice aux affaires pour attirer les capitaux privés ; troisièmement, libéraliser les échanges partout où l’opportunité se présente. »
Les prix mondiaux des matières premières sont en baisse depuis 2023, contribuant à contenir l’inflation globale à l’échelle mondiale. Par exemple, la flambée des prix de l’énergie a ajouté plus de 2 points de pourcentage à l’inflation mondiale en 2022. En 2023 et 2024, cependant, la baisse des prix de l’énergie a contribué à réduire l’inflation. Cette tendance à la baisse des prix de l’énergie devrait s’intensifier cette année, atténuant potentiellement certains des effets sur les prix de la hausse des droits de douane dans les grandes économies. Les prix de l’énergie devraient baisser de 17 % cette année pour atteindre leur plus bas niveau en cinq ans, avant de chuter de 6 % supplémentaires en 2026. Les prix du pétrole brut Brent devraient s’établir en moyenne à seulement 64 dollars le baril en 2025, soit une baisse de 17 dollars par rapport à 2024, et à seulement 60 dollars en 2026. Les prix du charbon devraient chuter de 27 % cette année et de 5 % supplémentaires en 2026, à mesure que la croissance de la consommation de charbon pour la production d’électricité dans les économies en développement ralentit. Ces perspectives reflètent les prévisions d’une croissance économique plus faible ainsi qu’un ralentissement à long terme de la demande mondiale de pétrole. En 2025, l’offre mondiale de pétrole devrait dépasser la demande de 0,7 million de barils par jour. L’adoption rapide des véhicules électriques a également freiné la demande : en Chine, premier marché automobile mondial, plus de 40 % des voitures neuves achetées l’année dernière étaient des véhicules à batterie ou hybrides. C’est près de trois fois la part de 2021.
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Les prix des denrées alimentaires devraient également reculer, de 7 % en 2025 et de 1 % supplémentaire en 2026. Malgré cela, les Nations Unies estiment que l’insécurité alimentaire aiguë dans certaines des régions les plus touchées du monde s’intensifiera cette année, touchant 170 millions de personnes dans 22 économies extrêmement vulnérables. La baisse des prix des denrées alimentaires devrait soutenir les efforts humanitaires, notamment dans un contexte de réduction des financements humanitaires. Mais elle ne s’attaquera pas aux causes profondes de la faim aiguë, qui trouvent en grande partie leur origine dans les conflits.
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Le prix moyen de l’or, un choix populaire pour les investisseurs en quête de « refuge », devrait atteindre un nouveau record cette année avant de se stabiliser en 2026. L’or occupe une place particulière parmi les actifs, son prix augmentant souvent en période d’incertitude géopolitique et politique, notamment en cas de conflit. Au cours des deux prochaines années, le prix de l’or devrait rester supérieur d’environ 150 % à la moyenne des cinq années précédant la pandémie de COVID-19. En revanche, le prix des métaux industriels devrait chuter en 2025-26, la demande s’affaiblissant dans un contexte de tensions commerciales croissantes et de faible activité persistante dans le secteur immobilier chinois. Une section spéciale du rapport révèle que les cycles d’expansion et de récession des prix des matières premières sont devenus particulièrement intenses dans les années 2020. Ces cycles prononcés peuvent nuire à la discipline budgétaire et à la croissance économique à long terme de ces économies. Depuis 1970, la durée moyenne de ces cycles a été d’environ quatre ans, les récessions durant un peu plus longtemps que les expansions, selon l’analyse. Entre 2020 et 2024, la durée a toutefois été réduite de moitié.