Le gouvernement tunisien a approuvé jeudi un projet de loi controversé autorisant la banque centrale à financer le Trésor, une mesure visant à financer le déficit budgétaire mais qui a renforcé les craintes quant à l’indépendance de la banque. Une intervention étatique qui intervient sur fonds de pression économique.
L’année dernière, le président Kais Saied a déclaré que la loi devait être révisée pour permettre à la banque centrale de financer le budget directement en achetant des obligations d’État, une mesure contre laquelle le gouverneur de la banque, Marouan Abassi, a mis en garde. Les économistes estiment que l’approbation du projet de loi par le cabinet renforce les spéculations selon lesquelles le gouverneur, qui a dirigé la banque pendant six ans, quittera son poste le mois prochain à la fin de son premier mandat. Abassi a averti en 2022 que les projets du gouvernement de demander à la banque centrale d’acheter des bons du Trésor présentaient des risques pour l’économie, notamment une pression accrue sur la liquidité, une inflation élevée et une baisse de la valeur de la monnaie locale, le dinar tunisien. Il a déclaré que cette décision augmenterait de manière incontrôlable l’inflation, qui pourrait atteindre trois chiffres, et « un scénario vénézuélien se répéterait en Tunisie ». Les besoins du gouvernement en prêts extérieurs devraient augmenter dans le budget 2024 pour atteindre environ 5 milliards de dollars, dont 3,2 milliards de dollars dont le gouvernement n’a pas précisé d’où ils proviendraient.
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Malgré la résilience des entrées de capitaux, l’explosion de la facture d’importation aura mis à mal la balance des paiements. Le déficit du compte courant s’est détérioré de 59 % en 2022, atteignant 12,4 milliards de dinars (soit 8,5 % du PIB par rapport aux 6 % enregistrés en 2021). Les pressions sur le dinar se sont accrues, mais les réserves de change en dinars sont restées relativement stables, tandis qu’elles ne couvrent désormais (fin 2022) que 100 jours d’importations (contre 133 un an plus tôt). La hausse des cours internationaux des produits de base a créé des pressions supplémentaires sur les finances publiques, principalement par le biais des dépenses de subventions (+99 % en 2022 par rapport à 2021), qui s’établissent à 8,3 % du PIB (contre 4,6 % en 2021). La hausse des subventions se traduit par une pression croissante de la dette publique, qui a grimpé entre 2017 et 2022, passant de 66,9 à 79,3 % du PIB. Le recours croissant au financement local a entraîné un effet d’éviction du crédit dans l’économie. Compte tenu des difficultés persistantes d’accès aux financements internationaux, la Banque centrale continue de refinancer les émissions de bons du Trésor, ce qui accroît la liquidité.
» A noter, une augmentation considérable des pressions inflationnistes, provenant surtout des marchés mondiaux et de l’augmentation des prix administrés. En février 2023, le taux d’inflation a progressé pour le dix‑huitième mois consécutif pour atteindre 10,4 % (contre 7 % en février 2022 et 6,16 % en août 2021). Il s’agit du taux le plus élevé depuis décembre 1984. La hausse de l’inflation a poussé la Banque centrale à relever son taux directeur de 175 points de base au total sur l’année 2022, pour le porter finalement à 8 % « , selon la Banque Mondiale.