Perspectives politique 2023: une année d’incertitude sous hautes tensions électorales en Afrique [Partie I: Afrique de l’ouest]  

Tour d'horizon et analyse des principaux enjeux de ces scrutins majeurs qui détermineront l'avenir d'une démocratie africaine encore en pleine consolidation avec pour cette première partie, un focus sur l'Afrique de l'ouest.

Autant l’année 2022 a été relativement calme sur le plan électoral en Afrique, autant l’année 2023 s’annonce chargée de compétitions électorales à forts enjeux, ce qui en amplifient particulièrement les risques de crise. Dans au moins 7 pays, les citoyens seront appelés aux urnes durant les prochains mois pour élire avec des rendez-vous électoraux très attendus notamment au Nigeria, au Gabon ou en RDC. Sur fonds de contestations et même de violences électorales dont certains de ces pays sont souvent abonnés, l’insécurité est désormais comme une nouvelle donne à prendre en compte pour quelques de ces échéances dont le processus est déjà fort avancé avec, comme toute compétition politique,  son lot d’incertitudes sur la suite des évènements.  Tour d’horizon et analyse des principaux enjeux de ces scrutins majeurs qui détermineront l’avenir d’une démocratie africaine encore en pleine consolidation avec pour cette première partie, un focus sur l’Afrique de l’ouest.

Bénin: l’opposition de retour au sein d’un Parlement encore contrôlée par Talon

Les Béninois ont été les premiers à donner le coup d’envoi du cycle électoral pour cette année 2023 chargée de scrutins sur le continent. Le 08 janvier dernier, 6.600.572 ‘électeurs ont été appelés aux urnes pour élire les 109 députés de l’Assemblée nationale. Des législatives dont le seul véritable enjeu était le retour de l’opposition politique, absente du Parlement depuis 2015 et l’arrivée du Président Patrice Talon au pouvoir. Sept (07) listes étaient en compétition et à l’issue du scrutin, qui s’est globalement bien déroulée malgré une mobilisation relativement faible avec moins de 40% de participation, seuls trois (03) partis ont pu décrocher des sièges. Et ce, selon les résultats provisoires que vient de déclarer la Commission électoral national autonome (CENA), le 10 janvier. L’Union progressiste pour le renouveau (UPR) s’en sort avec 53 sièges (37,56%), le Bloc Républicain décroche 28 sièges (29,17%) alors que les Démocrates de l’opposant et ancien Président Thomas Yayi Boni obtient également 24 sièges (29,17%). Avec 80 sièges, la mouvance présidentielle conserve sa majorité à l’Assemblée nationale et le retour de l’opposition en son sein, après son exclusion des dernières législatives de 2019, va permettre de consolider un peu plus la démocratie béninoise avec, autre fait majeur, une présence plus conséquente des femmes grâce au quota qui leur a été attribué. Une première dans le pays.

Nigeria: qui pour succéder à Buhari?

C’est l’une des élections sinon la principale qui fait l’objet de toutes les attentions mais qui suscite aussi le plus d’inquiétude en Afrique pour cette année! le 25 février prochain, un peu moins de 100 millions de Nigériens sont appelés aux urnes pour élire un successeur à Muhammadu Buhari, arrivé au pouvoir en 2015 et qui est au terme de ses deux mandats légaux. Sur les 17 candidats qui briguent la succession de l’ancien putschiste devenue démocrate, 4 se détachent du lot: Atiku Abubakar, candidat à plusieurs reprises et leader du principal parti d’opposition, le  Parti démocratique populaire (PDP); Bola Ahmed Tinubu, du parti au pouvoir, le Congrès des progressistes (APC); Peter Obi, leader du Parti travailliste (LP), et Rabiu Kwankwaso du New Nigerian Peoples Party (NNPP). De l’avis de tous les observateurs, la course au fauteuil présidentiel a de forte chance de se jouer dans un duel entre le dauphin de Buhari, l’ancien gouverneur de Lagos, Bola Tinubu (70 ans) et l’ancien vice-président Atiku Abubacar (72 ans).

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Fait notable pour cette présidentielle, le non respect du principe de l’alternance à la nigériane qui veut qu’en vertu d’un accord tacite qui a jusque-là fait ses preuves dans ce pays le plus peuplé d’Afrique,  la présidence soit occupée alternativement par un candidat du Nord du pays, majoritairement musulman, puis un candidat du Sud, majoritairement chrétien. Or, l’APC, le parti au pouvoir, a désigné Bola Ahmed Tinubu, certes originaire du Sud, mais de confession musulmane alors que Buhari, le président sortant est un musulman et originaire du Nord. De son coté, le principal parti d’opposition a choisi Atiku Abubakar, lui aussi originaire du Nord du pays. De quoi amplifier les enjeux pour la présidentielle du 25 février pour le Nigeria, l’une des principales économies d’Afrique, habitué aux contestations accompagnées de violences électorales même si, en décembre dernier, les principaux candidats ont signé une sorte de « gentlemen agreement » et se sont engagés à éviter toutes formes de violences avant, pendant et après le scrutin.

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Cependant, et alors que la campagne électorale bat déjà son plein, la tenue du scrutin au jour J reste entourée d’incertitude en raison notamment du climat d’insécurité qui prévaut dans le pays avec la multiplication de attaques terroristes de Boko Haram et de l’ISWAP dans le nord-est du pays et les bandes criminelles organisées dans les autres états fédérés particulièrement du nord et du centre de la Fédération. « Si on ne parvient pas à surveiller et faire baisser l’insécurité, cela pourrait déboucher sur l’annulation et/ou le report des élections dans assez de circonscriptions pour empêcher la proclamation des résultats », a avait alerté lors d’une conférence le 09 janvier à Abuja, la capitale,  Abdullahi Abdu Zuru, l’un des responsables de l’INEC, la commission électorale. Bien que l’INEC indique n’avoir pas de plan B, ce scénario pourrait alors «  provoquer une crise constitutionnelle «  et plongé le pays dans un nouveau cycle d’incertitude politique.

Sierra Leone et Liberia: Julius Maada Bio et Georges Weah en quête d’un second mandat

Après une période de flottement qui a déjà suscitée une levée de  boucliers au sein de l’opposition, la date de l’élection présidentielle a été finalement fixée au 24 juin 2023 par la Commission électorale  qui a couplé cette échéance au second tour des élections des membres ordinaires du Parlement, ainsi que les membres des conseils locaux. Candidat du Parti du peuple de Sierra Leone (SLPP), le  Président sortant Julius Maada Bio va briguer un second mandat au cours duquel il part naturellement favori bien que des surprises ne sont pas à écarter car le jeu électoral semble encore assez ouvert au vu des forces politiques en présence. Face à lui, une coalition d’une dizaine de  partis d’opposition dirigée par Femi Claudius Cole, leader du Parti de l’unité mais qui n’est pas encore certaine d’être la candidate unique qui sera investie. Ce qui pourrait profiter à l’autre challenger sérieux au Président Maada Bio, le dirigeant du All People’s Congress (APC), candidat malheureux lors du scrutin de 2018. D’ autres candidats sérieux peuvent jouer également les trouble-fêtes Samuel Sam Sumana, fondateur de  la Coalition pour le changement (C4C) et Kandeh Kolleh Yumkella, candidat du National Grand Coalition (NCG).

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Au Liberia, autre pays de l’Afrique de l’Ouest où l’année sera particulièrement une année électorale, le Président George Weah va aussi tenter d’obtenir un second mandat à l’issue du scrutin présidentiel prévu en octobre 2023. La coalition qui l’a porté au pouvoir a décidé, en septembre dernière, de reconduire le ticket qu’il compose avec la vice-présidente Jewel Howard Taylor, l’ex-femme du dictateur Charles Taylor. Le contexte n’est pourtant pas aussi favorable pour le successeur d’Ellen Johnson Sirleaf qu’en 2016 où il partait favori grâce au soutien de la coalition formée par son parti, le Congress for Democratic Change (CDC), le New Patriotic Party (NPP) et le Liberia People’s Democratic Party (LPDP). En plus des tensions qui ont émergé en cours de route entre les deux chefs de l’exécutif libérien, le bilan tant économique que social de l’ancien « Ballon d’or » africain est sévèrement critiqué par l’opposition. Des critiques qui font mouche au sein de l’opinion tant les conditions de vie des populations se sont dégradées sous le règne de l’ex-joueur du PSG. En témoigne la mobilisation constatée lors des manifestations lancées ces derniers mois par la coalition de l’opposition, la Collaborating Political Parties (CPP). Cette dernière est  notamment conduite par Alexander Cummings, le leader du Alternative National Congress (ANC), un des sérieux challengers du Président sortant qui n’a que quelques mois pour essayer de redorer son blason au sein de l’opinion libérienne.

Burkina Faso, Mali et Guinée: en attendant le retour incertain à l’ordre constitutionnel

En ce début d’année, personne ne saurait dire ce qui se passera d’ici décembre prochain au Burkina, au Mali et en Guinée. Ces trois pays d’Afrique de l’ouest sont actuellement dirigés par des militaires qui ont instauré des transitions après avoir renversé des régimes démocratiquement élu. Sous la pression régionale et internationale, notamment de la Cédéao, des chronogrammes ont été  convenues pour un retour à l’ordre constitutionnel dans les plus brefs délais c’est à dire d’ici 2024 au plus tard pour les 3 pays. Des élections préalables sont prévues en ce sens au cours de cette année avec notamment l’organisation de référendums constitutionnels comme au Mali, où la consultation nationale est en principe prévu pour mars prochain. Cependant, au regard de la situation qui prévaut dans ces trois pays, il y a fort à parier que ces élections ne se passent pas comme prévu tant le niveau de préparation ne plaide en aucune manière en faveur d’une quelconque once d’optimisme. Entre situation sécuritaire dégradante au Mali et au Burkina, avec une importante partie du pays qui échappe au contrôle de l’Etat du fait des agissements des groupes armés terroristes (GAT), et le dialogue politique qui patine encore en Guinée, un report des scrutins prévus en attendant des moments plus favorables à convenir par la suite, n’est plus qu’une simple hypothèse mais une option des plus plausibles.

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Dans ce tour d’horizon du cycle électoral prévu en Afrique de l’ouest, il faudrait aussi compter avec les élections municipales prévues cette année en Côte d’ivoire et où, au delà des enjeux locaux, le scrutin consistera plus à jauger le poids des forces en présence en vue des prochaines élections présidentielles et législatives de 2025, avec en toile de fond la place qu’occuperont les nouveaux partis nés sur les cendres d’anciennes importantes formations comme celles de l’ancien président Laurant Gbago (PPACI), de son ex-femme Simone Ehivet Gbagbo ou de l’ancien leader de la jeunesse Charle Blé Goudé (Cojep).

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