Du 22 au 27 juin 2025, Ousmane Sonko, Premier Ministre sénégalais est en visite officielle de travail en République populaire de Chine. La coopération Afrique-Chine représente un potentiel de gains substantiels pour notre continent en général, particulièrement en termes d’infrastructures et de développement économique. Cependant, pour maximiser ces bénéfices et atténuer les risques, une approche stratégique, transparente et axée sur les intérêts africains est indispensable.
En passe de devenir la première puissance économique du monde, la République Populaire de Chine est amadouée par nombre d’Etats Africains. La République du Sénégal compte profiter de l’essor chinois et surfer sur cette vague. Suite à la visite d’Etat du Président du Sénégal, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, et de la cheffe de la diplomatie sénégalaise, Mme Yassine Fall, en Chine, respectivement les 03 et 04 septembre 2024, et les 10 et 11 juin dernier, le Premier Ministre Ousmane Sonko s’y rend pour une visite de travail d’une semaine, du 22 au 27 juin 2025.
Cette visite du chef du gouvernement s’inscrit dans le prolongement des précédentes visites et séances de travail des autorités sénégalaises. Doit-on rappeler que, juste avant sa visite d’Etat, le Président sénégalais a eu à co-présider le dernier FOCAC (Forum sur la coopération sino-africaine ou Forum on China-Africa Cooperation) à Beijing ?
Dès dimanche 22 juin 2025, à Hangzhou, le Premier Ministre Ousmane Sonko participe à un forum économique réunissant les secteurs privés sénégalais et chinois. A noter que la veille, à la tête d’une importante délégation, dont plusieurs ministres et des membres du patronat sénégalais, il a échangé avec les acteurs du secteur privé sénégalais établis en Chine.
S’armer de patience et rester focus
Avant de plancher sur ce que l’Afrique peut gagner en une telle coopération et comment, il est utile de cerner la stratégie chinoise, en la matière. Coutumière des faits, la Chine ne fait pas accueillir nos dirigeants par des personnalités de leur rang. Autant le chef de l’Etat sénégalais, que la ministre de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, n’ont pas été reçus par respectivement Xi Jinping, ni Wang Yi, chef de la diplomatie chinoise.
Aussi à sa descente d’avion, le Premier ministre du Sénégal a été accueilli par des officiels chinois, lit-on dans un communiqué laconique de l’APS (Agence de Presse sénégalaise) ! Imaginez la réciproque ! Quand les autorités chinoises débarquent en Afrique noire, au moins c’est une personnalité de rang analogue que les reçoit, en grandes pompes à leur descente d’avion…
Un autre aspect et non des moindres a trait à l’usure volontaire « infligée » aux négociateurs qui piaffent d’impatience de parafer des accords. Les autorités chinoises les font attendre, soutenant que rien ne presse… Gare à ceux qui perdent du punch ! Le tip, c’est de rester concentrer. A défaut de rester focus sur son sujet jusqu’à l’issue des négociations, on peut se retrouver avec des accords au détriment de son pays. Le PM sénégalais ne rencontrera son homologue chinois, Li Qiang, que vendredi…
Le Premier ministre du Sénégal est souverainiste et a rappelé aux membres de sa délégation, ce volet important. Avec la Chine, le Sénégal entend renforcer la coopération bilatérale en valorisant le secteur privé, pilier essentiel de la mise en œuvre de la Vision Sénégal 2050. Les entreprises sénégalaises ont intérêt à investir dans des domaines stratégiques, tels que l’énergie, le numérique, les nouvelles technologies, l’expertise et les technologies pour améliorer la sécurité alimentaire et les systèmes de santé, mais aussi l’industrie.
Que d’opportunités, mais…
La coopération entre l’Afrique et la Chine, bien que complexe et souvent sujette à débat, offre des opportunités significatives pour le développement du continent africain.
Notre continent peut, en effet, y gagner dans divers domaines. Le développement des infrastructures est l’un des domaines les plus visibles de la coopération sino-africaine. C’est aussi celui qui a le plus d’impact. Premier financeur d’infrastructures en Afrique, la Chine investit massivement dans la construction de routes, ponts, chemins de fer, ports (notamment dans le cadre de l’initiative « La Ceinture et la Route »), aéroports, et centrales électriques. Il s’agit là d’investissements cruciaux, pour connecter les marchés, faciliter le commerce et stimuler la croissance économique.
En termes, d’industrialisation et transfert de technologie, l’Empire du Milieu offre des opportunités d’industrialisation pour l’Afrique, en encourageant la localisation de la production et le transfert de technologies, notamment dans des secteurs, comme les véhicules à énergie nouvelle (VEN). Des entreprises chinoises investissent dans la création d’usines et la mise en place de chaînes de valeur, ce qui peut créer des emplois et diversifier les économies africaines. Il reste que faut-il les ériger en joint-ventures ou laisser un patronat qui arrive en maîtres absolus sur des espaces non aménagés, pour s’ériger un « roitelet africain » ?
Coopérer avec un pays de plus d’un milliard de consommateurs est une possibilité d’accès aux marchés et investissements. En effet, la Chine est un marché immense pour les produits africains. La coopération favoriserait les échanges commerciaux, à condition de massifier une offre de PME-PMI qui se mettraient en consortia. De plus, les investissements directs chinois en Afrique sont importants, couvrant divers secteurs, des mines à l’agriculture, en passant par le manufacturier et les services.
Dans le domaine de la formation et du renforcement des capacités humaines, ce grand pays, qui investit dans la formation des ressources humaines africaines, à travers des programmes d’éducation, des centres de formation professionnelle, et des échanges culturels, se présente comme un partenaire de choix. Une résultante serait l’amélioration des compétences de la main-d’œuvre africaine et le renforcement des capacités de développement endogène.
Véritable alternative de financement pour les projets de développement en Afrique,la Chine offre des prêts et des aides qui peuvent compléter les sources traditionnelles. Cela donne aux pays africains plus d’options et une plus grande autonomie dans leurs choix de développement.
Il y a aussi ce volet qui a trait à la géopolitique, à ne pas négliger. L’Empire du Milieu voit le continent africain comme un partenaire stratégique et un allié dans les forums internationaux. Cela peut renforcer la voix de l’Afrique sur la scène mondiale et promouvoir un ordre mondial plus équilibré.
Comment maximiser les gains
Coopérer avec la Chine peut paraître alléchant de prime abord. Toutefois, il est nécessaire de définir une stratégie cohérente, au préalable. Il est crucial pour les pays africains de développer une stratégie unifiée et claire vis-à-vis de la Chine, afin de défendre leurs intérêts de manière plus efficace. Cela implique de s’assurer que les projets chinois s’alignent sur les priorités de développement national et régional (comme l’Agenda 2063 de l’Union africaine, Vison 2050 Sénégal…).
L’Afrique doit exiger une plus grande transparence financière dans les projets financés, par la Chine. Dans la branche des industries extractives, particulièrement, il est important de promouvoir la transparence et la bonne gouvernance, afin de prévenir la corruption et d’assurer que les bénéfices profitent réellement aux populations. Par ailleurs, la gestion de la dette est un enjeu majeur. Les pays africains doivent veiller à la viabilité de leurs engagements financiers.
Comme je le soulignais plus haut, pour aller en Chine, il faut renforcer ses capacités de négociation. Par conséquent, les pays africains doivent renforcer leurs capacités techniques et juridiques pour négocier des accords équitables avec la Chine, garantissant des conditions de prêt favorables, des clauses de transfert de technologie et de création d’emplois locaux.
Relativement au respect des normes environnementales et sociales, les projets communs avec les chinois doivent respecter les normes environnementales et sociales, en vigueur dans les pays récepteurs. Les desseins visent à prévenir la dégradation de l’environnement et à garantir des conditions de travail décentes.
L’industrialisation du continent doit être le leitmotiv de nos dirigeants en Chine.Plutôt que de se limiter à l’exportation de matières premières, l’Afrique doit chercher à développer des chaînes de valeur locales et à transformer ses ressources sur place. En utilisant les investissements chinois, nous pouvons renforcer nos capacités industrielles et créer plus de valeur ajoutée. En prenant toutes ces dispositions et en mettant en place un suivi efficace et rigoureux des engagements, pris dans le cadre du FOCAC, on peut s’assurer de la concrétisation et de l’impact positif d’une coopération où tout le monde sort gagnant, pour le bénéfice du monde entier.