Chronique- Technologies embarquées, plus qu’une niche

Les technologies embarquées, telles que les systèmes intégrés dans les objets connectés, l’IoT ou les véhicules autonomes, et les semi-conducteurs représentent un secteur à haute valeur ajoutée. Un secteur essentiel pour l’innovation numérique mondiale. Avec une croissance prévue du marché mondial des semi-conducteurs à plus d’un trillion de dollars, d’ici 2030, ce domaine offre des opportunités économiques massives : création d’emplois qualifiés, diversification des chaînes d’approvisionnement et développement technologique local.

L’Afrique sera-t-il le prochain écosystème semi-conducteur » mondial ? On peut le croire. Notre continent détient plus de 30 % des réserves mondiales de minéraux critiques (cobalt, lithium, graphite, silice). C’est une chance stratégique de passer d’un rôle de fournisseur de matières premières à celui d’acteur de production avancée. Cependant, l’accès n’est pas immédiat : il dépend d’investissements ciblés, de partenariats internationaux et de politiques audacieuses. Les technologies embarquées et semi-conducteurs ne sont pas un rêve lointain pour l’Afrique, mais une réalité en construction.

Le potentiel de l’Afrique : des atouts uniques pour une intégration rapide. Ce continent est loin d’être un novice dans certaines branches. Il exporte déjà des minerais essentiels pour la fabrication de puces, mais le vrai levier réside dans la transformation locale. Huawei et le Forum économique mondial estiment que l’Afrique pourrait capter 10 % du marché ATP d’ici 2030, générant des millions d’emplois et boostant le PIB de 5-7 %.

De réels atouts

Avec des ressources naturelles abondantes, le continent noir possède des réserves massives de silice et de zircon (Afrique du Sud, Égypte, Algérie, Maroc, Sénégal…), cobalt (RDC), lithium (Zimbabwe, Namibie) et graphite (Mozambique, Tanzanie). Cela réduit les coûts logistiques et les risques géopolitiques pour les investisseurs, contrairement aux chaînes actuelles dominées par l’Asie.

Avec 60 % de la population de moins de 25 ans, l’Afrique offre un vivier de talents tech-savvy. C’est une main-d’œuvre jeune et formée. Des hubs, tels que « Silicon Savannah » au Kenya ou les centres de recherche à Lagos au Nigeria, Technopolis à Rabat au Maroc, forment déjà des ingénieurs en IA, IoT et conception de puces. Des initiatives, comme les programmes de codage obligatoire dans les écoles kenyanes ou les MSc en « Internet of Things – Embedded Computing Systems » à l’Université du Rwanda, accélèrent cette transition.

L’essor de l’IoT en Afrique (agriculture connectée ou AgriTech, santé numérique, énergie renouvelable) nécessite des technologies embarquées adaptées aux contextes locaux, comme des capteurs solaires low-cost pour l’irrigation en Éthiopie ou des systèmes embarqués pour la gestion du trafic au Bénin. La demande locale est croissante et c’est de bonne guerre.

Avec la diversification des chaînes d’approvisionnement mondiales (via les CHIPS Act américain ou l’European Chips Act) des portes s’ouvrent. Ces opportunités géopolitiques fot que l’Afrique peut attirer des investissements pour l’assemblage, le test et l’emballage (ATP), une étape accessible avec des coûts moindres que la fabrication de wafers avancés.

La mayonnaise a tout l’air de prendre

Des startups nigérianes, comme Amal Technologies, développent des systèmes embarqués pour les utilities intelligentes, tandis que des sommets, tels que NextGen Manufacturing Summit au Maroc, mettent en avant les technologies embarquées pour des usines intelligentes.

Au Kenya, le partenariat US-Kenya (USTDA, 1,3 M$ pour une fabrication de puces via Semiconductor Technologies Ltd) promet beaucoup. C’est le premier producteur africain de semi-conducteurs depuis 2022. Des hubs, comme Konza Technopolis ou « Silicon Savannah », émergent dans certaines zones.

Au Nigéria, après le rejet de l’offre Tesla pour du lithium sans usine locale, le focus a été mis sur la R&D en design et test de puces. L’attractivité pour la stratégie « China Plus One », avec une croissance du marché des data centers, prévu à 3,2 Md$ en 2030, a eu pour corollaire la prolifération de startups en IoT et embedded systems.

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En Afrique du Sud, la production moyenne de semi-conducteurs ; partenariats avec Ariston pour des geysers IoT intelligents.

Au Ghana et au Rwanda, des programmes MSc en Data Science et IoT des Tech parks pour embedded computing sont bien avancés. Même son de cloche au Maroc où STMicroelectronics existe depuis des décennies et les incubateurs des Technoparks ont bien fonctionné.  

New Deal Technologique du Sénégal

Le New Deal Technologique (NDT) est la stratégie numérique nationale du Sénégal, officiellement lancée le 24 février 2025 par le président Bassirou Diomaye Faye au Centre International de Conférences Abdou Diouf (CICAD) de Diamniadio. Inscrite dans l’Agenda National de Transformation Sénégal 2050, cette initiative ambitieuse vise à positionner le Sénégal comme un leader africain de l’économie numérique d’ici 2034, avec l’optimisation de Dakar Digital City, Data Center de Diamniadio…

Ce programme met l’accent sur la souveraineté technologique (R&D, cybersécurité et hébergement de 100 % des données sensibles au Sénégal), l’inclusion et l’innovation pour transformer l’économie, les services publics et la société sénégalaise. Avec un budget estimé à 1 105 milliards FCFA (environ 1,7 milliard USD) – dont 950 milliards déjà identifiés (dont 150 milliards de financements privés) et 155 milliards à mobiliser – le plan repose sur quatre piliers stratégiques, à savoir la souveraineté numérique, la digitalisation des services publics, le développement de l’économie numérique et le leadership africain dans le numérique.

Le NDT ambitionne de créer 350 000 emplois (150 000 directs et 200 000 indirects), de former 100 000 diplômés en compétences numériques (avec 90 % d’experts certifiés) et d’atteindre une connectivité internet à 95 % à moindre coût.