Ce 1er décembre 2024, le Sénégal commémore le 80ème Anniversaire du massacre de Tirailleurs Sénégalais au Camp de Thiaroye à une dizaine de km de Dakar. Cette année, l’anniversaire de ce douloureux souvenir porte un cachet particulier. Un coin du voile, sur cette ignoble tuerie de soldats noirs africains qui réclamaient leur dû par leurs supposés frères d’armes français, se lève petit à petit, pour le devoir de mémoire, de réparations et de justice.
Plus jamais ça ! C’est le cri de cœur qui tambourinait dans toutes les poitrines, dans la matinée du 1er décembre 2024, au Cimetière du Tirailleur Sénégalais et du Camp militaire de Thiaroye, où s’est déroulée la cérémonie de commémoration du 80ème anniversaire du massacre. Après des décennies d’un silence assourdissant, pour reprendre les propos du Président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, c’est un élan quasi-général qui existe pour faire la lumière sur toutes les zones d’ombre qui entourent un tel crime. « Les tirailleurs n’étaient pas des mercenaires ! Bien au contraire, c’étaient de nobles défenseurs d’une dignité humaine qu’on ne saurait sacrifier sur l’autel de l’oubli ou de falsifications ! », ajoutera-t-il.
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Combien ont été sauvagement éliminés ? Où sont-ils enterrés, sachant qu’il n’y a pas unanimité sur les chiffres et que le cimetière du Tirailleur ne compte que quelque 200 sépultures ? Qui sont ceux qui ont été victimes de ce massacre ? Il y a espoir que toutes ces questions seront bientôt élucidées. On peut le croire, compte tenu du fait que le Président français actuel, Emmanuel Macron, vient de reconnaître le massacre perpétré par des soldats français… La falsification de l’histoire semble être derrière nous. Que ceux qui ont toujours tenté de maquiller l’histoire, évoquant mutinerie ou désobéissance se tiennent à carreaux. Une nouvelle génération de dirigeants dans les 17 pays, dont ces tirailleurs étaient originaires, et en France, a décidé de prendre le taureau par les cornes pour élucider cette répression sanglante que rien ne justifiait.
Justice, vérité et réparations
Rien ne sera plus comme avant ! Le chef de l’Etat sénégalais l’a martelé, en présence de chefs d’Etats des Comores, de la Gambie, du Gabon, de la Guinée Bissau, et de la Mauritanie qui est aussi président en exercice de l’Union africaine, et de plusieurs délégations provenant des 16 autres pays qui fournissaient le contingent de Tirailleurs sénégalais, à savoir le Bénin, le Burkina Faso (ex- Haute Volta), les Comores, le Cameroun, le Congo, la Côte d’Ivoire, Djibouti, le Gabon, la Guinée, Madagascar, la République centrafricaine (RCA), le Tchad, le Togo… Outre la Journée du Tirailleur qui sera désormais célébré le 1er décembre de chaque année, un Mémorial sera érigé à Thiaroye pour s’y recueillir tout comme un Centre de Documentation et de Recherches sur le site. Dorénavant des rues et places publiques porteront le nom du Massacre et de Tirailleurs bien identifiés. Afin de laisser cet épisode vivace dans la mémoire collective, cette histoire sera enseignée dans les curricula. Parallèlement à d’autres initiatives sur le continent et au-delà, un Comité international de chercheurs indépendants sera mis en place pour aider à la reconstitution exacte des faits de ce 1er décembre 1944. Le Comité de la Commémoration, qui a récemment séjourné en France, pour acquérir des archives, va aussi poursuivre sa quête pour avoir toute la vérité sur ce passé douloureux. Mardi 26 novembre 2024 à 11h30, a été déposée au 8ème Bureau du Palais Bourbon par « Mémoires & Partages », la Résolution Sembène, du nom du cinéaste sénégalais Ousmane Sembène qui a réalisé le film Camp de Thiaroye en 1988, pour une Commission d’enquête parlementaire sur le Massacre de Thiaroye 44.
Pour la France, c’est peut-être là une dernière perche tendue, pour s’acquitter d’une dette morale qui n’a que trop duré. Dans « Cette Afrique-là ! », l’écrivain camerounais Jean-Ikelle Matiba dépeignait, on ne peut mieux l’absurdité que vivait ce père africain qui a perdu deux fils dans deux guerres qui ne le regardait aucunement… D’autres penseurs, écrivains, cinéastes ou artistes s’inscriront dans cette dynamique, parmi eux Cheikh Anta Diop, Boubacar Boris Diop, Didier Awadi, Ouza et ses Ouzettes… Qu’est ce qui pourrait réparer un tel carnage ? Doit-on rappeler que des soldats des colonies, enrôlés de force, qui ont servi de chair à canons, victimes de racisme… ont été fusillés, explosés à la roquette puis ensevelis dans des fosses communes, juste pour avoir réclamé leurs indemnités, soldes primes de démobilisation ou revendiqué de meilleures conditions de cantonnement à leur retour précipité à Thiaroye? Un retour qui empêchait leur reconnaissance de faits d’armes à la victoire finale !!!
Aux pays Africains, cette page d’histoire est une occasion pour resserrer leurs liens, afin d’atteindre les objectifs de l’Agenda 2063, comme indiqué par le Président mauritanien et Président en exercice de l’UA qui s’est exprimé au nom de ses pairs présents ce 1er décembre 2024 à Thiaroye.