Chronique- ZLECAf, entre chimères et désillusions, si…

La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) représente un marché de 1,3 milliard de consommateurs et un PIB combiné de 3 400 milliards de dollars. Elle ambitionne de sortir de la pauvreté des millions de personnes, d’ici 2035. Avec des économies fortement différenciées, l’Afrique risque ne risque-t-elle pas de voir ces desseins rester des vœux pieux ?

Qu’on ne s’y méprenne, la ZLECAf attise des convoitises ! Depuis plus de 5 ans, les Etats africains ont entamé les échanges dans la cadre de sa mise en œuvre. En effet, depuis le lancement en mars 2018 à Kigali et des pourparlers entamés depuis le 1er janvier 2021, certains Etats piaffent d’impatience pour son entrée en vigueur. Mais doit-on mettre la charrue avant les bœufs ?

Parmi ceux qui se présentent, sans modestie, en donneurs de leçons et n’y voient qu’un vaste marché pour écouler leurs biens et services, il serait utile de rappeler les objectifs essentiels de la ZLECAf. Justement, comment sortir des millions de personnes de la pauvreté, sans évoquer le co-développement, une coopération franche et équilibrée ?

Les indicateurs ont beau être alléchants, avec des chiffres qui donnent le tournis, néanmoins le contexte africain reste différent. En dépit d’un potentiel impressionnant et nombre d’économies émergentes, nous sommes aussi en face d’un certain nombre d’Etats dont l’économie est à 80% informelle- des PPTE, Pays pauvres très endettés ! Un tel constat dicte une période de latence, d’au moins une dizaine d’années, pour la mise à niveau de ces dernières économies, le numérique aidant.

Sortir des économies du statut PMA 

Etre un pays moins avancé (PMA) n’empêche pas de pouvoir commercer dans un espace de coopération win-win. La question que tous les observateurs se posent est de savoir si les économies émergentes, qui vont surtout tirer partie de la ZLECAf, du moins lors de son entrée en vigueur, sont prêtes à accompagner la mise à niveau des PMA ?

Dans tous les cas, un certain nombre de batailles devront être gagnées avant toute éventuelle Zone de Libre-Echange. La bataille de la transformation des matières brutes, des ressources minières, donc de l’industrialisation, sera la primordiale… L’Afrique produit des fruits tropicaux. Malheureusement, une grande quantité continue de pourrir sous les arbres ! Aucun effort n’est fait pour soutenir la labellisation, le packaging de ces produits tropicaux au goût exquis et leur commercialisation dans les marchés domestiques et extérieurs.

La bataille devra être initiée simultanément à celle de la qualité, de l’adoption de normes conformes aux standards internationaux. Le combat des infrastructures pour doter les centres industriels, mais aussi les agglomérations, de toutes les utilités, devra aussi être entamé sans délai. L’éducation, la formation et les domaines de la santé constituent d’autres pans entiers qui attendent des investissements colossaux. Quels sont ces Etats africains, grands défenseurs de la ZLECAf, qui vont financer à fonds perdus- ne serait-ce qu’à travers des associations professionnelles nationales- ces grands chantiers, indispensables et en amont de toute ZLE qui se respecte ? A défaut, les piliers, déjà très faibles, de ces économies vont s’effondrer et les banqueroutes vont se succéder, jetant des milliers de travailleurs dans la rue. A terme, au lieu de lutter contre la pauvreté et créer plus de concorde dans un continent qui peut être grenier du monde et locomotive de plus de concorde sur terre, la ZLECAf serait source de désolation, de misères et de frustrations.

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On peut le croire, dans la mesure où certaines économies émergentes adoptent déjà un double langage. Au moment où ils louent la ZLECAf et inondent certains marchés de leurs biens et services, ils mettent en place des mesures protectionnistes à peine voilées et très éloignées de la sauvegarde, se déclinant sous forme de normes de protections du consommateur, de calibrage ou qualité des produits… Ceux qui hésitent à faire des efforts au niveau macro, sans omettre la bonne gouvernance, vont-ils faire un clin d’œil à cette nécessité d’approfondir l’engagement et la participation du secteur privé ? Ausculter ces questions permettra de dépasser un mercantilisme de bas étage, nouveau bras armé d’un néocolonialisme encagoulé.