
Application du code la famille progressiste de 2016 – de surcroit dans les zones les plus reculées en RD Congo – un pays de plus de100 millions d’habitants, protection des femmes dans les zones en conflit… un panel de questions auxquelles a répondu Marie-Joséphine Ntshaykolo Embete dans les colonnes d’Africa Income. Marie-Joséphine Ntshaykolo Embete est experte en droits des femmes, engagement des jeunes et protection des défenseurs des droits humains en République Démocratique du Congo (RDC).
Africa Income : En 2016, la RDC a révisé son code de la famille datant de 1987, supprimant au passage des contraintes comme l’approbation du mari dans le choix du lieu de résidence, lors de la signature d’un contrat comme dans l’emploi, à l’ouverture d’un compte bancaire ou encore l’obligation d’obéir à son mari. Ces dispositions sont-elles pleinement appliquées aujourd’hui en RDC ?
Marie-Joséphine Ntshaykolo Embete : La révision du Code de la famille est une avancée signification de l’arsenal juridique congolais pour ce qui est de la promotion et protection des droits des femmes. Ce progrès est la résultante des actions de plaidoyer menées par différentes organisations et actrices/acteurs œuvrant dans la lutte pour l’autonomisation de la femme et l’égalité entre les sexes. Toutefois, il est constaté que la mise en œuvre de ces nouvelles dispositions intéressantes n’est pas effective sur terrain, tout comme c’est le cas pour plusieurs autres textes. Plusieurs raisons sont la cause de cette faible application, entre autres, la faible vulgarisation de la loi surtout dans les zones autres que les plus reculées, la persistance des coutumes us et coutumes dégradantes à l’égard de la femme, le faible statut de la femme et la faible implication des institutions censées appliquée la loi.
La RDC, c’est tout de même un pays de plus de 100 millions de personnes. Quelles mesures peuvent aider à une meilleure application du code de la famille dans les zones les plus reculées ?
Pour une meilleure application du code de la famille dans les zones les plus reculées, plusieurs mesures devraient être prises, telle que la mise en place, par l’Etat congolais, d’une bonne politique de vulgarisation des lois tenant compte des réalités des zones les plus reculées. Il y a aussi le travail sur le changement des normes sociales avilissantes à l’égard des femmes et filles en collaboration avec les tenants des coutumes/chefs coutumiers et les autres parties prenantes. En effet, la norme sociale peut constituer un blocage à l’application d’une loi ayant des dispositions contraires à celle-ci. Une norme sociale crée des attentes à l’intérieur d’un groupe spécifique, elle implique des sanctions positives ou négatives et porte des valeurs sociales pour le groupe. Il est donc important de travailler sur cet aspect avant d’espérer voir l’application effective de la loi. Autres aspects importants sont le développement des programmes sur l’autonomisation et l’égalité des genres, le renforcement des campagnes de sensibilisation de la population sur les droits fondamentaux des femmes et la masculinité positive ainsi que l’implication des institutions locales censées faire appliquer la loi.
Les femmes sont sous-représentées dans tous les domaines en RDC, quelles pistes préconisez-vous pour y remédier ?
Les pistes suivantes peuvent être proposées pour remédier à la sous-représentation des femmes en RDC. A savoir l’amélioration de l’accès à l’éducation de qualité et la formation professionnelle pour les femmes et filles, le re renforcement des programmes visant la promotion de l’autonomisation des femmes et filles, et l’égalité des sexes et ceux luttant contre les violences basées sur le genre et l’impunité des auteurs des abus. Il est également possible de mettre en place des politiques/pratiques favorisant la représentativité des femmes dans les instances de prise des décisions, le système de quotas représentatifs, la discrimination positive. L’amélioration de l’accès des femmes et filles aux ressources et financements, le renforcement du leadership et entreprenariat féminin et la prise des mesures encourageant les femmes et les filles à participer d’avantage aux domaines publics et professionnels, sont aussi des initiatives à encourager.
Quelles sont les modifications qui doivent être apportées à l’actuel code de la famille congolaise, pour une meilleure prise en charge des besoins des femmes ?
Les points suivants devraient être analysées pour une meilleure prise en charge des besoins des femmes : la problématique liée aux libéralités et aux fiançailles, celle relative à la constitution de la dot, qui dans la pratique actuelle avilie la femme la réduisant en une marchandise, sans oublier la problématique liée à la succession.
La RDC est en conflit, notamment dans l’Est, quelles précautions doivent-être prises pour mieux protéger les femmes et filles dans les zones en guerre ?
Pour mieux protéger les femmes et les filles dans les zones en guerre, il impératif de former et de sensibiliser les parties en conflits sur la protection des femmes et l’interdiction de toutes formes de violences contre elles. Nous devrions aussi mettre en place et respecter des « zones safe » à ne pas violer pour les femmes âgées, celles seules avec enfants, malades, enceintes, … Pour ce qui est des camps des déplacées, l’installation des clôtures et d’éclairages appropriés, le positionnement approprié des installations sanitaires devrait contribuer à limiter les abus. La représentativité et l’implication effective des femmes et filles dans toutes les discussions, décisions prises en lien avec les questions de paix et sécurité est une étape importante dans ce processus pour une meilleure protection des femmes en zone de conflit.
Propos recueillis par Maimouna DIA