Chronique- Petits réacteurs nucléaires, leapfrog énergétique de l’Afrique

Dans un contient où l’uranium est abondant, les petits réacteurs nucléaires ou SMR (Small Modular Reactors) représentent une solution particulièrement adaptée. Ils répondent à trois défis majeurs du continent, à savoir le manque d’infrastructures de réseau, le besoin d’industrialisation délocalisée et le stress hydrique.

Contrairement à un réacteur classique, très onéreux (plus de 10 milliards €), qui nécessite une emprise au sol très grande, et exige d’importants besoins en eaux, donc une proximité de fleuve ou côte maritime, les petits réacteurs nucléaires ou SMR coûtent entre 500 millions à 3 milliards €, ne prennent que peu de place et ont un très faible besoin en eaux, pouvant être refroidis par air. D’ores et déjà, plusieurs pays, dont le Ghana, le Kenya, le Nigeria et l’Afrique du Sud, ont déjà intégré les SMR dans leurs feuilles de route énergétiques à l’horizon 2030-2035.

Ces Etats ont bien raison, dans la mesure où ces SMR peuvent transformer le paysage énergétique en Afrique. Ils sont particulièrement adaptés aux réseaux électriques fragiles.C’est d’autant plus juste quela plupart des pays africains se démènent avec des réseaux électriques dont la capacité totale est limitée, souvent moins de 5 GW. En outre, avec une puissance de 10 à 300 MW, les SMR s’intègrent facilement sans exiger une modernisation massive et coûteuse des lignes haute tension. On peut ajouter des modules, un par un, suivant la croissance de la demande. A cela, s’ajoute le problème des grandes centrales. En effet,installer un réacteur classique de 1 500 MW sur un petit réseau risquerait de le déstabiliser ou de provoquer des pannes générales, à chaque maintenance.

Désenclavement des zones isolées et industrialisation

Les immenses zones rurales ou minières, non raccordées au réseau central en Afrique, pourraient bénéficier de l’alimentation des mines ou implanter de micro-réseaux régionaux. Il est admis que les industries extractives consomment énormément d’énergie. Un SMR peut être installé directement sur site pour fournir une électricité stable et bas-carbone, remplaçant les coûteux et polluants générateurs diesel.

Par ailleurs, ces petitsréacteurs nucléaires permettent de créer des îlots énergétiques pour des villes moyennes ou des zones agricoles, sans attendre le déploiement de milliers de kilomètres de câbles, depuis les grandes métropoles.

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Au-delà de la distribution d’énergie électrique, des applications non-électriques, telles que le traitement de l’eau, la cogénération industrielle… En effet, la valeur ajoutée des SMR en Afrique dépasse la simple production d’électricité. Des pays, tels que l’Égypte ou la Namibie, qui font face à une pénurie d’eau, peuvent utiliser la chaleur produite par un SMR pour alimenter directement des usines de dessalement thermique à un coût très compétitif.

En termes de cogénération industrielle, la vapeur produite peut servir à transformer localement des matières premières (agro-industrie, chimie…), favorisant l’industrialisation sur place, plutôt que l’exportation de produits bruts.

Last but not least, parce que l’investissement initial d’une centrale nucléaire classique reste un frein majeur pour nombre de budgets nationaux africains, les SMR, pouvant être fabriqués en usine et transportés sur site (modu-fabrication), réduisent les délais de construction sur 3 à 5 ans contre 10 ans et plus pour le conventionnel. De surcroît le risque financier est moindre.Le coût total par projet est beaucoup plus faible, ce qui facilite l’accès aux financements en partenariats public-privé (PPP).