L’année 2022 tire à sa fin et comme il est de tradition, c’est l’occasion de tirer le bilan des 12 mois écoulées qui, comme par le passé, ont été émaillés d’évènements majeurs qui ont dominé l’actualité. En Afrique particulièrement, l’année a été particulièrement brûlante avec son lot de crises sécuritaires, d’élections à hauts risques, de conflits sociaux et politiques mais aussi d’heureux évènements qui, comme ailleurs, sont la preuve d’un continent en perpétuel mouvement avec une dynamique portée par des défis et des vents d’espoirs qui constituent les promesses d’un avenir certes plein d’incertitudes mais aussi d’opportunités. Dans ce dossier, nous revenons sur les principaux évènements qui ont marqué l’année 2022 en Afrique, à travers 10 faits majeurs dont les conséquences auront certainement des répercussions sur ceux de la nouvelle année qui s’annonce.
6-Justice et droits humains : en Guinée et au Burkina, des procès pour solder des comptes du passé et au Tchad, un nouveau massacre
L’année 2022 a été marquée sur le plan de la justice et des droits humains en Afrique, par deux procès d’envergure au Burkina Faso et en Guinée. Au pays des hommes intègres, après quatre mois d’un procès historique, le Tribunal militaire de Ouagadougou a rendu son verdict le 06 avril 2022, dans l’affaire de « l’assassinat de l’ancien chef de l’Etat, le capitaine Thomas Sankara, et douze (12) de ses proches lors du coup d’état du 15 octobre 1987 ». 34 ans après les faits, les principaux accusés dans l’affaire, l’ancien président Blaise Compaoré, le général Gilbert Diendéré et Hyacinthe Kafando ont été condamnés à la prison à vie. L’ancien chef de l’Etat et son ancien chef de la sécurité, en exil en Côte d’ivoire, n’ont certes pas été présents lors du procès, ce qui a donné au procès un certain goût d’inachevé, mais a beaucoup été salué par l’opinion africaine puisqu’il a permis de lever le voile sur une page sombre de l’histoire politique du pays mais aussi du continent. Quelques mois plus tard, d’ailleurs, l’ancien locataire de Kosyam a dans une retentissante lettre adressée au peuple burkinabé, demandé pardon à tous ses concitoyens pour tous les actes commis durant ses vingt-sept années au pouvoir, « et plus particulièrement à la famille de mon frère et ami Thomas Sankara ».
En Guinée, l’année 2022 a vu également le début du très attendu jugement de l’ancien chef de la junte militaire, le capitaine Moussa Dadis Camara et d’autres anciens responsables, impliqués dans le massacre du stade du 28 septembre 2009. Après plusieurs années d’instruction avec à la clé des rebondissements spectaculaires, le procès s’est ouvert le 28 septembre 2022 à Conakry, la capitale. Retransmis en direct par les médias du pays, il est largement suivi sur tout le continent et est perçu par de nombreux défenseurs des droits humains, comme un grand pas en avant dans la lutte contre l’impunité en Afrique. Le 28 septembre 2009, en effet, une centaine de morts et autant de femmes ont été enregistrées à la suite de la répression par les forces de sécurité, d’une manifestation des partis politiques qui protestaient contre la candidature du chef de la junte à l’élection présidentielle. Le procès se poursuit encore et des sanctions exemplaires sont attendues à l’issue du processus, pour que dorénavant, de tels tragiques évènements soient bannis en Afrique.
Sur ce registre, il convient de relever un autre massacre qui a eu cours cette année, et cette fois au Tchad où, le 20 octobre 2022, plusieurs centaines de personnes qui manifestaient à travers le pays, à l’appel de groupes d’opposition pour dénoncer le maintien de Mahamat Idriss Déby au pouvoir et la décision de prolonger de deux ans la transition démocratique, ont trouvé la mort. La manifestation a été certes interdites par les autorités qui ont dénoncé une tentative d’insurrection mais la répression a été des plus sanglantes et certaines organisations comme l’ONU, estiment, que jusqu’à 150 personnes pourraient avoir été tuées lors de ces rassemblements. Une enquête internationale est en cours pour situer les responsabilités et traduire les coupables en justice.
7- Région des Grands lacs : dans l’est de la RDC, le retour des vieux démons
Ce qui n’était, en fin 2021, qu’une reprise des hostilités dans l’est du pays entre les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) et l’armée royaliste des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) est devenu en 2022, une véritable guerre diplomatique avec le Rwanda et le RDC. L’offensive des rebelles du M23, groupe majoritairement tutsi, s’est accentué ces derniers mois avec la prise, en octobre dernier, d’une importante partie du territoire du Nord-Kivu, et menaçant même la ville de Goma, le chef lieu et principale ville de cette riche province minière de l’Est de la RDC.
Depuis le début des hostilités, le gouvernement congolais n’a cessé d’accuser le Rwanda de soutenir le M23, une position partagée par l’ONU et plusieurs puissances occidentales notamment les Etats-Unis, la France, la Belgique ou l’Allemagne.
Ce que rejette Kigali pour qui, « accuser le Rwanda de soutien au groupe armé congolais du M23 est faux, et détourne des causes réelles du conflit et de ses conséquences sur la sécurité des pays voisins ».
Sous la pression internationale, les rebelles ont pris part le 23 décembre à une cérémonie symbolique de remise de la ville de Kibumba à une force militaire régionale de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) qui joue les médiateurs. Pour autant, les tensions sont loin de s’estomper et la crise diplomatique et sécuritaire est en train de s’aggraver avec es accusations de massacre comme celui, fin novembre, de Kishishe attribué au M23 par l’ONU et qui fait cas de 131 civils tués dans une enquête préliminaire. Kinshasha s’est jusqu’à présent refuser à négocier directement avec le M23 et Kigali continue à réfuter son implication dans cette guerre qui a déjà fait des centaines de morts et de blessés ainsi que de millier de déplacés sur fonds de montée de message ethnique et haineux qui ne font qu’aggraver la tension. En attendant l’issue de cette nouvelle crise, l’espoir réside dans la force régionale d’interposition de l’EAC qui commence à se déployer dans la zone de conflits mais elle est aussi sujette à de virulentes critiques au Congo où certains soupçonnent certains pays contributeurs comme l’Ouganda de faire partie du problème.
8- Sports : l’année du football africain avec la victoire du Sénégal à la CAN et l’épopée glorieuse du Maroc à la coupe du monde
Les compétitions sportives notamment le football ont été l’un des temps forts de l’actualité en Afrique cette année avec la reprise d’évènements très attendus dont certains ont été décalés en raison de la pandémie de la Covid-19. L’année a ainsi débuté en fanfare sur le continent avec la 33e édition de la Coupe d’Afrique des nations de football (CAN), organisée au Cameroun du 09 janvier au 06 février 2022. La compétition durant laquelle vingt-quatre équipes du continent se sont opposées, s’est terminée par le sacre du Sénégal à l’issue d’un match palpitant face à l’Égypte remporté aux tirs au but. Trois ans après leur échec en finale au Caire, « les Lions de la Téranga » ont ainsi accédé pour la première fois de leur histoire.
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Avec quatre autres nations africaines notamment le Maroc, la Tunisie, le Ghana et le Cameroun, le Sénégal a fait partie des représentants du continent à la Coupe du monde de football qui s’est déroulée du 20 novembre au 18 décembre 2022 au Qatar. Une édition qui a été aussi historique pour le continent avec l’exploit sans précédent du Maroc qui a décroché la quatrième place du Mondial. Une première pour une équipe africaine ou arabe qui a été saluée comme il se doit au Maroc et dans tout le continent d’autant que « Les Lions de l’Atlas » ont marqué l’histoire du mondial de football en accédant à la demi-finale du prestigieux tournoi en livrant de matchs de hautes factures contre des équipes favorites à la prestigieuse coupe. Après avoir battu la Belgique en match de poule, les poulains du coach Walid Regragui se sont débarrassés de la grande équipe de la Roja espagnole en huitième de finale puis de celle du Portugal de la légende Cristiano Ronaldo en quarts avant de tomber les armes à la main en demi-finale face à la France (0-2), l’équipe alors championne du monde en titre. Une performance historique qui a valu aux joueurs un accueil mémorable à leur retour à Rabat et une célébration dans les principales capitales africaines et arabes.
9- Elections : des législatives mouvementées au Sénégal et un 6e mandat pour Teodoro Obiang Nguema en Guinée équatoriale
L’année 2022 a été marquée également en Afrique par des élections comme c’est le cas au Sénégal où le 31 juillet 2022, se sont tenues les législatives pour la désignation des 165 députés de la 14e législature. Des élections dont le principal enjeu était de jauger de la solidité de la majorité soutenant le Président Macky Sall à qui l’opposition prête une intention de briguer un 3e mandat à la tête du pays. Un test grandeur nature pour la prochaine présidentielle de 2024 à l’issue duquel, la coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar a obtenu 82 députés contre 125 lors de la précédente élection de 2017. Une perte de terrain face à l’inter-coalition Yewwi Askan Wi (YAW) de l’opposant Ousmane Sonko et de Wallu Senegal de l’ancien chef de l’Etat Abdoulaye Wade, qui a obtenu 80 sièges à l’Assemblée nationale. Malgré cette percée historique de l’opposition, le Président a pu sauver in extremis sa majorité absolue avec le ralliement de l’ancien maire de Dakar Pape Diop.
En Guinée équatoriale et au terme d’un scrutin anticipée sans grand suspense en novembre dernier, le Président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo a été réélu avec un score officiel triomphal de 94,9%. A 80 ans dont 43 au pouvoir, le président équato-guinéen a été investi le 26 novembre dernier pour un 6e mandat de 7 ans. Son tout-puissant Parti Démocratique de Guinée équatoriale (PDGE), à la tête d’une coalition de 15 partis s’est également adjugé l’ensemble des 100 sièges de députés et des 55 de sénateurs mis en jeu lors des élections législatives et locales qui se tenaient simultanément.
10- Climat : une COP27 en terre africaine et encore des promesses
L’Égypte a accueilli du 6 au 20 novembre 2022 au Centre international de conventions de Charm el-Cheikh, la 27e Conférence des Nations unies sur le climat (COP27). C’est la septième édition que cet événement international dédié à la lutte contre le réchauffement climatique est organisé sur le continent, et cette fois encore, la grande messe mondial du climat s’est terminée sur un goût d’inachevé pour l’Afrique, qui est pourtant déjà lourdement affectée par les conséquences de la hausse des températures.
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En 2022, par exemple, plusieurs pays ont été affectés par des inondations particulièrement dévastatrices qui ont causé des centaines de morts comme au Nigeria, au Niger ou au Tchad. L’occasion donc, pour les négociateurs du continent, faible émetteur de gaz à effet de serre, de réclamer des compensations d’autant que les financements colossaux annoncés depuis des années par les principaux pollueurs du monde tardent à se concrétiser. Après plusieurs années de discussions difficiles, un accord à minima a été conclu à la COP27 pour dédommager les pays les plus vulnérables face aux dégâts qu’ils subissent. La mise en place de ce mécanisme devrait intervenir lors de la COP28, qui aura lieu à Dubaï en novembre 2023. Qualifié d’historique, l’accord n’affiche cependant aucune nouvelle ambition concernant les gaz à effet de serre, empêchant ainsi d’agir sur les causes véritables du changement climatique. Il reste à espérer que pour les prochaines rencontres, les promesses faites à l’Afrique cette année d’intégrer le G20 et même le Conseil de sécurité de l’ONU comme membre permanant, puissent contribuer à défendre véritablement ses intérêts en la matière.