Interview de Mme Saaida Lahlou, Présidente Directrice Générale de la Société COPAMASUD
Le code de la famille marocaine, Moudawana, a introduit des réformes importantes pour une responsabilité conjointe des époux dans la gestion de la famille. Il est quasiment acquis que la garde d’enfants, en cas de divorce, revient généralement à la mère, tant qu’elle remplit les conditions de capacité et de moralité. Les nouvelles mesures font la promotion de l’égalité des droits, encouragent les femmes à s’engager dans des activités économiques, renforçant ainsi leur autonomie financière… Ces avancées notables et bien d’autres ressortent de cet entretien avec Mme Saaida Lahlou, PDG Copamasud, sans pour autant occulter certaines résistances dans les zones rurales où demeurent des stéréotypes de genre et des pressions familiales.
Quels sont les principaux changements apportés par la réforme de la Moudawana, en matière d’égalité entre les époux et d’avancées, concernant la responsabilité conjointe de la famille, l’âge légal du mariage, la polygamie, le divorce, etc. ?
La réforme de la Moudawana en 2004 a marqué un tournant décisif dans la législation marocaine, en établissant une plus grande égalité entre les époux. Cette réforme a été rendue possible grâce à l’implication directe et déterminante de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. En sa qualité de Commandeur des croyants, le Roi a su allier les principes de l’islam aux exigences de la justice sociale et de l’égalité, en plaçant la dignité de la femme et l’équilibre familial au cœur de cette réforme. Parmi les principaux changements, on note l’instauration de la responsabilité conjointe des époux vis-à-vis de la famille, ce qui implique que les deux partenaires doivent collaborer dans les décisions financières et éducatives. L’âge légal du mariage a été fixé à 18 ans pour les deux sexes, et la polygamie a été strictement encadrée, nécessitant l’accord explicite de la première épouse, avec l’obligation de justifier la capacité à subvenir aux besoins de plusieurs familles. En ce qui concerne le divorce, la Moudawana a également facilité la procédure pour les femmes, leur permettant d’en demander l’initiative, dans certains cas.
Comment la Moudawana encadre-t-elle les droits des femmes en matière de garde d’enfants et de pension alimentaire en cas de divorce ?
La Moudawana établit que la garde d’enfants, en cas de divorce, revient généralement à la mère, tant qu’elle remplit les conditions de capacité et de moralité. De plus, la loi stipule que le père est tenu de verser une pension alimentaire pour le bien-être des enfants, ce qui renforce la protection des droits des femmes et des enfants, après une séparation.
Quelles sont les dispositions de la Moudawana, relatives aux droits patrimoniaux des femmes au sein du couple, notamment sur l’aspect financier de l’égalité, concernant la gestion des biens acquis pendant le mariage ?
La Moudawana protège les droits patrimoniaux des femmes, par la reconnaissance de leur capacité à détenir et gérer des biens. Les dispositions relatives à la gestion des biens acquis durant le mariage stipulent que les époux peuvent choisir un régime de communauté qui leur permet de partager les biens de manière équitable. Cela garantit que les contributions des femmes au sein du foyer sont valorisées et qu’elles ont une part égale dans les biens accumulés.
La Moudawana a-t-elle un impact sur l’accès des femmes à l’emploi et à l’entrepreneuriat ? Ou en d’autres termes, comment évaluez-vous le code de la famille au Maroc, relativement à l’autonomie économique des femmes ?
La Moudawana a eu un impact significatif sur l’accès des femmes à l’emploi et à l’entrepreneuriat. En promouvant l’égalité des droits, elle encourage les femmes à s’engager dans des activités économiques, renforçant ainsi leur autonomie financière. Cependant, il reste nécessaire de lier ces avancées législatives à des initiatives concrètes sur le terrain, telles que l’accès à la formation, au financement et à un environnement de travail propice.
Quels sont les défis persistants dans l’application de la Moudawana, en matière d’égalité des sexes, en particulier dans les zones rurales ?
Dans les zones rurales, les défis demeurent importants : la méconnaissance des droits, la résistance culturelle et les normes sociales conservatrices freinent souvent l’application de la Moudawana. Cela conduit à des lacunes dans l’accès à la justice et à des inégalités persistantes en matière de droits entre les sexes.
Croyez-vous que des écarts entre la loi et la réalité, ainsi que des obstacles culturels et sociaux existent encore ? Si oui à quels niveaux et comment y remédier ?
Des écarts considérables subsistent entre la loi et la réalité. Les obstacles culturels et sociaux, tels que les stéréotypes de genre et les pressions familiales, entravent souvent l’émancipation des femmes. Pour remédier à cette situation, il est essentiel de mener des campagnes de sensibilisation, de renforcer l’éducation des filles et de faire évoluer les mentalités à travers des programmes communautaires.
A votre avis, comment la Moudawana concilie-t-elle les principes de l’islam avec les normes internationales, en matière de droits des femmes ?
La Moudawana tente de concilier les principes de l’islam avec les normes internationales, en matière de droits des femmes, grâce à une interprétation progressive de la loi islamique qui met l’accent sur l’équité et la justice. En intégrant certains principes issus des conventions internationales, la Moudawana cherche à promouvoir une vision moderne des droits des femmes, tout en respectant les valeurs culturelles et religieuses de la société marocaine.
Propos recueillis par Daouda MBaye
Bio-Express :
Mme Saaida Lahlou est une Entrepreneure marocaine chevronnée, fondatrice/PDG de COPAMASUD, avec plus de 40 ans d’expérience dans des secteurs variés. Elle est reconnue pour son leadership engagé et sa vision stratégique.
Présidente de Commission Coopération Afrique et Internationales à la CGEM Souss Massa, où elle a occupé le poste de Trésorière pendant deux mandats. L’année dernière, elle a été nommée Ambassadrice au Maroc du Forum International du Leadership et de l’Entrepreneuriat Féminin (FILEF) et du Salon International du Pétrole et du gaz. Très impliquée dans les causes sociales et dans la promotion du leadership féminin, elle est également membre du Réseau Entrelles Entrepreneures, où elle a été Trésorière.
Avec le Sénégal, pays ami et frère du Maroc, qu’elle considère comme son deuxième pays, Mme Lahlou entretient de solides liens familiaux et professionnels.