Presque trois mois afin le dénouement de leur crise politico-diplomatique, Bamako et Yamoussokro ont décidé de traduire en acte les engagements qu’ils ont pris pour relancer leur coopération sur de nouvelles bases. Dans cette dynamique, la Grande commission mixte entre le Mali et la Côte d’ivoire s’est réunie cette semaine dans la capitale malienne avec comme principale ordre du jour, explorer les voies et moyens permettant principalement de promouvoir les relations économiques notamment les échanges commerciaux entre les deux pays voisins membres de l’UEMOA. Le jeu en vaut la chandelle puisque la Côte d’ivoire est l’une des principales portes d’entrée et l’un des plus importants marchés du Mali, qui lui est donc le premier client mondial mais aussi un des plus gros fournisseurs du marché ivoirien.
A quelques choses malheur est bon! L’affaire des 49 militaires ivoiriens arrêtés à Bamako avant d’être jugé et condamnés, qui a été le paroxysme de la crise diplomatique entre le Mali et la Côte d’ivoire, est en train de servir de déclic au réchauffement de la coopération entre les deux pays voisins de la zone UEMOA et de la Cédéao. Comme annoncé à l’issue du dénouement de la crise politico-diplomatique, Bamako et Yamoussokro sont en train de donner actes à l’engagement pris par les autorités des deux pays pour relancer sur de nouvelles bases leur coopération. Après une vingtaine d’année d’hibernation, la Grande commission mixte vient de se réunir, du 22 au 24 mars dans la capitale malienne avec comme principal menu à l’ordre du jour de cette réunion des experts des deux pays, explorer et examiner les voies et moyens pour impulser une nouvelle dynamique à leur coopération.
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Les deux délégations ont certes abordé des aspects politiques et juridiques de la coopération entre les deux pays mais c’est surtout les questions économiques qui ont largement dominé les échanges et devraient servir de porte-flambeau de cette nouvelle lune de miel entre le Mali et la Côte d’ivoire. D’autant que les économies des deux pays sont très interdépendantes dans plusieurs domaines et il existe une incommensurable marge pour davantage exploiter leur potentiel en portant à un niveau supérieur les échanges commerciaux qui, plus est, surfe sur une très bonne dynamique.
Des échanges commerciaux en hausse malgré la crise
Selon les chiffres officiels qui ont été en évidence lors de la réunion de la Grande commission mixte de coopération, les échanges commerciaux entre la Côte d’Ivoire et le Mali, se sont élevés à 913,4 milliards de Fcfa, soit quelques 1,4 milliard de dollars, en 2022. En comparaison, cella traduit une hausse de 45% par rapport à 2021, c’est à dire en pleine multiples crises qui ont précédé le feuilleton des « 49 soldats », avec la fermeture des frontières en raison de la pandémie de la Covid-19 et les sanctions de la Cédéao imposées au Mali suite au double coup d’état de 2020 et 2021.
Cette bonne dynamique des échanges entre les deux pays a fait dire au chef de la délégation ivoirienne, Abdoulaye Kouyaté, que ce bond qualitatif sans précédent fait du Mali, à ce jour, «le premier client mondial de la Côte d’Ivoire avec 909 milliards de Fcfa de marchandises vendues en 2022». Le Mali est également l’un des plus gros fournisseurs de la Côte d’Ivoire au niveau mondial a ajouté Abdoulaye Kouyaté qui a saisi l’occasion pour encourager les opérateurs économiques des deux pays « à aller encore plus loin en mettant en œuvre, de façon effective, les mécanismes garantissant la libre circulation des personnes et des biens ainsi que le droit d’établissement. » Il s’agit, a-t-il expliqué, « d’éliminer toute entrave à l’implantation des activités dans les milieux d’affaires nationaux entre les deux pays et de faciliter l’accès mutuel à leur marché respectif». De ce fait, a plaidé le chef de la délégation des experts ivoiriens à la rencontre de Bamako, «il nous faudra. également envisager de nouveaux axes stratégiques en vue de renforcer notre coopération et insuffler une nouvelle dynamique aux relations entre nos deux pays». Cela est d’autant plus important que dorénavant, a estimé M. Kouyaté, «cette relation se veut forte et durable pour faire face aux nombreux défis de l’heure que sont l’insécurité à nos frontières, la lutte contre la pauvreté, l’autosuffisance alimentaire…».
Une dynamique à consolider par le renforcement de la coopération économique
Des ambitions que partagent les autorités maliennes comme l’a fait savoir le secrétaire général du ministre des Affaires étrangères, Seydou Coulibaly, qui a mis l’accent sur la nécessité pour les deux États et pour le bien-être de leurs populations, « de promouvoir davantage la coopération en matière de consultations politiques et diplomatiques, d’administration, de défense, de sécurité, d’échanges économiques et commerciaux». Le chef de la délégation des experts maliens a aussi insisté sur l’intérêt stratégique de cette coopération dans le domaine de la promotion des investissements, les transports et les infrastructures, l’artisanat et le tourisme. Selon M. Coulibaly, la conjoncture difficile liée à la crise économique et sécuritaire doit «nous inciter à davantage de concertations et de conjugaison de nos efforts afin de relever ensemble les défis qui nous assaillent». Et pour assurer ses partenaires, il a réaffirmé la volonté politique et la disponibilité des autorités maliennes de faire de la coopération avec la Côte d’Ivoire « une priorité, un partenariat gagnant-gagnant et un modèle de réussite».
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Cette 4e réunion de la Grande commission mixte de coopération entre le Mali et la Côte d’Ivoire constitue le premier pas d’un processus qui va se poursuivre avec une autre réunion au niveau ministériel avant une rencontre au sommet entre les chefs d’Etat des deux pays. Pour rappel, elle intervient après 19 ans d’hibernation marquée par de «récents malentendus» relatifs à l’affaire des 49 militaires ivoiriens, la coopération entre le Mali et la Côte d’Ivoire. La grande commission mixte de coopération Mali-Côte d’Ivoire a été créée en 1977 à Abidjan et elle devrait se réunir tous les deux ans, alternativement entre les deux pays, afin de faire le point de la coopération bilatérale. C’est donc dans une dynamique de raffermissement et de diversification des relations de coopération que s’inscrit le processus actuellement en cours entre Bamako et Yamoussokro.
Il reste a espéré, comme l’a souhaité M. Abdoulaye Kouyaté, le chef de la délégation ivoirienne dans la capitale malienne, que « cette rencontre soit l’occasion de tourner définitivement la page de longues pauses dans une relation qui dispose pourtant de tous les leviers pour figurer au nombre des plus dynamiques dans l’histoire de la coopération Sud-Sud sur notre continent».