Maroc : Comment le plan d’autonomie scellé par l’ONU déverrouille le Hub Logistique du Royaume ? Najib Cherfaoui, expert maritime, répond aux questions d’Africa Income

Najib Cherfaoui, Expert Portuaire et Maritime, auteur des deux encyclopédies « flotte de commerce du Maroc de 1886 à 2040 » et « Ports du Maroc, de la naissance à 2060 ». ( Crédit : DR)

La consécration du plan d’autonomie par la « raison internationale » le 31 octobre 2025 aux nations-unies aligne la souveraineté du Maroc sur le droit de la mer, affirme Najib Cherfaoui, Expert Portuaire et Maritime, auteur des deux encyclopédies « flotte de commerce du Maroc de 1886 à 2040 » et « Ports du Maroc, de la naissance à 2060 ». Il nous rappelle que cette reconnaissance sécurise davantage, entre aux autres, la pérennité des accords relatifs à l’exploitation des ressources de la mer face aux contestations, le Maroc étant le garant légitime de la ressource marine. Sur le plan logistique, elle est un catalyseur direct pour les investissements massifs dans les ports du Sud, comme Dakhla Atlantique et Laâyoune où le Maroc a déjà concédé à d’importants investissements. Ces infrastructures offrent des garanties aux armateurs, créant des itinéraires rentables et maîtrisés. La façade maritime du Sahara marocain est d’ailleurs l’unique « Option Nord » pour un commerce avec l’Afrique, s’inscrivant dans le prolongement de la Route de la Soie. Le nouveau port de Dakhla a été élevé au statut de ressource maritime mondiale face aux perturbations géopolitiques (Mer Rouge). Le Maroc a érigé l’économie bleue en priorité nationale pour la sécurité énergétique et alimentaire. Elle favorise l’essor de l’aquaculture et des énergies marines, ainsi que la création massive d’emplois qualifiés, précise M. Cherfaoui dans cet entretien avec Africa Income.

Africa Income :  Comment le soutien international avec la validation par l’ONU du plan d’autonomie du Sahara proposé par le Maroc change-t-il la donne juridique pour la sécurisation et la pérennisation des accords de pêche futurs notamment avec l’UE, en particulier face aux contestations régulières devant les tribunaux européens ?

Najib Cherfaoui  : Je préfère dire que le 31 octobre 2025, dans le cadre des Nations Unies (ONU), la « raison internationale » a consacré le plan d’autonomie du Sahara proposé par le Maroc. Or, il se trouve que le « Droit de la mer » fait partie des grandes réalisations de l’ONU : Cette convention définit de manière pacifique la « Souveraineté d’un État sur un espace maritime du point de vue législatif, exécutif et judiciaire », étant entendu que cette souveraineté est économiquement exclusive. Plus précisément, l’État côtier, ici le Maroc, est garant du respect des clauses arrêtées en termes de sécurisation et de pérennisation des ressources marines ainsi que de leur exploitation. Ainsi, le Maroc a compétence pleine et entière non seulement pour établir des concessions de pêche mais aussi pour imposer des quotas afin de préserver durablement la biodiversité marine. En conséquence, par rapport à cette question, il ne peut y avoir matière à objection, de quelque façon que ce soit, aussi bien dans le passé, le présent ou le futur.

 Le plan d’autonomie du Maroc est-il un catalyseur direct pour attirer des investissements massifs et durables dans l’extension et la modernisation des ports du Sud comme Laâyoune ou Dakhla Atlantique ? Et quelles garanties supplémentaires apporte-t-il aux armateurs étrangers ?

Le plan d’autonomie du Maroc a toujours eu pour ambition le développement puissant et uniforme du littoral moyennant des investissements lourds d’origine nationale, ainsi la construction de Dakhla Atlantique qui vient s’ajouter aux deux quais îlots situés à l’intérieur de la baie protégée par un bras de terre de 37 km de long. Il y a également trois grands ports de taille imposante à Laâyoune. Ces infrastructures génèrent évidemment des pôles de croissance autour desquelles peuvent prospérer les activités des navires marchands : C’est précisément en ces réalisations que réside la garantie apportée aux armateurs étrangers, en permanence à la recherche d’un itinéraire profitable, équilibré et maîtrisé.

De quelle manière la stabilisation politique et juridique de la façade maritime du Sahara renforce-t-elle concrètement le statut du Maroc en tant que hub logistique majeur entre l’Europe et l’Afrique de l’Ouest, notamment en termes de nouvelles lignes maritimes et de capacités de transport ?

La question n’est pas celle d’une quelconque stabilisation, en fait le sujet évoqué dans votre interrogation se situe dans une autre dimension, à une échelle en rapport avec les mouvements récents de l’univers maritime. Voici de quoi il retourne. L’hinterland du continent africain est actuellement desservi par trois corridors Est, Ouest et Sud. Le système portuaire du Maroc offre l’unique option Nord pour un commerce réinventé avec le reste du monde. Pour comprendre ce dernier point, il faut remonter à 2013, année où la Chine lance l’idée d’une liaison globale en direction du Proche-Orient, Afrique et Europe, incluant les communications terrestres et maritimes : C’est la nouvelle route de la soie [One Belt-One Road]. Dans le sillage de ce projet, il y a émergence naturelle d’un prolongement reliant Pékin à la côte atlantique de l’Afrique, plaçant par là-même le Système portuaire du Maroc au cœur des échanges planétaires. Enfin, en initiant le nouveau Port « Dakhla Atlantique » (2016), le Maroc a fait le pari de l’avenir. Plusieurs évènements, dont ceux de la mer Rouge (2023), ont incité les armateurs à opter pour le passage par le cap de Bonne-Espérance, hissant « Dakhla Atlantique » au statut de ressource maritime mondialement identifiée comme telle. En conséquence, ce statut engage résolument la région dans une voie forte et diversifiée, plaçant la ressource humaine au centre des enjeux socio-économiques, notamment par la création massive d’emplois qualifiés et diversifiés.

 Au-delà de l’exploitation halieutique traditionnelle, comment la stabilité accrue va-t-elle faciliter les investissements dans la haute valeur ajoutée de l’Économie Bleue (aquaculture, transformation industrielle du poisson) et la création d’emplois ?

En ce qui concerne les investissements, il n’y a jamais eu aucun doute ni aucune hésitation. Ainsi, au Maroc, l’Économie Bleue est alignée sur le référentiel des exigences de la sécurité énergétique et alimentaire du pays. Il s’agit essentiellement du taux de couverture de cette double sécurité par la ressource marine mobilisable au niveau national. Pour fixer les idées, il s’agit principalement des énergies marines et de l’aquaculture, en couplage avec certaines composantes transverses majeures, ainsi les secteurs halieutique, portuaire et transport maritime y compris les biotechnologies et l’exploration des eaux douces sous-marines. Enfin, par rapport aux compétences professionnelles, la question est liée aux besoins en termes de filières et en termes de capacité par filière, avec pour ultime objectif l’enrichissement du bassin de l’emploi en permettant le libre accès à la gamme complète de tous les métiers de l’économie bleue.

Propos recueillis par Maimouna DIA