Congo : gros coup de pouce à l’industrie de la transformation locale du bois

L'exploitation du bois est l'un plus grands employeurs en République du Congo mais ne contribue que peu au PIB du pays du fait de la faiblesse de l'industrie locale de transformation.

Après plusieurs échéances reportées, le gouvernement congolais a décidé l’interdiction, à partir du 1er janvier 2023, des exportations de bois non transformé. Une mesure qui vise à permettre au secteur forestier notamment aux industries locales du secteur, principaux employeurs du pays, d’augmenter leurs contributions au PIB national à travers un développement des différentes filières de transformation du bois. Sauf que la mesure risque de se confronter à plusieurs obstacles notamment des pertes fiscales que les autorités entendent compenser par des mesures d’accompagnement et des incitations destinées à attirer davantage les investissements.

Cette fois, c’est officiel ! L’’interdiction d’exportation de grumes en République du Congo est désormais effective à compter du 1er janvier prochain. Dans une correspondance datée du 21 octobre dernier, la ministre de l’Économie forestière Rosalie Matondo a indiqué qu’à compter du 1er janvier 2023, « les exportations de bois en provenance du Congo ne porteraient que sur des produits semi-finis ou finis ». Selon le courrier susmentionné, cette mesure est prise en application des dispositions de l’article 97 alinéa 1 de la loi 33-2020 du 8 juillet 2020 portant code forestier et qui sont relatives à « l’interdiction d’exporter des produits bois en grumes issus des forêts naturelles et des forêts plantées en République du Congo ». En ce sens, les services techniques du ministère, notamment la Direction générale de l’économie forestière (DGEF) et le Service de contrôle des produits forestiers à l’exportation ont été chargé de veiller à l’application de cette mesure dès la date de son entrée en vigueur. Selon la ministre congolaise, la mise en œuvre de cette mesure d’interdiction d’exportation du bois brut devrait permettre au secteur forestier et plus largement aux industries du secteur d’augmenter leurs contributions au Produit Intérieur Brut (PIB) et donc d’augmenter les recettes de l’État.

« Le secteur forestier est l’un des plus grands employeurs de la République du Congo, et contribue au désenclavement et au développement de l’arrière-pays. Il génère un nombre important d’emplois directs et indirects dans les services aussi bien en milieu rural qu’urbain », a rappelé par la même occasion la ministre Rosalie Matondo, en charge de l’économie forestière.

Nouvelle stratégie de développement de l’industrie locale du bois

L’adoption de cette mesure fait suite à un processus enclenché depuis plusieurs années et qui s’est accéléré en 2020 dans le cadre de la nouvelle politique du gouvernement en matière d’industrie du bois prônée par le chef de l’État Denis Sassou N’Guesso. Face à l’amenuisement progressif des recettes tirées de l’exploitation du pétrole, le gouvernement congolais avait pris la décision d’imposer de nouvelles taxes, un permis réservé exclusivement aux Congolais ainsi que la transformation intégrale des grumes sur le territoire national couplé à l’alimentation du marché intérieur. Lors d’un discours sur l’état de la nation devant le Parlement qu’il a prononcé en 2020, au plus fort de la crise économique que traversait le pays et qui a été accentuée par la pandémie de la Covid-19, le Président congolais a annoncé la promulgation du nouveau code forestier. Lequel apportait plusieurs innovations, dont l’élargissement de l’assiette fiscale du secteur forestier ; l’institution du régime de partage de production qui était adossé à l’obligation de la transformation intégrale des grumes dans le pays. Selon les autorités congolaises, l’entrée en vigueur du nouveau code forestier qui a été adopté par le Parlement en juillet 2020, devrait contribuer à renforcer la gouvernance et la transparence dans la gestion des ressources forestières.

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Entre autres objectifs visés à travers le nouveau texte, « une appropriation plus rationnelle des ressources générées par le secteur forestier au Congo à travers la fixation d’un régime efficace de redevances afin d’accroître la performance fiscale du secteur forestier », comme l’a indiqué le Chef de l’Etat Denis Sassou N’Guesso, qui n’a pas manqué de souligner que « l’amélioration des recettes de l’État est une condition sine qua non pour soutenir et accélérer la reconfiguration de l’espace économique et financier national ».

Le nouveau Code est ainsi venu remplacer l’ancien des années 2000 dont les principales dispositions étaient devenues caduque au regard du contexte international marqué par les enjeux liés à la lutte contre les changements climatiques ainsi qu’aux différents traités, accords et instruments juridiques relatif au secteur auxquels a adhéré le pays. Il s’agit, notamment, de la directive de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), adoptée en septembre 2020 et qui porte sur l’interdiction de l’exportation du bois sous forme de grumes par tous les pays du Bassin du Congo à compter du 1er janvier 2022. En mai 2010, le gouvernement congolais avait signé également un Accord de Partenariat Volontaire (APV) avec l’Union européenne (UE), sur l’application des réglementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux. Un accord qui a été ratifié en juillet 2012, pour garantir une exploitation légale des forêts.

Une dynamique régionale qui butte à de nombreux obstacles

Le secteur forestier est l’un des plus grands contributeurs au PIB de l’économie congolaise et le principal pourvoyeur d’emplois directs et indirects dans les services aussi bien en milieu rural qu’urbain. Il faut dire que le pays regorge d’importantes superficies forestières dont l’exploitation génère de substantielles entrées fiscales. Cependant, la transformation locale est en berne malgré l’ambition affichée des autorités d’accroître la part du secteur forestier dans le PIB du pays, grâce notamment à la création de zones économiques spéciales dotées d’avantages fiscaux, où serait transformé le bois. En 2017 déjà, le gouvernement congolais avait envisagé l’interdiction de l’exportation du bois brute mais la mesure n’a pas fait long feu tout comme celle des pays membres de l’Afrique centrale qui viennent de repousser encore l’échéance fixée en 2023. Certains pays de la zone comme le Gabon ont franchi le cap mais le manque de préparation du secteur n’a pas permis d’atteindre les objectifs escomptés notamment de compenser la perte des taxes sur les exportations de grumes qui constitue la principale source de fiscalité forestière, loin devant les taxes sur la superficie et les taxes d’abattage.

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C’est justement un des défis pour les autorités congolaises et qui inquiètent certains opérateurs et investisseurs du secteur. Selon ces derniers et comme il a été convenu dans le cadre de la CEMAC, une période transitoire de plusieurs années sera nécessaire afin de procéder aux études préalables de maturation des projets d’investissements dans la transformation du bois, retenus dans le cadre de la première phase du processus d’interdiction des exportations du bois en grume dans l’espace communautaire. C’est d’ailleurs ce qui explique qu’à l’issue de la 38e session ordinaire du Conseil des ministres de l’Union économique et monétaire de l’Afrique centrale (UEAC), qui s’est tenue le 28 octobre 2022 à Yaoundé, au Cameroun, le gabonais Daniel Ona Ondo, le président de la commission de la Cemac, a annoncé le report sine die de l’entrée en vigueur de l’interdiction des exportations des bois en grumes par les pays membres. La principale raison est que la directive sur la filière bois qui porte sur l’interdiction de l’exportation des grumes rencontre des obstacles en raison de « son coût fiscal énorme. Selon ses explications, rien que la mise en œuvre de cette mesure devrait, par exemple, entraîner au Cameroun des pertes de recettes de près de 80 milliards de FCFA comme c’était le cas au Gabon où l’entrée en vigueur de la mesure a engendré au Trésor du pays une perte de 75 milliards de FCFA.

Il est donc préférable que des mesures d’accompagnement soient d’abord mise en œuvre pour préparer l’industrie locale à la nouvelle la mesure. Initialement prévue pour entrer en vigeur le 1er janvier 2022, elle avait été reportée, dans un premier temps, pour le 1er janvier 2023 avant finalement d’être à nouveau renvoyée aux calendes grecques. La zone qui englobe le bassin du Congo, deuxième poumon de la planète n’est pas encore prêt et le renvoi de l’entrée en vigueur de la mesure d’interdiction devrait permettre, en plus de la maturation des projets d’investissements, aux exploitants forestiers de mieux préparer l’arrimage à la nouvelle donne, avec l’accompagnement de la Commission de la Cemac.

 « Pour éviter que le changement de paradigme soit brutal et mette les entreprises du secteur en difficulté, la Commission de la Cemac a pris sur elle la responsabilité d’accompagner les États pour faciliter ledit changement. Elle va financer avec l’appui de la BAD, l’élaboration des études de faisabilité sur les projets identifiés, afin de juger de leur maturité. Un dispositif régional de fiscalité forestière harmonisé est prévu, ainsi que l’évaluation des mesures de soutien aux entreprises », avait expliqué en ce sens, Duval Antoine Dembi, expert en charge de la question au sein de l’organisation communautaire.

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