Marchés des capitaux : estimant les vents assez favorables, le Kenya envisage une émission de 2 milliards de dollars d’euro-obligations

Le Kenya va devoir manœuvrer avec tact pour réussir son émission car les conditions d'emprunts restent toujours assez étroits sur les marchés internationaux des capitaux surtout pour un pays confronté à un risque de surendettement. (Crédit : Dr).

En dépit des incertitudes qui prévalent encore sur l’économie mondiale et des conditions d’emprunts toujours difficiles, le Kenya compte retourner sur les marchés des capitaux internationaux à travers une émission de 2 milliards de dollars d’euro-obligations. L’opération qui est prévue durant l’année fiscale 2023-2024 vise selon le Trésor du pays, à refinancer l’euro-bond de 2 milliards sur 10 ans que le pays a émis avec succès en 2014 et qui arrive donc à échéance en juin 2014. Malgré le risque de surendettement, une crise de trésorerie et une politique monétaire mondiale encore rigide, les autorités comptent sur certains vents favorables pour réussir ce retour sur les marchés internationaux annoncé depuis des mois comme l’une des seules alternatives pour permettre à l’économie kényane, l’une des plus dynamiques de l’Afrique de l’est, de continuer à tenir le choc engendré par la crise mondiale.

De la dette pour financer la dette ! C’est l’option finalement choisie par les autorités kényanes pour mobiliser des ressources financières destinées à rembourser l’euro-bond que le pays avait émis en 2014 et qui arrive à échéance en juin 2014. « Le gouvernement de la République du Kenya, par l’intermédiaire de son Trésor national, envisage d’accéder aux marchés internationaux des capitaux avant la fin de l’année fiscale 2023/24, qui s’étale du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024, pour émettre des obligations souveraines », a annoncé la semaine dernière, le Trésor public kényan dans l’appel à manifestation d’intérêt qui a été lancé pour le choix des arrangeurs de cette prochaine sortie sur les marchés internationaux des capitaux.

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Le gouvernement kényan avait déjà envisagé de recourir au marché international de la dette en juillet dernier pour faire face aux difficultés de trésorerie que le pays rencontrait en raison des conséquences de la Covid-19, de la guerre en Ukraine, du resserrement de la politique monétaire mondiale ainsi que de la dépréciation du shilling, la monnaie locale. L’opération a été finalement reportée en raison des conditions d’emprunt assez difficiles sur les marchés des capitaux internationaux. Cette fois, la décision est actée et selon les mêmes sources, les fonds qui seront levés grâce à cette émission serviront à refinancer l’euro-bond de 2 milliards de dollars qui a été émis en 2014. D’après les détails de l’opération qui ont été publiés dans l’appel à manifestation, le taux d’intérêt appliqué à cet euro-bond d’une échéance de dix ans s’élève à 6,875 % par an.

Des conditions de marché de plus en plus favorables malgré la crise et les chocs

Le Kenya va devoir manœuvrer avec tact pour réussir son émission car les conditions d’emprunts restent toujours assez étroits sur les marchés internationaux des capitaux surtout pour un pays confronté à un risque de surendettement. La hausse des taux d’intérêt à l’échelle mondiale ainsi que la dépréciation du shilling ont, en effet, engendré une forte augmentation du coût du service de la dette, qui siphonne environ 63% des recettes fiscales du pays. Selon les estimations officielles, la dette publique globale du Kenya, qui s’est établie à 68 milliards de dollars en janvier 2023, devrait atteindre 69,7 milliards de dollars en juin prochain. Selon certains analystes, malgré la persistance des incertitudes qui planent sur la conjoncture mondiale et les risquent de surendettement pour le pays qui rendent encore difficiles l’accès aux capitaux internationaux à des pays comme le Kenya, classé parmi les marché intermédiaires, les autorités peuvent surfer sur certains facteurs favorables pour réussir leur sortie sur le marché des euro-obligations.

« Les conditions du marché s’amélioreront si la Fed commence à réduire ses taux. Cela augmenterait la probabilité que le Kenya soit en mesure de refinancer sa prochaine échéance au lieu de puiser dans ses réserves de change », avait prédit à l’agence Blooomberg, Eva Wanjiku-Otieno, analyste des marchés africains chez Standard Chartered Bank Kenya.

Des prévisions qui se confirment au regard de l’évolution de la conjoncture économique mondiale notamment de la situation qui s’améliore aux États-Unis avec la baisse de l’inflation, ce qui, d’après les mêmes analyses pousse la Réserve fédérale à cesser de relever ses taux et commence à réduire les coûts d’emprunt plus tôt que prévu, ce qu’attendent les investisseurs et qui pourrait aider les marchés frontières comme le Kenya à émettre des euro-obligations. Le Kenya pourrait également compter sur d’autres signes encourageants de son économie pour son retour sur les marchés internationaux. Malgré la crise de liquidités que connait encore l’une des économies les plus dynamiques de l’Afrique de l’Est,  avec le retard accusé dans le versement des salaires des fonctionnaires pour le mois de mars dernier notamment, le Kenya est encore loin de se retrouver dans la situation du Ghana ou la Zambie, en défaut de paiement depuis quelques mois, où même comme l’Éthiopie, la Zambie ou le Tchad qui ont sollicité une restructuration de leurs dettes auprès de leurs principaux créanciers. Mi-avril, en marge des Assemblées générales du FMI et de la Banque mondiale à Washington, le directeur du Fonds monétaire international (FMI) pour l’Afrique, Abebe Aemro Sélassié, a déclaré qu’il ne s’attendait pas à ce que ce pays d’Afrique de l’Est demande la restructuration de sa dette au titre du cadre commun du G20, et cela « malgré les tensions actuelles et le remboursement imminent d’un eurobond ».

Des ressources additionnelles attendues pour atténuer les risques

D’autres facteurs concourent également à instaurer un climat assez favorables pour la sortie du Trésor kenyan. Les autorités s’attendent, en effet, à de substantielles rentrées d’argents pour limiter la détérioration de ses réserves de change, qui ont baissé à 6,4 milliards de dollars au 5 avril contre 7 milliards au 30 janvier 2023. Au total, le Kenya s’attend à une augmentation des financements de 1,2 milliard de dollars au deuxième trimestre et cherche à obtenir de nouveaux fonds du FMI. C’est ce qu’a déclaré mi-avril à la presse, le gouverneur de la Banque centrale kényane, Patrick Njoroge, qui a confirmé que Nairobi a sollicité un nouveau financement du FMI, au titre du fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité (RST), un mécanisme de prêt lancé en 2022 par l’institution financière multilatérale pour aider les pays à faibles revenus ou à revenus intermédiaires confrontés à des risques macroéconomiques. Il a aussi annoncé que le Kenya devrait obtenir 250 millions de dollars d’ici fin avril dans le cadre d’un prêt syndiqué, et en mai prochain,  un appui budgétaire d’un milliard de dollars de la Banque mondiale«Nous ne sommes pas très inquiets parce que nous avons des rentrées d’argent importantes», a déclaré à Reuters, le gouverneur Patrick Njoroge pour qui,  pour qui, en plus de compenser les 1,2 milliard de dollars que le pays n’avait pas pu obtenir sur le marché l’année dernière, ces fonds vont permettre d’améliorer les réserves extérieures du pays qui s’élevaient à 6,4 milliards de dollars au 5 avril dernier soit suffisamment pour couvrir 3,6 mois d’importations, selon les dernières données de la banque centrale. Des déclarations visant à rassurer ceux qui spéculaient sur la capacité du pays à honorer ses engagements vis-à-vis de ses bailleurs à l’image du Ghana et de la Zambie.

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Il convient aussi de souligner qu’une mission des services du FMI est attendu à Nairobi début mai pour poursuivre les discussions sur le prêt RST ainsi que pour la cinquième revue d’un programme de 2,4 milliards de dollars convenu en 2021, avec la possibilité, selon le gouvernement, de négocier un financement supplémentaire après que le FMI ait temporairement élargi les limites d’accès. «Nous pourrions obtenir 163 millions de droits de tirage spéciaux supplémentaires avec les décaissements des cinquième et sixième revues du programme 2021», a déclaré le gouverneur Njoroge de la Banque centrale kényane. Le Kenya avait déjà bénéficié de quatre tranches de prêt du FMI dans le cadre des accords relatifs à la facilité élargie de crédit (FEC) et au mécanisme élargi de crédit (MEDC), qui ont été approuvés par le Conseil d’administration de l’institution financière multilatérale en avril 2021.

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