Dans le sillage des valses des visites des responsables américains en Afrique depuis le déclenchement de la nouvelle offensive de l’Administration Biden en Afrique, la vice-présidente des Etats-Unis a entamé, dimanche par le Ghana, une tournée d’une semaine en Afrique qui l’a conduira également en Tanzanie et en Zambie. Au menu de la visite, coopération, développement économique, investissements, sécurité, changement climatique et surtout les perspectives pour un nouveau partenariat porté par la croissance prometteuse du continent avec une jeunesse en pleine expansion. En toile de fond, contrer les velléités stratégiques de la Chine et celles de plus en plus instantes de la Russie en Afrique.
Après le secrétaire d’Etat Antony J. Blinken et la Première dame Jill Biden, c’est au tour de la vice-présidente américaine d’effectuer une tournée en Afrique dans le sillage de l’offensive africaine des Etats-Unis en Afrique mise en orbite en décembre dernier lors du Sommet US-Africa Leaders qu’avait organisée le Président américain Joe Biden à Washington, en présence d’une quarantaine de chefs d’Etat du continent. C’est à Accra où elle est arrivée dimanche soir, que la vice-présidente américaine a foulé la terre africaine. Dans la capitale ghanéenne, Kamala Harris a reçu un accueil des grands jours et dès sa descente d’avion, a planté le décor sur les raisons de sa visite sur le continent.
« Je suis très enthousiaste quant à l’avenir de l’Afrique. Je suis très enthousiaste quant à l’impact du futur de l’Afrique sur le reste du monde. Quand je regarde ce qu’il se passe sur ce continent et le fait que l’âge moyen soit de 19 ans, ce que cela nous dit sur la croissance de l’innovation et des possibilités. Je vois en tout cela, une grande opportunité, pas seulement pour les Africains, mais aussi pour le reste du monde », a déclaré Kamala Harris.
Ce lundi, la vice-présidente s’est entretenue avec le président ghanéen, Nana Akufo-Addo, à qui elle a promis l’aide des Etats-Unis pour contribuer à la sécurité du pays et d’y accroître les investissements. »En tant que président du Ghana, vous avez été très courageux et avez défendu les principes démocratiques. Je vous remercie pour l’amitié que vous avez offerte aux États-Unis », a déclaré Kamala Harris à M. Akufo-Addo qui a saisi l’occasion pour exposé à la responsable américaine, les défis auxquels son pays fait face. Il faut dire que le Ghana était, ces dernières décennies, l’une des économies à la croissance la plus rapide et la plus robuste du continent et même au monde. La pandémie de la Covid-19 et l’impact des chocs mondiaux notamment la baisse des cours des matières premières conjuguée à une hausse des prix alimentaires ont eu raison de cette dynamique. Actuellement, le pays d’Afrique de l’ouest fait face à l’une des plus graves et prononcées crises économiques de son histoire avec une monnaie, le Cedi, en chute libre, une inflation galopante qui atteint les 50% et pour ne rien arranger, le pays est depuis décembre dernier confronté à une crise de la dette alors qu’il a du mal à effectuer ses paiements.
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Depuis un certain temps, le Ghana fait face à des menaces sécuritaires avec les attaques des groupes armés terroristes (GAT) qui s’étendent des Pays du Sahel vers ceux du Golfe. « Nous passons beaucoup de nuits blanches à essayer de nous assurer que nous sommes protégés ici« , fait savoir le chef de l’Etat ghanéen qui a profité de l’occasion pour réitérer l’appel de son pays ainsi que des autres voisins à la solidarité internationale et notamment américaine pour remettre leurs économies sur les rails. Le président Akufo-Addo s’est également inquiété du fait que les investisseurs privés américains ont tendance à négliger le pays ainsi que la région malgré les multiples potentialités. « Nous voulons être en mesure de changer cette dynamique », a-t-il plaidé auprès de la vice-présidente américaine qui, en retour, a annoncé une aide américaine d’au moins 130 millions de dollars dans les prochains mois.
Enjeux géopolitiques stratégiques
A Accra, la vice-présidente américaine va effectuer une série de visites au cours desquels elle va rencontrer des artistes ainsi que de jeunes entrepreneurs et porteurs de projets africains. L’occasion pour mettre en exergue le potentiel de croissance que représente cette importante frange de la population africaine pour « l’avenir du continent et du monde », selon ses propres mots. Elle aura également des échanges avec des acteurs de la société civile pour parler de démocratie et de promotion des droits de l’homme. Le choix du Ghana tout comme de la Tanzanie et de la Zambie est un signal fort de l’administration américaine. En Tanzanie, Kamala Harris rencontrera Samia Suluhu Hassan, la première femme présidente du pays avec qui elle évoquera les réformes en cours pour consolider la démocratie et promouvoir le développement économique. Selon ses services, en Zambie, autres pays en pleine consolidation démocratique et qui connait une dynamique économique certaine, il sera davantage question d’entrepreneuriat, de sécurité alimentaire et de lutte contre le changement climatique.
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Lors de son séjour au Ghana, en Tanzanie et en Zambie, la vice-présidente Kamala Harris va tenter de défendre la nouvelle vision africaine de Washington qui considère désormais l’Afrique comme une terre d’investissement et pas seulement d’aide. Des pays stratégiques pour la diplomatie américaine qui muscle son offensive pour contrer les offensives de la Chine et de la Russie sur le continent. Car, comme le font observer les analystes, il s’agit-là de l’enjeu principal de cette opération de séduction américaine en Afrique. De ce fait, l’influence grandissante de Pékin sur le continent sera au centre des échanges comme l’a expliqué dans un entretien, le journaliste Chris Megerian à l’AFP. « Madame Harris sera confrontée à un délicat exercice d’équilibre au cours de ce voyage. Une grande partie de l’action des États-Unis en Afrique est ancrée dans sa rivalité avec la Chine. La Chine exerce une grande influence sur le continent en prêtant de l’argent aux pays, en construisant de grands projets d’infrastructure tels que des routes et des chemins de fer. Mais en même temps, les responsables américains ne veulent pas que les dirigeants africains aient l’impression d’être pris au milieu de cette partie d’échecs géopolitique entre les États-Unis et la Chine. Ils veulent que les dirigeants africains aient l’impression qu’ils traitent avec eux selon leurs propres conditions. C’est un aspect que la vice-présidente devra équilibrer pendant son séjour, en essayant de nouer des partenariats qui aident les États-Unis et leurs objectifs géopolitiques, mais aussi en créant ses propres relations avec les pays africains », a souligné le correspondant de l’Associated Press (AP) à la Maison Blanche.
Il faut aussi noter que cette offensive de charme n’occulte pas la politique du chéquier que Washington met en avant pour ses alliés stratégiques. Des investissements certes mais aussi des aides pour ne pas pousser des pays en crise dans les bras de Pékin ou de Moscou. Lors du Sommet des leaders US-Africa de décembre dernier, les Etats-Unis avaient d’ailleurs promis de consacrer 55 milliards de dollars à l’Afrique.