Dans des pays ouest-africains, tels que la Côte d’Ivoire, la Guinée ou encore le Sénégal, le riz fait partie des denrées de première nécessité les plus consommées. Malheureusement dans tous ces pays la demande excède de loin l’offre. Ce déficit, que des importations compensent annuellement, pourrait être aggravé par une surenchère sur le cours mondial de la céréale…
Avec une consommation qui avoisine, les 20 millions de tonnes par an, les pays d’Afrique de l’Ouest, dont le plus grand producteur de riz blanchi, le Nigéria, ne cumule qu’à 5 millions de tonnes par an, accusent un déficit structurel en riz. Actuellement, les tensions inflationnistes, qui pèsent sur la céréale, risquent de compliquer la donne. Il y eut un temps où le riz siam, provenant des régions du Vietnam, Laos, Cambodge, était le plus importé. Mais ces dernières années, le riz pakistanais ou indien a plus la cote auprès des ménagères. Malheureusement, le prix de la tonne de riz indien importé a bondi d’un tiers, passant de 480 $ à 640 $ la tonne, le mois dernier, à la suite de différents aléas qui ont poussé les pays exportateurs à réduire leurs offres, privilégiant leur marché local.
Un déficit structurel à corriger
Dans le sillage du Nigéria qui a engagé depuis 2015 des investissements assez conséquents dans l’aménagement de surfaces emblavées, de capacités d’usinage… la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Mali ou encore le Sénégal produisent respectivement 1,1 million de tonnes, 1,95 million de tonnes, 1,8 million de tonnes et 950 000 t par an. Notons, cependant, des taux de couverture, différenciés dans la zone. A côté du Niger qui n’assure à peine que 15% de sa consommation locale, le Mali arrive à couvrir 93% de sa consommation nationale. Quant au Sénégal, où le pouvoir en place avait annoncé urbi et orbi, à son accession à la magistrature en 2012, une autosuffisance en riz dès 2018, ce n’est à peine une part de 47,5% de la consommation qui est couverte sur des besoins estimés à 2 millions de tonnes de riz par an. Pourtant, dans ce pays, au moment où nous rédigeons ces lignes, une importante récolte de riz risque d’être perdue dans la vallée du fleuve Sénégal, faute de soutiens aux exploitants. C’est un paradoxe. Quid des efforts dans l’aménagement des surfaces à emblaver, dans les incitations à la riziculture et des financements injectés (100 milliards de f CFA dans le secteur agricole pour la campagne en cours) ? Aussi, les actions pour une modernisation se heurtent à un clientélisme peu efficient. Les machines agricoles ne sont que rarement opérationnelles dans les fermes. Nombre d’hommes politiques ne se contentent que de s’afficher avec des dizaines d’équipements rutilants. La suite, qui est donnée, quant aux utilisations par des coopératives ou fermiers dans les labours ou moissons, ne semble guère les intéresser. Si rien n’est fait, les flux seront beaucoup plus tendus dans les semaines et mois à venir, sur la disponibilité de cette denrée devenue stratégique en Afrique de l’ouest.
Back to Basics
Le mal est profond. C’est la résultante d’habitudes alimentaires « imposées » par une colonisation qui mit l’accent sur des cultures de traite au détriment de celles vivrières, peu valorisées, alors. Des céréales, telles que le mil, le fonio, le sorgho ou d’autres spéculations à base de tubercules (igname, manioc…) ont été peu encouragées. Comme si tout cela ne suffisait pas, le contexte actuel, qui a dicté des sanctions contre le Niger où une junte militaire a pris le pouvoir (CNSP), ne facilite pas les efforts à une quelconque souveraineté alimentaire. Des centaines d’exploitants agricoles du Bénin, qui écoulaient leurs productions d’ignames vers le Niger, se retrouvent avec leurs productions sur les bras… Pour renverser la tendance sur le moyen terme et atténuer la dépendance aux exportateurs de riz, un travail sérieux devra être entrepris pour se recentrer sur les produits alimentaires stratégiques en adéquation avec la sociologie des populations dans la sous-région.
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