L’année 2022 tire à sa fin et comme il est de tradition, c’est l’occasion de tirer le bilan des 12 mois écoulées qui, comme par le passé, ont été émaillés d’évènements majeurs qui ont dominé l’actualité. En Afrique particulièrement, l’année a été particulièrement brûlante avec son lot de crises sécuritaires, d’élections à hauts risques, de conflits sociaux et politiques mais aussi d’heureux évènements qui, comme ailleurs, sont la preuve d’un continent en perpétuel mouvement avec une dynamique portée par des défis et des vents d’espoirs qui constituent les promesses d’un avenir certes plein d’incertitudes mais aussi d’opportunités. Dans ce dossier, nous revenons sur les principaux évènements qui ont marqué l’année 2022 en Afrique, à travers 10 faits majeurs dont les conséquences auront certainement des répercussions sur ceux de la nouvelle année qui s’annonce.
1- Afrique de l’ouest : les militaires de retour au pouvoir
L’année 2022 a débuté en Afrique de l’Ouest avec la persistance de l’incertitude politique qui prévalait depuis quelques années, principalement en Afrique de l’ouest. Le 24 janvier au Burkina, des militaires sous la direction du lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba Sandaogo, se sont emparés du pouvoir en renversant le régime de Roch Marc Christian Kaboré, quelques mois à peine après sa réélection pour un second mandat à la tête du Faso. Cette nouvelle irruption de la grande muette dans la sphère politique d’un pays africain est venue s’ajouter à deux autres remises en cause de l’ordre constitutionnel dans la sous-région. Au Mali déjà, des colonels qui avaient déposé en août 2020 le président élu Ibrahim Boubacar Keita sous la houlette d’Assimi Goita se sont par la suite emparé de l’essentiel du pouvoir avec un autre putsch le 24 mai 2021 et le 05 septembre de la même année, en Guinée voisine, une junte dirigée par le lieutenant-colonel Mamadou Doumbouya a destitué le président Alpha Condé qui venait de rempiler pour un troisième mandat à la tete de la Guinée.
Dans ces trois pays, des transitions ont été installés et en dépit des pressions et des sanctions des Chefs d’Etat de la Cedeao, le spectre d’une contagion du retour des militaires dans la politique dans les autres pays d’une sous-région vulnérable a pris des proportions inquiétantes. Des inquiétudes légitimes d’autant qu’elle se sont confirmées par la suite avec un autre coup militaire menée le 30 septembre par le capitaine Ibrahim Traoré au Burkina et des tentatives avortées en Guinée Bissau et tout récemment en Gambie.
Afin de faire face à cette situation qui est venu remettre en cause les efforts de la sous-région pour une stabilité politique gage de tout développement, l’organisation communautaire ne cesse de multiplier les initiatives pour un retour rapide de l’ordre constitutionnel dans ces pays. Avec un succès relatif car en dépit des engagements pris par les autorités de transition de ces différents pays, l’incertitude politique est toujours ambiante. C’est du reste pour parer à d’éventuels coups de force que la Cedeao a annoncé, lors du dernier sommet des chefs d’Etat d’Accra, le 4 décembre dernier, la révision de son protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance ainsi que l’opérationnalisation d’une force régionale qui aura entre autres et comme principale attribution, la restauration de l’ordre constitutionnel en cas de survenance de coup de forces dans les pays des sous régions. Une mission à haut risque et qui n’est pas vu d’un bon œil au sein de l’opinion car beaucoup estiment que le recours à l’armée est l’une des panacées aux régimes dits démocratiques qui peinent pourtant à satisfaire les attentes socioéconomiques des citoyens et qui se caractérisent plutôt par leur incapacité à faire face aux différentes crises notamment sécuritaire et économique alors que la corruption et la mauvaise gouvernance ne cessent de s’amplifier à longueur de scandales qui font régulièrement les choux gras des médias et des réseaux sociaux.
2-Sahel : la menace terroriste s’étend aux pays côtiers
Jusque-là contenues dans les pays du Sahel notamment dans la zone dites des trois frontières (Mali-Niger-Burkina), les attaques des groupes terroristes notamment l’EIGS (affilié à l’Etat Islamique) et le JNIM (franchise au Sahel d’Al Qaeda) se sont étendues un peu plus au sud, dans les pays côtiers du Golfe de Guinée. Ce qui était redouté depuis plusieurs années est venu se confirmer en 2022 avec une série d’attaques terroristes enregistrées en Côte d’ivoire, au Togo et au Bénin.
Alors que la situation sécuritaire au Sahel n’a cessé de se dégrader avec des attaques meurtrières d’envergure que les pays du G5 Sahel ne se sont pas parvenus à circonscrire malgré l’appui des partenaires occidentaux comme la force française Barkhane, les défis sécuritaires ont pris une perspective inquiétante. La Force conjointe du G5 Sahel (FC G5 Sahel) s’est effondrée par manque de moyens mais aussi en raison des perturbations politiques enregistrées dans certains pays, Burkina et Mali principalement, et la Force Barkhane s’est vu obligé de quitter le Mali en raison de divergence avec les autorités de transition.
Désormais, c’est avec l’activation de l‘Initiative d’Accra, une organisation de coopération militaire qui réunie une douzaine de pays de la sous-région, que les Etats ouest-africain tentent de contenir cette expansion de la menace « djihadiste » qui s’accompagne de conséquences humanitaires et socioéconomiques désastreuses comme l’illustrent les macabres statistiques officiels de morts, de blessés, de déplacés ainsi que de victimes collatérales qui font régulièrement la une de l’actualité africaine ces dernières années. Pendant que la riposte d’ensemble s’organise, les groupes armés terroristes (GAT) continuent de gagner du terrain, poussant les pays à rehausser les budgets consacrés à la défense au détriment des investissements sociaux et économiques, ce qui n’est pas sans impact sur la stratégie de développement des pays concernés. Il y a péril en la demeure en effet pour de nombreux gouvernants de la sous-région, car comme c’est le cas au Mali ou Burkina, c’est leur incapacité à contenir l’expansion des menaces sécuritaires qui ont servi de prétexte aux militaires pour prendre le pouvoir même si, à l’évidence, les juntes n’ont pas aussi la recette miracle face à ce fléau qui constitue une véritable menace pour la stabilité de l’ensemble de la sous-région au-delà des pays pris individuellement.
3-Afrique francophone : la France perd en influence, la Russie et la Chine montent en puissance et les USA en embuscade
Le 15 août 2022, les derniers soldats français de la Force française au Sahel Barkhane ont officiellement quitté le Mali, conséquence d’une décision annoncée en février de la même année et surtout des relations assez houleuses entre Paris et Bamako. Ce départ a été l’un des faits majeurs de l’année et est venu administrer, une fois de plus, la preuve de la perte d’influence grandissante de la France en Afrique, notamment dans ces anciennes colonies. Il était, en effet, bien loin de l’époque où les soldats français venus à la rescousse du pays qui sombrait face à l’assaut de différents groupes terroristes, étaient accueillis en héros. C’était en 2014 et Barkhane avait remplacé Serval, une opération lancée en 2013 et qui a permis au pays de tenir le choc.
Barkhane est certes parti du Mali et les soldats français se sont certes redéployer au Niger d’où ils vont continuer à apporter des appuis militaires aux autres pays de la sous-région confrontés à l’explosion de la menace terroriste, mais il faudrait bien l’admettre, la France est en train de perdre en influence dans ce qui était jadis son pré carré. A Bamako, Ouagadougou et dans plusieurs autres capitales de la sous-région, des manifestations contre la présence militaire ainsi que la politique africaine de l’ancienne puissance coloniale ont été enregistré durant toute l’année et sur la toile, la France est vivement critiqué par une opinion qui ne cesse de monter en puissance, alimenter par des « panafricains« , qui s’érigent à coup de post sur Facebook ou Twitter ainsi que dans des médias, en nouveau défenseur de la souveraineté et de l’indépendance de l’Afrique.
Comme ses prédécesseurs, le président français Emmanuel Macron n’a eu de prôner un nouveau paradigme dans les relations franco-africaines mais la mayonnaise semble ne pas prendre tant les critiques virulentes ne cesse de s’amplifier contre le franc CFA, les soldats ou les entreprises françaises en Afrique, considérés par une certaine opinion comme les vestiges du colonialisme occidental notamment français. Cette perte d’influence de la France en Afrique principalement francophone qui ne fait guère plus de doute même à Paris, fait les affaires de nouveaux partenaires stratégiques. La Chine d’abord avec la consolidation de ses positions arrachées ses dernières années à coup d’investissements dans les infrastructures économiques mais aussi de partenariats commerciaux et surtout la Russie dont l’offensive en Afrique s’est véritablement accélérée en Afrique en 2022. Déjà présente à Madagascar, en RCA et en Libye, la Russie est de retour sur le continent où son influence s’agrandit de jour en jour comme c’est le cas au Mali avec la présence du groupe privé et controversé russe de sécurité militaire, Wagner, qualifié de fer de lance de l’offensive diplomatique de Moscou en Afrique.
La guerre d’influence que se livre en Afrique entre d’une part, les anciennes puissances coloniales occidentales notamment la France, et d’autre part de nouveau partenaires comme la Chine et la Russie, a revigoré les appétits d’une autre puissance mondiale pour le continent. Il s’agit des Etats-Unis d’Amérique (USA), qui ont également signé cette année, leur grand retour en Afrique avec la tournée effectuée dans plusieurs pays par le secrétaire d’Etat Anthony Blinken et tout récemment la tenue, du 13 au 15 décembre 2022 à Washington, de la seconde édition de l’US-Africa Leaders Summit, 14 ans après la première édition sous l’administration Obama. L’occasion pour le pays de l’oncle Sam de décliner ses nouvelles ambitions africaines avec de nouvelles promesses et d’engagements forts dans plusieurs domaines prioritaires pour le développement du continent.
4-Corne de l’Afrique : enfin un accord de paix en Ethiopie !
Le 02 novembre 2022 à Pretoria, en Afrique du Sud, Redwan Hussein, représentant du gouvernement éthiopien, et Getachew Reda, représentant du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), ont paraphé un accord de paix sous l’égide de l’Union africaine (UA). L’accord de « cessation des hostilités » est venu mettre la fin à une guerre de deux ans entre le gouvernement fédéral éthiopien, soutenu par l’armée érythréenne, et les autorités rebelles de la région du Tigré (nord), une guerre décrite par des ONG comme « l’une des plus meurtrières au monde » et qui selon l’ONU a fait, depuis son déclenchement en novembre 2020, pourrait avoir coûté la vie à un demi-million de personnes et fait plus de deux millions de déplacés. L’accord conclu cette année prévoit « un rétablissement de l’ordre public, des services au Tigré, un accès sans entrave des fournitures humanitaires » ainsi qu’un désarmement « méthodique et coordonné » des forces belligérantes.
Depuis, les choses semblent rentrés dans l’ordre et bien que les Nations unies estiment que le conflit a été émaillé de massacres qui peuvent être qualifiés « de crimes contre l’humanité commis par toutes les parties », le processus semble bien en marche et le souffle d’une paix durable souffle de nouveau dans la région en dépit de l’autre conflit qui se poursuit au sud-soudan, de la situation politique trouble au Soudan ainsi que l’instabilité sécuritaire en Somalie.
5- Afrique de l’est : au Kenya, une alternance pacifique à la tête de l’Etat
Le 05 septembre 2022, la Cour Suprême du Kenya déclarait le candidat William Samoei Arap Ruto, Président élu du pays, validant ainsi les résultats proclamés le 15 août dernier par la Commission électorale qui donnait l’ancien vice-président vainqueur avec 50,49 % des voix, William Ruto contre 48,85% pour son challenger, l’opposant Raila Odinga (48,85 %). Quelques jours plus tard, le nouveau chef de l’Etat prêtait serment, à 55 ans, comme 5e Président du pays succédant ainsi à Uhuru Kenyatta, qui avait bouclé ses deux mandats constitutionnels à la tête de l’une des principales économies de l’Afrique de l’Est. L’évènement est assez rare sur le continent pour être souligné puisqu’à travers cet acte, le pays qui est régulièrement abonné aux crises électorales avec des milliers de morts et de blessés par le passé, vient de réussir une alternance démocratique pacifique à la tête de l’Etat.
Lors de sa prestation de serment, William Ruto, ancien vice-président d’Uhuru Kenyatta, a d’ailleurs bien mis en exergue ce fait particulier en qualifiant le processus électoral de « performance démocratique exemplaire » et en promettant d’œuvrer pour le « bien-être économique » de chaque Kényan.
Malgré les risques et les contestations, le processus électoral s’est déroulé dans un climat nettement plus transparent, compétitif et démocratique que n’importe quelle élection précédente au Kenya comme l’ont d’ailleurs souligné les observateurs qui ont également mis en avant la parfaite partition du juge électoral, des candidats ainsi que des militants des partis en compétition.