Tunisie : prêt de 268 millions USD de la banque mondiale pour une ligne électrique avec l’Italie, dans un contexte financier tendu

Malgré la résilience des entrées de capitaux, l’explosion de la facture d’importation aura mis à mal la balance des paiements. Le déficit du compte courant s’est détérioré de 59 % en 2022, atteignant 12,4 milliards de dinars (soit 8,5 % du PIB par rapport aux 6 % enregistrés en 2021).

Le Groupe de la Banque mondiale a prêté 268,4 millions de dollars à la Tunisie pour financer un projet d’interconnexion électrique avec l’Italie qui reliera les réseaux énergétiques entre la Tunisie et l’Europe, a annoncé ce jeudi l’agence de presse TAP. Avec la dégradation de la croissance et de l’emploi, la Tunisie s’est de plus en plus appuyée sur l’État‑providence pour répondre aux attentes des citoyens en faveur d’une amélioration de leurs moyens de subsistance. Ce qui met en mal les finances du pays au bord du gouffre.

La Banque Mondiale prête 268 millions de dollars à la Tunisie pour une ligne électrique avec l’Italie. L’accord met fin à une pause temporaire dans le travail de la banque avec la Tunisie qui a suivi les commentaires du président tunisien Kais Saied sur les migrants d’Afrique subsaharienne au début de cette année qui ont été accusés d’avoir déclenché le harcèlement et la violence racistes.

Un projet d’environ 850 millions euros.

L’Italie cherche à devenir une plaque tournante énergétique européenne et la création d’un lien vers l’Afrique pour importer de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables s’inscrit dans sa stratégie visant à éliminer sa dépendance gazière vis-à-vis de la Russie. Les performances économiques de la Tunisie ont marqué le pas après 2011, entraînant une décennie de croissance perdue dans un contexte encore aggravé, à partir de 2020, par la pandémie de COVID-19, selon les chiffres de la banque mondiale. Entre 2011 et 2019, la croissance du produit intérieur brut (PIB) est tombée à 1,7 % en moyenne. Une réglementation excessive de l’activité économique, une orientation moindre sur le commerce extérieur, la faiblesse des investissements et le manque d’innovation ont considérablement pesé sur la croissance de la productivité.

A lire aussi : Vague anti-migrants en Tunisie: la sanction de la Banque mondiale, une nouvelle alerte pour une économie sous perfusion

Avec la dégradation de la croissance et de l’emploi, la Tunisie s’est de plus en plus appuyée sur l’État‑providence pour répondre aux attentes des citoyens en faveur d’une amélioration de leurs moyens de subsistance. La création d’emplois s’est ralentie après la révolution, l’économie ne parvenant pas à produire suffisamment de débouchés, en particulier pour les diplômés de l’université et les forces vives de la population. Si l’État a tenté de pallier ces défaillances en créant des emplois dans le secteur public et en accordant d’importantes subventions aux consommateurs et aux producteurs, il lui reste à s’attaquer aux profondes distorsions qui freinent l’économie. Les marchés sont de plus en plus concentrés, créant ainsi des barrières à l’entrée, tandis que les coûts de l’activité économique restent élevés dans tous les secteurs, notamment en raison de la lourdeur des règles relatives à l’investissement, au commerce et aux licences, des difficultés d’accès au financement et d’une administration publique en expansion. Cet élargissement du rôle de l’État a fait s’envoler la dette publique, qui est passée de 40,7 % du PIB en 2010 à 79,9 % en 2021. La pandémie de COVID‑19 et, plus récemment, l’invasion russe en Ukraine ont exacerbé les fragilités socioéconomiques. En 2022, la hausse des prix des produits de base a entraîné un creusement de 63 % du déficit commercial, qui a atteint 15 % du PIB. Le recul de la production de pétrole et de gaz et l’augmentation de la demande de produits énergétiques et agricoles ont aggravé la vulnérabilité de la balance commerciale face aux aléas des marchés internationaux.

A Lire aussi : Tunisie : importation record du gasoil russe, à la suite des sanctions occidentales

Malgré la résilience des entrées de capitaux, l’explosion de la facture d’importation aura mis à mal la balance des paiements. Le déficit du compte courant s’est détérioré de 59 % en 2022, atteignant 12,4 milliards de dinars (soit 8,5 % du PIB par rapport aux 6 % enregistrés en 2021). Les pressions sur le dinar se sont accrues, mais les réserves de change en dinars sont restées relativement stables, tandis qu’elles ne couvrent désormais (fin 2022) que 100 jours d’importations (contre 133 un an plus tôt). La hausse des cours internationaux des produits de base a créé des pressions supplémentaires sur les finances publiques, principalement par le biais des dépenses de subventions (+99 % en 2022 par rapport à 2021), qui s’établissent à 8,3 % du PIB (contre 4,6 % en 2021). La hausse des subventions se traduit par une pression croissante de la dette publique, qui a grimpé entre 2017 et 2022, passant de 66,9 à 79,3 % du PIB. Le recours croissant au financement local a entraîné un effet d’éviction du crédit dans l’économie. Compte tenu des difficultés persistantes d’accès aux financements internationaux, la Banque centrale continue de refinancer les émissions de bons du Trésor, ce qui accroît la liquidité.

 » A noter, une augmentation considérable des pressions inflationnistes, provenant surtout des marchés mondiaux et de l’augmentation des prix administrés. En février 2023, le taux d’inflation a progressé pour le dix‑huitième mois consécutif pour atteindre 10,4 % (contre 7 % en février 2022 et 6,16 % en août 2021). Il s’agit du taux le plus élevé depuis décembre 1984. La hausse de l’inflation a poussé la Banque centrale à relever son taux directeur de 175 points de base au total sur l’année 2022, pour le porter finalement à 8 % « , selon la Banque Mondiale.

La reprise économique s’est tassée en 2022. Après la légère embellie de 2021 (4,4 %) qui succédait à la forte contraction de 2020 (-8,8 %), l’économie tunisienne a marqué le pas, avec une croissance du PIB réel de 2,5 % en 2022. Les services, qui ont progressé de 4 % à la faveur du tourisme et des transports, ont apporté la plus forte contribution à la croissance annuelle du PIB (2,4 points de pourcentage). Le redressement des services d’hôtellerie et de restauration et des transports s’est poursuivi, alors que ces secteurs étaient tombés au plus bas pendant la crise de la COVID‑19 en 2020, leur valeur ajoutée respective ne représentant que 75 % et 86 % des performances de 2019. Le secteur manufacturier, dont la progression s’est établie à 5 % en 2022, a contribué à hauteur de 0,7 point de pourcentage à la croissance du PIB. Le secteur textile et les industries mécaniques et électriques ont été les principaux moteurs de la dynamique du secteur manufacturier, enregistrant un taux de croissance de 14 % et 7,9 % respectivement en 2022. La contribution au PIB de l’agriculture, qui avait enregistré une croissance négative en 2021, s’est élevée à 0,2 point de pourcentage, avec un gain de valeur ajoutée de 2 %. En revanche, celle des secteurs minier, énergétique et non manufacturier (électricité, eau et BTP) ressort négativement à -0,9 point de pourcentage, selon les chiffres de la banque mondiale.

A lire aussi : Tunisie : La ministre du commerce emportée par la crise économique

Au dernier trimestre 2022, le taux de chômage atteignait 15,2 % (12,9 % pour les hommes et 20,1 % pour les femmes), signe d’un lent retour du marché du travail à la situation de 2019, année où le chômage s’était élevé à 14,9 % (12,1 % chez les hommes et 21,7 % chez les femmes). Toutefois, cette légère décrue en 2022 s’explique moins par une hausse de l’emploi que par une baisse du taux d’activité (46,5 % en 2022 contre 47,1 % en 2019). Sur cette période, on dénombre un total de 66 800 suppressions d’emplois. Le taux d’activité reste faible chez les femmes par rapport aux hommes, les disparités entre les sexes se réduisant légèrement. Chez les hommes, le taux recule depuis le quatrième trimestre 2019 (passant de 68,3 à 65,7 %), alors qu’il remonte doucement chez les femmes (de 26,8 à 28,2 %). De la même manière, les pertes d’emploi ont été massives chez les hommes (132 800), alors qu’un gain net d’emplois chez les femmes (66 000) est observé. Les pertes d’emplois se concentrent dans le secteur non manufacturier, notamment dans le domaine du BTP (-82 900), le secteur manufacturier créant dans le même temps 29 600 emplois.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici