En dépit d’être un espace où le système bancaire reste très atomisé, la sous-région Cedeao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) est une zone qui reste toujours très fertile pour les banques. Les résultats financiers du trimestre T1 de 2023 le confirment à bien des égards.
Contrairement à des pays, tels que le Maroc qui ont adopté une stratégie de massification de leurs banques locales, afin qu’elles atteignent une certaine taille et aillent boxer dans un espace où les marges sont encore importantes, la plupart des pays de la Cedeao sont à l’époque de la floraison, de surcroît de micro-banques avec un PNB de quelques millions d’euros seulement, si elles arrivent à équilibrer leurs comptes. Dans l’ensemble, le paysage bancaire a beaucoup évolué dans cette sous-région de 15 pays (Bénin, Burkina Faso, Cap Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée Bissau, Libéria, Mali, Niger, Nigéria, Sénégal, Sierra Leone, Togo) pour 350 millions de consommateurs. D’abord, à côté des établissements financiers, à participations majoritaires étatiques pour favoriser tel ou tel autre secteur, il y avait des groupes privés, notamment filiales de Françaises, et de rares locales. Ces dernières années, le fait marquant est une forte présence des Marocaines qui sont allées jusqu’à bousculer une hiérarchie longtemps établie, dans l’espace francophone, et occuper les premières places de collecteur de l’épargne, d’acteur de la banque digitale et de paiements. Les banques de développement, internationales et locales, mais aussi celles créées par des milliardaires locaux en association avec des capitaux étrangers, ainsi que les Nigérianes et d’autres établissements financiers à vocation panafricaine sont présentes, mais à un degré moindre.
Une zone hyper-rentable
Il ressort des derniers résultats, une santé financière certes différenciée, mais bonne. Dans le sous espace UMOA (Union monétaire ouest africaine), la BCEAO (Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest) a décidé, au début du mois de mars, de rehausser de 25 ppb (points de base) son taux directeur qui passe de 2,75 à 3%. Cet élément est déterminant dans l’évaluation de la santé financière des banques, mais ce n‘est pas le seul. Dans une telle région, de nombreux autres facteurs, tournant autour du taux de bancarisation, de la règlementation du secteur bancaire, de la situation économique globale, de la concurrence… y interfèrent. Aussi, les banques dans un espace économique peuvent être affectées par des facteurs spécifiques, tels que les politiques fiscales, les taux de change, les niveaux d’endettement des gouvernements… A l’image d’un pays comme le Sénégal, dont les membres de l’APBEF (Association professionnelle des banques et établissements financiers) sont passées de 15 en 1978 à 31 en 2021, dont 27 banques, on pourrait croire que les parts du gâteau peuvent s’amoindrir. Il n’en est rien. Les groupes bancaires, les mieux structurés, tirent leur épingle du jeu. Les PNB (Produit Net Bancaire) de groupes continuent de croître, dépassant le milliard d’euros et mieux encore, la contribution de la banque de détail à l’international dans ces groupes suit une tendance à la hausse à 2 chiffres. A fin mars 2023, BOA- une des banques marocaines, pionnières dans la Cedeao- a annoncé un RNPG, à 230 millions €, en hausse de 15%.
Un encours de crédits au service du développement ?
Si les BGFI Bank, Ecobank, Coris Bank, Orabank, Bimao, Banque Outarde, Banque de Dakar, FNB Bank, BSIC, Bridge Banque, CBAO, Citibank, Banque Atlantique, CBAO Attijari, Banque islamique, BHS, OA, BNDE… se font une concurrence saine jouant sur des stratégies axées sur une dynamique commerciale dans le Greenfield, un positionnement sur une fintech qui a de beaux jours devant elle, etc. le top 10 des Nigérianes donnent l’impression de négliger le reste de la sous-région. Compte tenu de la résilience dont elles ont fait montre, Zenith Bank, Access Bank, Guaranty Trust Holding, UBA ou encore First Bank pourraient se positionner dans la région pour soutenir et financer les entreprises de toute taille, les porteurs de projets, les institutionnels et les ménages. Non seulement, elles peuvent prendre des parts dans les projets d’investissements structurants, mais aussi et surtout encourager le crédit avec des encours plus conséquents, sur la base de taux d’intérêts moins élevés et en contribuant à réduire l’informel dans le tissu économique. Rappelons que certains pays de la sous-région ont une économie à 80% informelle. L’élargissement de l’assiette des entreprises formelles passerait par encourager l’implantation d’un statut Auto-Entrepreneur. Dois-je rappeler qu’une telle structure peut être enregistrée facilement sur une plateforme électronique, en partenariat avec une ou des banques de la place pour ouvrir un compte, n’impose pas une tenue obligatoire de comptabilité… ?
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Il paraît évident que se focaliser à faire du chiffre uniquement, dans ce marché qui va connaître des mutations très prochainement, pourrait produire son implosion. C’est d’autant plus juste que certaines banques ont commencé à accuser le coup de la concurrence et ont été sanctionnées. L’une d’elles a écopé d’une sanction pécuniaire de 300 millions f CFA de la BCEAO suite à des manquements et infractions au dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.