Afrique subsaharienne : des perspectives économiques en demi-teinte selon la Banque mondiale

Selon la Banque mondiale, le ralentissement important de la croissance mondiale et la chute des prix des produits de base non énergétiques ont pesé sur l'activité économique de l'Afrique subsaharienne, en particulier dans les pays exportateurs de métaux. (Crédits : Banque Mondiale)

La saison des prévisions économiques pour la nouvelle année a été lancée avec la publication par la Banque mondiale de sa première édition des premières perspectives pour 2023 qui s’annonce pas de bonne augure avec une croissance mondiale qui va fortement marquer le pas sous l’effet de l’inflation, de la hausse des taux d’intérêt, de la diminution des investissements et des perturbations causées par la guerre entre l’Ukraine et la Russie. Des vents défavorables qui vont négativement impacter la croissance des économies d’Afrique subsaharienne sur lesquelles planent  des risques d’une augmentation du niveau de pauvreté des populations pour les deux prochaines années.

Avec une croissance qui devrait se modérer pour s’établir à 3,6 % en 2023, puis monter à 3,9 % en 2024 selon les nouvelles projections de la Banque mondiale, les pays africains s’en sortent relativement mieux que l’économie mondiale dont la croissance devrait ralentir à 1,7% cette année, contre 3% prévu il y a six mois. « L’économie mondiale devrait croître de 1,7% en 2023 et de 2,7% en 2024. Le fort ralentissement de la croissance devrait être généralisé, les prévisions en 2023 étant revues à la baisse pour 95% des économies avancées, et près de 70% des économies de marché émergentes et en développement », a indiqué l’institution de Bretton Woods dans sa publication. Plus inquiétant encore pour l’économie mondiale, la Banque mondiale alerte que compte tenu de la précarité de la situation économique, toute nouvelle évolution défavorable notamment une inflation plus élevée que prévu, une hausse brutale des taux d’intérêt pour la contenir, une résurgence de la pandémie de COVID-19 ou une escalade des tensions géopolitiques, pourrait faire entrer l’économie mondiale en récession, ce qui serait une première en plus de 80 ans que deux récessions mondiales se produiraient au cours de la même décennie.

«  La crise qui menace le développement s’aggrave à mesure que les perspectives de croissance mondiale se dégradent », adéclaré à ce sujet, le président du Groupe de la Banque mondiale,David Malpass,pour qui, « les économies émergentes et en développement connaissent depuis plusieurs années une croissance en berne en raison d’un lourd endettement et d’investissements insuffisants, car les capitaux mondiaux sont absorbés par les économies avancées confrontées à des niveaux de dette publique extrêmement élevés et à des taux d’intérêt en hausse ». De ce fait, a-t-il estimé, « la faiblesse de la croissance et des investissements des entreprises aggravera les reculs déjà dévastateurs en matière d’éducation, de santé, de réduction de la pauvreté et d’infrastructures, ainsi que les nécessités liées au changement climatique ».

Des perspectives peu favorables malgré une croissance assez résiliente

En Afrique subsaharienne, la croissance économique s’est nettement ralentie en 2022, selon la Banque mondiale qui indique que son rythme s’est établie à 3,4 %, en baisse par rapport aux projections de début d’année en raison notamment de fortes augmentations du coût de la vie conjuguées à la faiblesse de la demande extérieure et au resserrement des conditions financières mondiales qui ont freiné la reprise post-COVID dans de nombreux pays. Aussi, les tensions sur les prix des denrées alimentaires, déjà importantes avant la pandémie, se sont encore intensifiées en raison des aléas climatiques, des perturbations de l’approvisionnement aggravées par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, d’une fragilité et d’une insécurité accrues et, dans certains pays, de fortes dépréciations monétaires. C’est ainsi que l’année dernière, selon le rapport, l’inflation des prix alimentaires a dépassé 20 % dans plus d’un quart des pays, ce qui a ralenti la progression des revenus réels et de la demande des consommateurs et aggravé encore l’insécurité alimentaire.

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Selon la Banque mondiale, le ralentissement important de la croissance mondiale et la chute des prix des produits de base non énergétiques ont pesé sur l’activité économique de l’Afrique subsaharienne, en particulier dans les pays exportateurs de métaux. Et malgré le récent relâchement des prix mondiaux de l’alimentation et de l’énergie, les coûts d’importation sont restés élevés, ce qui a contribué à creuser les déficits courants. »La précarité des situations budgétaires due à la pandémie a persisté et, l’année dernière, la dette publique était supérieure à 60 % du PIB dans près de la moitié des économies de la région », fait état le document qui fait également cas de la viabilité de la dette qui s’est encore détériorée dans de nombreux pays non producteurs de pétrole, entraînant une hausse des coûts d’emprunt, des sorties de capitaux et une dégradation de la cote de crédit.

Baisse de régime pour les grandes économies du continent

La preuve de ces vents peu favorable sur le continent, c’est la croissance des trois plus grandes économies d’Afrique subsaharienne à savoir l’Afrique du Sud, l’Angola et le Nigéria, qui  s’est fortement contractée pour ressortir à 2,6 % seulement en 2022. L’Afrique du Sud, deuxième économie de la région, n’a enregistré qu’une croissance de 1,9 % en raison de l’aggravation des pénuries d’électricité et du renforcement des politiques de rigueur pour juguler l’inflation en plus de l’incertitude politique, du fléchissement de la demande extérieure et des perturbations dues aux inondations et aux grèves qui ont aussi nuit à la croissance. En Angola, poursuit la Banque mondiale, les cours élevés du pétrole et la stabilité de la production pétrolière ont permis un rebond de 3,1 % alors que parallèlement, la croissance au Nigéria, premier producteur de pétrole de l’Afrique subsaharienne, a continué de s’affaiblir en raison de l’intensification des problèmes de production dans le secteur pétrolier. Dans ce dernier pays, l’inflation a dépassé 21 % en 2022, son niveau le plus élevé depuis 17 ans, ce qui a entraîné un nouveau resserrement des politiques économiques.

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Dans l’ensemble et par rapport aux prévisions de juin, la croissance a été revue à la baisse pour près de 60 % des pays, y compris pour plus de 70 % des exportateurs de métaux qui devraient être pénalisés par la poursuite de la baisse des cours mondiaux. Selon la Banque mondiale, en dépit de l’atténuation attendue des pressions inflationnistes, « le rythme de reprise devrait rester stable dans de nombreux pays en raison de l’impact négatif de la pauvreté persistante et de l’insécurité alimentaire sur la croissance, amplifié par d’autres facteurs de vulnérabilité tels que les conditions météorologiques défavorables, l’endettement élevé, l’incertitude politique, la violence et les conflits ».

Des tendances peu favorables au développement économique

Selon les perspectives de la Banque mondiale, ce ralentissement de la croissance constitue un obstacle majeur pour le développement économique de l’Afrique subsaharienne. Ainsi, le revenu par habitant ne devrait augmenter que de 1,2 % en moyenne en 2023-2024, « un taux beaucoup trop faible par rapport aux progrès nécessaires pour réduire durablement la pauvreté et compenser les pertes de revenus consécutives à la pandémie ». Selon les estimations du rapport, pour 2023, le revenu par habitant en Afrique subsaharienne devrait rester inférieur de plus de 1 % à celui de 2019. Et les projections anticipent que dans près de 40 % des pays, y compris les trois plus grandes économies de la région, le revenu par habitant n’aura pas retrouvé son niveau antérieur à la pandémie même d’ici à la fin de 2024.

L’autre source d’inquiétude, c’est que de nombreux risques de détérioration continuent de peser  sur les perspectives régionales. En effet, comme l’ont estimé les auteurs du rapport, un ralentissement plus marqué qu’attendu de l’économie mondiale pourrait entraîner une chute brutale des cours des matières premières et freiner la croissance des exportateurs de pétrole et de métaux industriels d’Afrique subsaharienne. Aussi, les conditions financières internationales pourraient se resserrer davantage si les pressions inflationnistes mondiales persistent plus longtemps que prévu, ce qui entraîne une hausse des coûts d’emprunt et un risque accru de surendettement dans de nombreuses économies de la région. Par ailleurs, relève-t-on, les systèmes alimentaires de l’Afrique subsaharienne, déjà mis à mal par les coûts élevés des intrants agricoles et les pertes de production dues aux conditions météorologiques, restent particulièrement vulnérables à de nouvelles perturbations qui pourraient entraîner une flambée des prix des denrées et aggraver l’insécurité alimentaire. A cela s’ajoute le fait que les niveaux élevés de violence et de conflit risquent encore de s’aggraver si les conditions de vie continuent à se détériorer. Pour la Banque mondiale, « cette situation, combinée à la fréquence et à la gravité accrues des chocs météorologiques induits par le changement climatique, pourrait perturber davantage l’agriculture et retarder les grands projets d’infrastructure et d’exploitation minière dans certains pays ».

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