Chronique : les pièges de la dette aux pays en développement

D’après une récente étude combinée d’agences de notation et d’institutions de Bretton Woods, une trentaine de pays en développement, qui affichaient un ratio moyen de la dette, par rapport au PIB, proche de 75% à fin 2023. (Crédit : Dr).

Actuellement, dans un environnement marqué par une croissance en berne, des coûts d’emprunt onéreux et une multitude de risques de détérioration, environ une économie en développement sur 3 est aux prises au surendettement. Une crise silencieuse les guette. Un grand nombre souffre d’une mauvaise cote de crédit et risque de rester prisonniers du piège de la dette.

D’après une récente étude combinée d’agences de notation et d’institutions de Bretton Woods, une trentaine de pays en développement, qui affichaient un ratio moyen de la dette, par rapport au PIB, proche de 75% à fin 2023, soit un chiffre supérieur de 20 points à celui des autres pays en développement, ne peuvent bénéficier de la ruée vers les emprunts obligataires pour refinancer la dette publique. Mal cotés, ils risquent d’être pris dans le piège de la dette, déjà en situation de surendettement ou fortement menacés de l’être (Voir Tableau). Le problème est d’autant plus grave que ces Etats représentent 16% de la population mondiale, du moins pour ceux qui disposent d’une notation financière- même s’ils ne contribuent qu’à peine 5% de la production économique mondiale. Justement cette part infime dans l’activité économique va rendre cette crise silencieuse. Pire, elle risque de s’aggraver, notamment pour ceux peu solvables et jugés risqués, confient les analystes. Parmi les graves répercussions économiques dans près de la moitié de ces pays en développement, la population sera plus pauvre en moyenne à la fin de l’année 2024 qu’elle ne l’était en 2019 à la veille de la pandémie Covid-19.

Note souveraine basse et coûts d’emprunt onéreux

La valeur de référence pour le coût réel de l’emprunt dans le monde est en congruence aux taux d’intérêt réels aux Etats Unis qui ont fortement grimpé au cours des 4 décennies. Le resserrement rapide de la politique monétaire américaine, ces deux dernières années, a été synonyme de coûts d’emprunts trop élevés pour des pays déjà trop endettés. Les investisseurs leurs ont exigé des taux d’intérêts supérieurs de 20 points environ à l’étalon de référence mondial et plus de 9 fois au-dessus de ceux des autres économies en développement. Le corollaire est leur absence du marché de la dette depuis 2 ans et 11 économies ont été en défaut de paiement depuis 2020. 

Des solutions exogènes et endogènes

Outre une aide extérieure immédiate, via un allégement de la dette ou une amélioration générale du cadre mondial de la restructuration de la dette, les pays pris dans ce piège disposent eux-mêmes de leviers d’actions propres. En s’éloignant d’imprudences budgétaires (emprunts à l’excès, surtout en devises étrangères) et en se dotant d’un espace budgétaire nécessaire à la croissance et à la résilience, ils peuvent s’en sortir. Disposer d’une marge de manœuvre budgétaire passerait par l’élargissement de l’assiette des recettes publiques et la priorisation des dépenses (sortir du prestige, de la gabegie…). De telles réformes ajoutées à l’amélioration du climat des affaires, créent un environnement propice à l’investissement et à la consommation, porteurs de croissance. Nous croyons enfin qu’une politique monétaire rigoureuse, basée sur une monnaie nationale ou régionale solide, secondée par une banque centrale disposant de réserves-or, tirées d’une industrie minière locale intégrée, créerait les fondements d’une croissance durable.   

Tableau : Dernières analyses de viabilité de la dette accessibles au public dans le cadre du Cadre conjoint de viabilité de la dette pour les pays à faible revenu (LIC-DSF)1

PaysRisque de surendettement extérieur2Risque de surendettement global2Date de publication
AfghanistanHautHaut06/21
BangladeshBasBas01/23
BeninModéréModéré05/23
BhutanModéréModéré05/22
Burkina Faso33ModéréModéré03/23
BurundiHautHaut06/23
Cabo VerdeModéréHaut06/23
CambodiaBasBas11/22
CameroonHautHaut03/23
Central African RepublicHautHaut04/23
ChadHautHaut12/22
ComorosHautHaut06/23
Congo, Dem. Rep.ModéréModéré06/23
Congo, Rep.In debt distressIn debt distress07/23
Côte d’IvoireModéréModéré05/23
DjiboutiHautHaut05/20
DominicaHautHaut07/23
Eritrea3
EthiopiaHautHaut04/20
Gambia, TheHautHaut06/23
GhanaIn debt distressIn debt distress05/23
GrenadaIn debt distressIn debt distress06/23
GuineaModéréModéré12/22
Guinea-BissauHautHaut01/23
GuyanaModéréModéré08/22
HaitiHautHaut01/23
HondurasBasModéré09/23
KenyaHautHaut07/23
KiribatiHautHaut04/23
Kyrgyz RepublicModéréModéré01/23
Lao PDRIn debt distressIn debt distress05/23
LesothoModéréModéré06/22
LiberiaModéréHaut08/22
MadagascarModéréModéré03/23
MalawiEn détresseEn détresse07/23
MaldivesHautHaut04/20
MaliModéréModéré05/23
Marshall IslandsHautHaut05/21
MauritaniaModéréModéré01/23
MicronesiaHautHaut10/21
MoldovaBasModéré01/23
MozambiqueEn détresseEn détresse04/20
MyanmarBasBas01/21
NepalBasBas04/23
Nicaragua33ModéréModéré01/23
NigerModéréModéré07/23
Papua New GuineaHautHaut03/23
RwandaModéréModéré12/22
SamoaHautHaut03/23
SenegalModéréModéré06/23
Sierra LeoneHautHaut06/23
Solomon IslandsModéréModéré05/23
SomaliaEn détresseEn détresse05/23
South SudanHautHaut03/23
St. Vincent and the GrenadinesHautHaut11/22
SudanEn détresseEn détresse06/21
São Tomé and PríncipeEn détresseEn détresse08/22
TajikistanHautHaut02/23
TanzaniaModéréModéré04/23
Timor-LesteModéréModéré08/22
TogoModéréHaut04/20
TongaHautHaut11/23
TuvaluHautHaut07/21
UgandaModéréModéré06/23
UzbekistanBasBas06/22
VanuatuModéréModéré03/23
Yemen3
ZambiaEn détresseEn détresse07/23
ZimbabweEn détresseEn détresse03/22

(Source : Banque mondiale ; Fitch Ratings ; Moody’s Analytics ; S&P Global Ratings ; UN World Population Prospects)

1La liste comprend uniquement les pays IDA soumis au CSD PFR.

2Reflète les notations DSA publiées à fin septembre 2023.

3La dernière DSA n’était pas accessible au public à fin septembre 2023.

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