La question des Villes Intelligentes (Smart Cities) face aux villes sans schémas directeurs, dites « villes sauvages » ou « non planifiées » est centrale pour l’avenir de l’urbanisation en Afrique. L’habitation étant au cœur de la ville, nous faisons le constat que si le Mal-logement global (absence de logement adéquat) touche environ 2,8 milliards de personnes dans le monde, l’Afrique est en première ligne de cette crise. En déficit de logements, le continent africain accuserait un gap d’environ 170 millions…
L’Afrique s’urbanise de plus en plus. C’est aussi le continent qui connaît le taux de croissance urbaine le plus rapide au monde ! Malheureusement pour répondre au besoin immédiat de logements et d’emplois pour une population en croissance exponentielle, souvent en auto-construction informelle, des villes s’y sont développées de manière organique et rapide, le plus souvent sans planification urbaine préalable (schéma directeur, plan d’urbanisme) ou avec une application ineffective de ces plans.
Dans de grandes métropoles africaines se sont érigés des quartiers informels, bidonvilles et zones périurbaines à croissance rapide. La croissance horizontale rapide (Urban Sprawl) rend le déploiement d’infrastructures coûteux et inefficace. Des habitations ont été érigées à la va-vite dans des zones non aedificandi, de cours d’eau asséchés ou des point bas ou encore au beau milieu de voies d’évacuation.
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Fort heureusement, pour pallier aux conséquences néfastes de telles villes sans planification, nombre de gouvernements font la promotion de Smart Cities ! Il s’agit de territoires urbains qui utilisent les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) et l’Internet des Objets (Iot) pour améliorer l’efficacité des services, la durabilité, la qualité de vie, et optimiser les coûts. Parmi les objectifs visés, donc l’optimisation des réseaux urbains (transport multimodal, énergie, eau), la durabilité, l’inclusion, l’efficacité de la gouvernance et amélioration de la qualité de vie des citoyens avec tout le nécessaire à leur quotidien. A travers le continent, des Technopolis et autres City -ies ou places financières, à l’image de la City à Londres, sortent de terre. Des projets neufs (Greenfield), tels que Konza Technopolis au Kenya, Eko Atlantic au Nigeria, Casa Anfa au Maroc, ou d’intégration de technologies dans des villes existantes comme au Cap en Afrique d Sud ou à Kigali au Rwanda gagneraient à être multipliés.
Les défis des villes sauvages
L’urbanisation non planifiée en Afrique crée des défis majeurs qui entravent le progrès socio-économique. Outre des infrastructures déficientes, avec un manque criard de routes, de voies express, d’assainissement, de réseaux d’eau potable et d’électricité formels, les logements informels et autres taudis, où vit une grande partie de la population urbaine accroissent la vulnérabilité et les inégalités sociales. Dans des bidonvilles et habitations sans titres fonciers sécurisés, comment asseoir une gouvernance efficace. Il y est quasi impossible de collecter des impôts, gérer les déchets et fournir des services publics de qualité.
Ces constructions informelles, n’étant pas soumises à des normes de résilience, elles sont le plus souvent exposées aux inondations et aux effets du changement climatique.
L’heure est aux Smart Cities
Les villes sauvages africaines sont estampillées « sales », mal assainies, bruyantes (concert de klaxons), où les embouteillages sont la source de pertes colossales de temps et d’argent. Présentées comme une solution aux défis de l’urbanisation africaine, les Smart Cities permettent une efficacité des services. Avec l’utilisation de capteurs (Iot), il est possible d’optimiser le transport (gestion du trafic), la collecte des déchets, la consommation d’énergie (réseaux intelligents) et l’eau (détection des fuites). Il en est de même pour l’intégration de solutions écologiques (bâtiments verts, énergies renouvelables) et d’une planification axée sur la résilience. De plus, les technologies peuvent améliorer la fourniture de services publics, l’administration électronique et la participation citoyenne. Et pour lutter contre le chômage, des projets technologiques peuvent stimuler la croissance dans le secteur des TIC et créer des emplois qualifiés.
Oui aux schémas directeurs adaptés
Le contraste entre les deux modèles souligne la nécessité d’une planification urbaine pragmatique et inclusive en Afrique. La véritable solution ne réside pas dans la simple importation de modèles technologiques, mais dans l’hybridation des approches.
En partant de l’existant, il est possibled’intégrer les zones non planifiées existantes (par le réaménagement, l’amélioration ou la destruction de taudis puis relogement et la fourniture de services de base) dans un schéma directeur à l’échelle de l’agglomération. Ensuite, les autorités doivent encourager l’utilisation de solutions numériques simples et évolutives pour résoudre des problèmes spécifiques (paiement mobile pour les services, cartographie des zones informelles, alerte précoce aux inondations), plutôt que de construire uniquement des villes-vitrines.
Pour mettre un terme aux récalcitrants et aux récidivistes, il est important d’instaurer une gouvernance forte. Cela passe par la miseen place d’autorités urbaines capables de planifier, de réglementer le foncier, et de faire respecter les schémas directeurs pour garantir une croissance urbaine juste, résiliente et durable pour tous les citoyens.