Chronique- Le rôle clé de l’Etat dans l’industrialisation 

Dans un pays où le secteur secondaire est quasi-inexistant ou déliquescent, l’État joue un rôle crucial dans l’industrialisation. Dans un tel contexte de développement industriel, l’État doit non seulement guider et stimuler les investissements, mais aussi et surtout mettre la main à la pâte, notamment dans les secteurs dits stratégiques. Surtout ne pas hypothéquer les bijoux de la famille dans des économies à 80% informelles ! 

Dans les pays en voie d’industrialisation, où les capitaux privés peuvent être insuffisants ou réticents à s’engager dans des projets à long terme et à haut risque, il revient à l’Etat de s’engager. Des structures publiques, gérées de façons autonomes, sont nécessaires pour assurer des desseins ayant trait à la souveraineté alimentaire, la résorption d’un chômage qui progresse à deux chiffres, à générer des revenus, atténuer voire annihiler complétement les périodes de soudure des exploitants agricoles.  

Chaque pays a ses habitudes alimentaires. Il revient à l’Etat de fixer les priorités nationales et d’orienter les investissements vers des secteurs stratégiques qui correspondent aux besoins du pays (énergie, agriculture, industrie manufacturière, etc.).  

Il suffit d’implanter des industries ou groupes d’usines au sein des branches à forte demande locale. Bien entendu, le lait et les produits d’élevage, le sucre, l’huile, les céréales, les produits de l’économie bleue sont d’office considérés comme stratégiques un peu partout à travers la planète, tant leur pénurie peut être source de troubles ou d’émeutes. Pour nos Etats, il s’agit de mettre rapidement en place de telles industries, en les dotant suffisamment de moyens pour des capacités de production de qualité, à même de satisfaire la demande locale.  Les exploitants du secteur primaire y trouvent leurs comptes dans la mesure où toutes leurs moissons, récoltes, pêches ou cueillettes seraient commercialisées. Tous les moyens- je dis bien, tous les moyens- nécessaires pour acquérir des intrants, du matériel, frais des périmètres irrigués ou pour assurer la logistique (transport jusqu’à l’usine, frais de récolte…), peuvent être avancés par ces mastodontes nationaux. L’exploitant, qui est du reste, assuré contre certains aléas, verra défalquer à la commercialisation ou à la collecte, les avances reçues. A ce stade, l’Etat aura le rôle de combler le vide, laissé par des marchés financiers imparfaits.

Les leviers d’action

L’État dispose de nombreux outils pour stimuler l’investissement stratégique. Outre le financement direct, sachant que l’État peut investir directement dans des entreprises ou des projets, notamment dans les secteurs stratégiques, il peut fournir des garanties pour réduire les risques liés aux prêts bancaires aux entreprises. 

L’Etat, qui devient entrepreneur, peut instruire des réductions d’impôts, des crédits d’impôt ou des exonérations douanières pour encourager l’investissement privé. 

A cela s’ajoutent le PPP (Partenariat-Public-Privé) par lequel l’État peut s’associer avec le secteur privé pour mener à bien des projets d’envergure, et l’amélioration du cadre réglementaire. Doit-on rappeler qu’un environnement réglementaire stable et transparent est essentiel pour attirer les investissements ? Un “Acte d’investir” facilité est synonyme d’accroissement de création d’entreprises.   

Notons que les soubassements de la réussite d’une telle politique reposent sur le développement des infrastructures et la formation professionnelle. Pour générer des effets d’entraînement, les investissements dans les transports, l’énergie et les télécommunications sont fondamentaux pour le développement industriel. Par ailleurs, pour développer les compétences nécessaires à l’industrie, l’État gagnerait à investir dans la formation.  

Pour toutes ces raisons, l’Etat demeure un acteur clé. Aussi, il ne faut pas perdre de vue que les projets industriels, en particulier les premiers, sont souvent associés à des risques élevés d’échec. L’État peut absorber une partie de ces risques, incitant ainsi le secteur privé à investir. Compte tenu du fait que l’industrialisation est un processus de longue haleine, l’État peut assurer une vision à long terme et une stabilité politique et économique, indispensables pour attirer les investissements.