Créé en 2003, l’Institut Africain des Sciences Mathématiques (AIMS), premier et plus grand réseau de centres d’excellence d’Afrique pour une formation post-universitaire innovante en sciences mathématiques, organise le Next Einstein Forum pour la détection d’innovateurs. Et si cette rencontre portait le nom d’un savant africain…
La mayonnaise prend du temps à prendre. Depuis que l’Institut Africain des Sciences Mathématiques (AIMS) existe, il y a 20 ans de cela, néanmoins le secteur industriel tarde à décoller comme il se doit, par endroits, en Afrique. Pourtant, AIMS ambitionne de permettre à la jeunesse africaine de façonner l’avenir du continent, grâce à l’enseignement des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STEM), à l’engagement du public et à la recherche. Il ne s’agit certes pas d’une course de vitesse, mais l’essai est loin d’être transformé. Les causes proviendraient d’un manque de passerelles avec le local, d’accompagnements financiers, etc. Jusqu’à présent, il existe cinq centres d’excellence en Afrique du Sud, au Sénégal, au Ghana, au Cameroun et au Rwanda.
A lire aussi : UNESCO – Rapport mondial de suivi de l’éducation 2021-2022 : Quel rôle pour le privé ?
Next Einstein Forum (NEF) est une initiative de l’AIMS en partenariat avec la Fondation Robert Bosch. Le NEF met l’accent sur le rassemblement des innovateurs africains en vue mettre en exergue les découvertes importantes et de catalyser la collaboration scientifique pour le développement humain. Le but de cette plateforme est d’identifier le prochain Einstein en Afrique, tel que l’annonça Neil Turok, fondateur de l’AIMS, alors qu’il recevait le Prix TED 2008. A mon sens, c’est là où le bât blesse. Turok a une bonne volonté. Pour la petite histoire, il est originaire d’Afrique du Sud, d’où il s’exila pour Londres, pendant l’Apartheid que combattait ses parents… Il ignorait peut-être qui étaient le Sénégalais Cheikh Anta Diop , le Nigérien Abdou Moumouni Dioffo (1929-1991) … Je parle du premier Agrégé de Sciences Physiques de l’Afrique francophone et qui fut l’un des grands spécialistes des énergies alternatives, notamment l’énergie solaire. Il est notamment connu pour son célèbre livre, intitulé « L’éducation en Afrique », publié chez Maspéro en 1964 à Paris.
Un impact plus efficient si …
Le NEF, organisé tous les deux ans, est un forum de trois jours qui rassemble 500 scientifiques de renom, décideurs politiques, chefs d’entreprise, journalistes, dirigeants de la société civile et entrepreneurs, en vue de mettre en exergue les talents scientifiques et de proposer des solutions qui permettent de promouvoir les découvertes mondiales. Aussi, il met l’accent sur l’impact durable à travers combler les écarts entre la science en Afrique et dans le monde, contribuer à la transformation des idées en action, plaider pour la science en Afrique et pour une politique scientifique bien pensée, et renforcer la communauté scientifique. Je suis persuadé que son impact serait plus efficient s’il s’appelait NMF pour Next Moumouni Forum ou Next Cheikh Anta Forum…
Mais qui est Abdou Mounoumi ?
Abdou Moumouni Dioffo, qui a donné son nom à l’université de Niamey, est un savant nigérien. Dans le prologue de la biographie du savant, écrite par Salamatou Doudou et parue en 2018 aux Editions Sciences et Bien commun, j’ai relevé pour vous Abdou Moumouni, qui ne parlait pas beaucoup, disait ceci, peu de temps avant sa mort, dans une allocution prononcée à Niamey le 5 mai 1988, à l’occasion de la présentation officielle du Diplôme et de la Médaille d’or qui lui a été décernée par l’Organisation mondiale de la Propriété Intellectuelle :
« Mesdames, Messieurs,
Comme il est de tradition en pareilles circonstances, vous me permettrez de développer et exposer quelques réflexions qui me sont chères.
La première, découlant de l’expérience que j’ai vécue, est que nul n’est prophète en son pays, et qu’il est fondamental dans la vie d’un homme de s’attacher à un idéal et une vision de l’avenir de son pays, et plus généralement de l’humanité entière, plutôt que de se cantonner à une courte vue basée sur des calculs souvent sordides et conduits au jour le jour.
La deuxième est que seul le travail paie, et peut permettre de léguer un héritage à la postérité, et peut être un exemple à ceux qui nous suivent. Sur ce plan, comme j’aime à le dire à mes étudiants, la pensée d’Ibsen me semble d’actualité : Homme de la plaine, pourquoi grimpes-tu sur la montagne ? Parce que je ne découvre la beauté de la plaine que du haut des sommets.
La troisième est que le travail ne vaut et n’est valorisé que s’il est conduit en équipe et avec un esprit d’équipe que peut-être les partenaires, dans le feu et les exigences de l’action, ne saisissent pas clairement, mais que le chef (puisque chef il doit y avoir) doit, lui, avoir constamment en vue. Et c’est peut-être le contexte adéquat pour rappeler “qu’il y a bien des sots, mais pas de sot métier ».
De tels propos, transparaît tout ce qui peut faciliter le passage des idées au produit ou service fini, en passant par le prototype ou le MVP (Minimum Viable Product), et par conséquent l’industrialisation. Une condition sine qua non est que le créateur ou l’inventeur puisse souvent céder son idée aux industriels. AIMS promeut des promotions de vingtaines de scientifiques par an, sort du lot, les Shehu du Nigéria, Esrah du Darfour au Soudan, ou encore Lydia de RCA… Il reste à transformer tous ces essais.