INTERVIEW : Soumaila Siby, CEO Marena Gold, un raffineur d’or porté sur la valorisation du « Made in Mali »

Nous produisons actuellement comme sus-spécifié six tonnes d’or pur à l’année ; sachant que la capacité de production annuelle de notre chaîne de production est de vingt-huit tonnes d’or pur par an. (Crédit : Dr).

Marena Gold Mali fait partie des structures qui ont opté pour le développement de chaines de valeur et réussi la transformation locale, afin que le continent bénéficie en premier de ses propres richesses. Soumaila Siby – PDG de cette entreprise, l’une des rares raffineries africaines d’or, à capitaux 100% maliens –  a expliqué à Africa Income ce que représentent les métaux précieux, plus particulièrement l’or dans la Finance et les systèmes monétaires.

Africa Income : Marena Gold existe depuis une dizaine d’années. Comment a germé l’idée ?

Soumaila Siby : C’est à Hong Kong, lorsque je me lançais dans le Commerce International, que j’ai constaté qu’en Afrique de l’ouest, malgré le statut de troisième zone d’extraction aurifère au monde, il n’y avait quasiment aucune valeur ajoutée sur l’or extrait, qui est, au demeurant, toujours exporté, vers d’autres hubs économique majeurs, sans aucune transformation locale, le tout sur fond de très faible répartition des maigres retombées économiques liées à son extraction et exportation. Les bourses de négoces de métaux précieux, tels que Dubaï, Londres, Mumbai et Hong-Kong accueillent de grandes quantités d’or non minier (NDLR : appellation consacrée au Mali à l’or extrait dans les petites mines et couloirs d’orpaillage traditionnels), qui n’est pas raffiné et souvent acheté à des prix dérisoires dans les zones d’orpaillages.

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Les conséquences de cet état de fait sont, d’une part, la perte pure et simple de métaux précieux, tels que le platine, le palladium et l’argent, contenus dans l’or avant raffinage et qui ne seront jamais comptabilisés dans la structure de prix de ce dernier lors de sa vente là-bas, et d’autre part, de l’entretien d’un système d’exploitation et d’exportation, parfois informel, qui ne permet pas à nos pays, de pleinement profiter des retombées d’une ressource minérale hautement stratégique, car ne faisant pas la promotion de la valeur ajoutée (NDLR : transformation, extraction et mise en valeur des autres métaux précieux contenus dans le minerais et les lingots) ni des dérivés en Finance (NDLR : usage de l’or dans celle-ci).

« Jai donc pris la lourde décision de me lancer dans la transformation et le commerce de lor et autres métaux précieux dans mon pays dorigine, afin de positivement impacter sur notre ééconomie et contribuer à un changement de paradigme ».

De ce constat, j’ai commencé à m’intéresser à cette ressource et étudié en profondeur toutes ses implications commerciales, financières et stratégiques. C’est ainsi que j’ai donc pris la lourde décision de me lancer dans la transformation et le commerce de l’or et autres métaux précieux dans mon pays d’origine, afin de positivement impacter sur notre économie et contribuer à un changement de paradigme pour une meilleure répartition des profits issus de l’extraction et de la transformation de nos ressources minérales.

Sur quel modèle repose le développement de la raffinerie, disposez-vous de concessions minières ? Si oui, dans quels périmètres ?

Le business-modèle initial de Marena Gold ciblait, au travers d’une fourniture de services (raffinage) les comptoirs d’exportation aurifère, les coopératives d’orpaillage traditionnel ou artisans miniers, les bijouteries et enfin les multinationales. Cependant, au vu des réalités du marché malien et de la sous-région, Marena Gold a dû évoluer vers l’achat, le raffinage et l’exportation à son propre compte d’or pur à 99,9 %. Aussi dans une logique d’anticipation et pour des besoins de croissance nous entendons très bientôt nous lancer dans l’exploitation de petits complexes miniers à échelle industrielle, pour plus de valeur ajoutée, une production riche et variée (NDLR : or, argent, platine et palladium) et plus de profit tout en contribuant au développement local des collectivités, ainsi qu’à l’essor de notre économie nationale. Nous ne sommes pas effrayés de revoir – au besoin – nos approches, nous évaluons au quotidien la portée et l’utilité de nouveaux schémas d’affaires locaux qui pourraient davantage contribuer au développement de nos marchés et spécialités financières.

Quels sont vos rapports avec le ministère malien des Mines ou bénéficiez-vous d’accompagnements ou de quelconques conventions avec les départements sectoriels ?

Nous avons d’excellents rapports avec nos autorités et les différents départements ministériels. En termes d’Économie et de Finance nationales, nous contribuons à travers un apport constant et considérable en devises de réserve de premier choix. Nous participons également, à travers nos exportations, au redressement de la balance commerciale nationale, qui est déficitaire. Nous avons également de bons rapports avec le ministère des Mines de l’Énergie et de l’Eau, nous collaborons avec la Direction Nationale de la Géologie et des Mines (DNGM), un service central de ce département ministériel.

Nous avons signé une convention avec cette Direction, dont les lignes principales – hors aspects confidentiels – portent sur la familiarisation et la formation continue des cadres de la DNGM aux techniques de raffinage, sur la valorisation du poinçon officiel « Made in Mali » et le versement d’une redevance à l’État pour l’usage de celui-ci et sur le développement de complexes miniers industriels de petite taille, dans le cadre d’une collaboration qui vise in fine à formaliser l’activité des artisans miniers dans les couloirs d’orpaillage légaux, tout en générant plus de valeur ajoutée au niveau local et une meilleure répartition de profits qui seront de facto majorés.

Vue la rareté de structures, telles que la vôtre, quel a été le montant de l’investissement initial ?

En effet, il y a lieu de parler de rareté de structures. Les raffineries en Afrique de l’Ouest sont rares et pour la plupart peu fonctionnelles. Marena Gold est actuellement la seule raffinerie active et fonctionnelle en République du Mali.  Nous avons donc énormément investi dans l’établissement d’un réseau fonctionnel, structuré et performant. Notre investissement initial s’élevait à plus de deux milliards de francs CFA. Mais nous nous sommes très vite retrouvés confrontés à un problème majeur : l’absence de réseaux d’approvisionnement.Nous avons donc énormément investit dans l’établissement d’un réseau fonctionnel, structuré et performant. Ce qui nous permet d’acheter et de transformer pour nous même un total de six tonnes d’or pur à 99,9 % par an. Ceci vous donne, en plus de notre investissement initial, une idée des montants que nous engageons pour notre ravitaillement.

Le tour de table est-il à 100% Malien ?

Marena Gold au Mali est une entreprise à capitaux exclusivement maliens, basée sur des valeurs et l’excellence. Nous misons sur un investissement local, sur des ressources humaines locales, sur un savoir-faire local, sur une production et une valeur ajoutée locale. Nous militons pour la promotion de la qualité de production mais aussi pour plus de débouchés locaux et un impact bénéfique majoré et varié sur le tissu socio-économique de notre pays.

Le raffinage exige des normes et standards stricts. Quid de la qualité de vos produits et de votre capacité de production annuelle ?

Nous produisons actuellement comme sus-spécifié six tonnes d’or pur à l’année ; sachant que la capacité de production annuelle de notre chaîne de production est de vingt-huit tonnes d’or pur par an. Nous sommes certifiés et reconnus au Mali, ainsi que sur toutes les places ou hubs majeurs de négoce des métaux précieux. Nos produits sont appréciés partout, notamment à Dubaï, Ankara, New-York, Hong Kong, Mumbai. Vous savez, il y a cette confusion qui est souvent faite entre la certification de la London Bullion Market Association (NDLR : LBMA) et la certification de qualité ou pureté de l’or raffiné. Pour être certifié LBMA, il faut s’acquitter de cotisations et frais annuels, tout en se conformant à un processus de certification très complexe qui vise en réalité à réduire le nombre de certifiés LBMA. Nous pensons que ceci relève d’une stratégie visant à maîtriser, sécuriser et stimuler un marché très spéculatif, ici la LBMA, où l’or physique devient d’ailleurs de moins en moins visible. À cet effet comme l’on fait les londoniens, il nous incombe nous africains de créer ne serait-ce qu’un marché similaire au LBMA.

Comment avez-vous su surmonter des entraves émanant de crises successives, relatives au terrorisme, Covid-19… ?

Certes l’apparition du virus Covid-19 a beaucoup affecté l’économie mondiale en 2020, le Mali n’a pas été épargné. Cette épidémie a laissé des traces toujours visibles dans le commerce, nous nous sommes adaptés et nous avons survécu, Dieu merci ! Pour ce qui concerne le terrorisme, dont nous prenons très au sérieux les conséquences ou implications sur le commerce et les transactions, nous nous sommes adaptés en focalisant notre réseau et nos procédures d’approvisionnement exclusivement sur des zones reconnues comme « saines » par nos autorités ainsi que par l’ensemble des structures internationales et sous-régionales habilités à émettre de telles appréciations.

« Notre entreprise est lune des rares entreprise en Afrique de lOuest qui mise beaucoup sur lanalyse et la prospective ééconomique ».

Notre entreprise est l’une des rares entreprise en Afrique de l’Ouest qui mise beaucoup sur l’analyse et la prospective économique. Nos analystes ont pour instructions d’anticiper et prévoir une gamme riche et variée de problématiques et de difficultés pour lesquelles des ébauches de solutions et plans sont préparés et mis à disposition pour tout besoin ou cas de figure potentiel. In fine tout ce que nous venons de mentionner fait partie des aléas de la vie, mais aussi des difficultés et problèmes qu’il faut savoir cerner et anticiper !

Quels sont vos débouchés actuels ?

Nos produits sont écoulés partout à travers le monde, grâce à nos partenariats stratégiques avec de grands groupes d’assurances et de logistique, nous n’avons pour seules limites que notre audace, notre enthousiasme et notre ténacité à aller toujours plus loin.

Dans le moyen terme, quels sont vos objectifs en termes de taille, de positionnement régional, de Bourse de matières premières ?

Nos ambitions à très court terme sont expansionnistes dans la sous-région, où nous sommes en phase initiale d’implantation, non pas d’un réseau d’approvisionnement, déjà existant, mais d’un réseau de raffineries à l’image de celle du Mali.Nous avons un savoir-faire et une expertise que nous souhaitons exporter, afin de contribuer à l’essor économique et industriels des pays voisins et frères. La Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (Ndlr : BRVM) est importante pour nous, s’y positionner et interagir dessus avec des acteurs régionaux et internationaux ne pourra qu’être bénéfique à nos pays pour l’essor du trading (Ndlr : actions, titres, valeurs et commodités physiques) et de la finance associée à celui-ci. Il n’y a pas de pays forts sans commerce et industrie développés.

Quel regard portez-vous à vos concurrents qui exportent le métal précieux non transformé ?

Je leur souhaite de prendre conscience des opportunités, de la valeur ajoutée, mais surtout des profits dont ils privent notre économie. Je leur souhaite de comprendre que cet or non transformé et non raffiné qu’ils exportent ainsi, c’est des emplois donc des salaires potentiels qui ne seront jamais distribués et dont un grand nombre de fournisseurs de services et de commerçants auraient pu profiter pour écouler services et marchandises, générant ainsi plus de richesses et de flux commerciaux intérieurs et extérieurs. Je leur souhaite de comprendre ce que représentent les métaux précieux, plus particulièrement l’or dans la Finance et les systèmes monétaires. Vous savez, le simple fait de comprendre et cerner les choses, peut résoudre bien de nos problèmes en Afrique !

Propos recueillis par Daouda Mbaye

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