Chronique- Souveraineté alimentaire ou quand les avances sur récoltes annihilent toute période de soudure

Les avances sur récolte, faites par les usines de transformation aux exploitants agricoles, constituent un outil puissant pour les aider à faire face aux périodes de soudure.  Ces industries, soutenues par l’État qui leur offre une sécurité financière, surtout à leurs débuts, contribuent ainsi à améliorer leur niveau de vie et à renforcer la sécurité alimentaire des pays africains.

En dépit de climats humides et de terres arables à perte de vue, il existe encore un grand nombre de pays africains qui sont importateurs nets de produits agricoles ! Dans un récent rapport de la FAO, il est précisé que la demande alimentaire du continent dépasse toujours l’offre locale d’environ 20%. Il y est aussi établi que le montant total moyen des importations, qui s’établit actuellement à 80 milliards de dollars US, augmente de 6% par an.

Outre les politiques agricoles inadéquates et les pertes post-récoltes, nous trouvons que la mauvaise gestion de la période de soudure y est pour beaucoup. Mais qu’est-ce donc cette période ? La période de soudure est une période critique pour les agriculteurs, souvent située entre deux récoltes, où les stocks alimentaires sont faibles… Cette période peut entraîner des difficultés financières importantes et une insécurité alimentaire.

Quel rôle des usines de transformation ?

Les usines de transformation des produits agricoles peuvent jouer un rôle crucial dans la lutte contre la période de soudure. En avançant des fonds aux agriculteurs sur leurs futures récoltes, elles leur permettent d’avoir un accès immédiat à des liquidités. Ces fonds peuvent être utilisés pour couvrir les besoins essentiels de la famille, les coûts de production, ou encore rembourser des dettes. A titre d’exemple, avant que la production de mil ou de fonio soit envoyée au meunier, tous les frais de sarclage, de désherbage, de moissons et de transport, peuvent être supportés par l’usine qui achète les récoltes, suivant un barème accepté de tous. En effet, elles peuvent être utilisées pour acheter des semences, des engrais, ou du matériel agricole, améliorant ainsi les rendements futurs. Bien entendu, elles sont défalquer à la vente. De telles avances aident donc à investir dans la production.

Le soutien de l’État

L’État peut renforcer ce mécanisme en offrant des garanties financières aux usines de transformation, notamment dans les filières stratégiques, telles que le lait, le sucre, le mil, le fonio, de sésame, de café, de cacao, de banane, de mangue, de noix de cajou…. Cela encourage les entreprises à prendre des risques et à accorder des avances plus importantes. Ceci passerait par la mise en place de mécanismes de financement, telles que des lignes de crédit spécifiques créées pour faciliter l’accès aux financements pour les usines et les agriculteurs.

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Il reviendrait aussi à l’Etat d’initier, puis accompagner le développement d’infrastructures de stockage. Des entrepôts permettent de stocker les récoltes et de réguler les prix tout au long de l’année. Les alternances de surproduction d’oignons, suivies de pénuries criardes sont légion au Sénégal. En période de fortes récoltes, certains agriculteurs sont allés jusqu’à enterrer leurs productions, tandis que pendant les pénuries suivantes de quelques mois, les marchés ont connu « les émeutes d’oignons », tant le produit s’est fait rare !

Il revient aussi à l’Etat de faire la promotion de la transformation locale. En favorisant la transformation des produits agricoles au niveau local, on crée de la valeur ajoutée et on réduit les pertes post-récolte. Comment importer du lait en poudre à la qualité douteuse, lorsqu’en période de forte lactation le berger est obligé de traire ses vaches puis de reverser des litres et des litres de lait sur le sol ?!!! La solution est une laiterie industrielle aux standards internationaux qui collectent et transforment ce lait, à condition qu’il soit protégé et vendu en priorité. L’exemple du pêcheur, qui ne sait plus quoi faire de sa surabondante pêche, reste similaire, faute d’usines de conserve ou de transformation.

Conditions sine qua non

Pour que ce système fonctionne de manière optimale, il est nécessaire de mettre en place un cadre réglementaire clair. Des contrats précis doivent définir les conditions des avances, les taux d’intérêt, et les modalités de remboursement. Des barèmes, en fonction de la qualité pour des tarifs, acceptés de tous, sont la seule garantie. Il est impératif de renforcer la confiance entre les acteurs. Les agriculteurs doivent faire confiance aux usines de transformation et à l’État, et inversement. Aussi, en assurant une bonne coordination entre les différents acteurs, à savoirs les agriculteurs, les usines, les banques, et les autorités publiques qui travaillent de concert, ce système se met en place tout seul.

Contre les intempéries et autres fléaux, il reviendra aux agriculteurs de souscrire à une assurance agricole, pilotée par une compagnie d’assurance, adossée aux piliers financiers de l’Etat.

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