RDC: A Pékin le Président Tshisekedi a « revisité » la coopération sino-congolaise pour un partenariat plus équilibré

Lors de cette visite qui a été préparée depuis des mois, Pékin a déroulé le tapis rouge au Président Tshisekedi qui s'est entretenu le vendredi 26 mai dernier avec son homologue Xi Jinping ainsi que le Premier ministre chinois Li Quiang avec qui il a évoqué l'état ainsi que les perspectives de coopération entre les deux pay. (Crédit : Dr).

Le Président congolais Félix-Antoine Tshisekedi a effectué sa première visite d’Etat en Chine du 24 au 28 mai 2023 pour officiellement relancer le partenariat entre Kinshasa et Pékin sur de nouvelles bases. Une visite à très fort cachet économique donc, même si aucun nouvel accord d’envergure n’a été signé au terme des 4 jours qu’a duré le séjour du chef de l’Etat Congolais, à la tête d’une importante délégation. De quoi décevoir certains à Kinshasa qui s’attendaient à une renégociation du « contrat du siècle » ou « mines contre infrastructures », signé en 2008 sous l’ancien Président Joseph Kabila, et qui de l’avis de l’Inspection générale des finances congolaises (IGF) a largement été en défaveur du pays.

Pour la Présidence congolaise, l’essentiel c’est la nouvelle ère de coopération sino-congolaise que cette visite du Chef de l’Etat Félix Tshisekedi, préparé depuis des mois, qui mérite d’être mise en avant. Dimanche 29 mai 2023 à Shenzhen, au terme d’un séjour de quatre jours à l’agenda chargé en République populaire de Chine, le Président de la RDC a indiqué à la presse que son « ambition est d’industrialiser son pays et de le développer ». En ce sens, il a estimé que la Chine s’est montrée disposée à accompagner la RDC à travers notamment l’implantation locales d’industries de transformation des matières premières produites au pays.  

« Je pense que la Chine peut être un bon partenaire pour nous accompagner. Il y a aussi d’autres partenaires. Mais la Chine était la plus prompte à venir. Et on ne va pas fermer la porte à un partenaire qui est disposé à nous accompagner. C’est ce que j’ai répondu directement répondu à cette invitation lancée par le Président Xi Jinping », a expliqué Félix-Antoine Thisekedi.

 Selon le chef de l’Etat Congolais, « l’industrialisation est importante parce que c’est par là que le développement arrive. L’industrialisation commence par la transformation ou la création de la richesse chez nous. La création de chaines de valeur des produits extraits en RDC, doit se faire en RDC. Ça va créer des richesses et des emplois et ça sera bénéfique à notre économie. C’est ça mon rêve, c’est ça mon vœu. Et je suis prêt à tout pour y arriver ».

Des engagements pour un nouvel élan à la coopération sino-congolaise

Lors de cette visite qui a été préparée depuis des mois, Pékin a déroulé le tapis rouge au Président Tshisekedi qui s’est entretenu le vendredi 26 mai dernier avec son homologue Xi Jinping ainsi que le Premier ministre chinois Li Quiang avec qui il a évoqué l’état ainsi que les perspectives de coopération entre les deux pays. A cette occasion, les deux chefs d’Etat qui ont animé une conférence de presse conjointe à l’issue de leur entretien, ont  magnifié l’excellence et la solidité de leurs relations notamment sur le plan économique. Le président chinois a salué «la coopération fructueuse» réalisée par les deux pays, ajoutant que les deux parties ont forgé «une étroite communauté d’intérêts partagés et un avenir partagé». Il a assuré au Président Tshisekedi que la Chine travaillera avec la RDC pour que les deux nations « se soutiennent mutuellement et développent ensemble leur coopération à travers la promotion d’un développement commun et bénéfique pour les populations des deux pays ». Selon le Président chinois,  dans cette dynamique de progresser ensemble sur la voie du développement, la Chine entend offrir plus d’opportunités de coopération et un marché plus large pour la RDC et favorisera un plus grand développement des relations bilatérales», ajoutant que  « la Chine aiderait, comme toujours, la RDC dans son développement économique et social ». De son coté, le Président Félix Tshisekedi a aussi salué la solidité de cette coopération ainsi que les perspectives qui s’offrent aux deux pays dans le cadre de la relance de leur partenariat sur de nouvelles bases.  

« Nous avons exprimé de part et d’autre la volonté d’accroitre notre coopération par des partenariats gagnants-gagnants qui seront bénéfiques à nos deux peuples. Nous avons énormément évolué dans nos relations. Nous avons au Congo beaucoup de symboles de l’amitié entre nos deux pays. Ces symboles qui datent déjà de nombreuses années et qui montrent que dans cette coopération avec la Chine, la République démocratique du Congo peut être tirée vers le haut et ressemblé à la Chine qui nous a impressionnés par le bond en avant qu’elle a effectuée », a déclaré le chef de l’Etat Congolais.

Une coopération dynamique et portée par de nouvelles perspectives

En la matière, la RDC et la République populaire de la Chine ont du potentiel pour développer leur coopération économique. Les officiels de la RDC ont d’ailleurs profité de leur séjour en Chine pour promouvoir les opportunités de croissance qu’offre le marché congolais. Lors de son séjour chinois, le président congolais s’est rendu dans les principales villes chinoises notamment Shanghai où il a rencontré des hommes d’affaires et investisseurs chinois et a même visité le siège du géant mondial de la technologie numérique Huawei où il s’est entretenu avec les principaux dirigeants pour renforcer la présence de la multinationale en RDC.  

A lire aussi : Affaire Vidiye Tshimanga en RDC : le mineur Ivanhoe dans le collimateur de la justice

Dans un entretien qu’il a accordé à l’agence de presse officielle Xinhua, le ministre d’État congolais chargé des Infrastructures et des Travaux publics, Alexis Gisaro Muvuni, a vanté la dynamique sur laquelle surfe actuellement l’économie congolaise et qui peuvent intéresser les investisseurs chinois. Poussée par les investissements et les exportations du secteur minier, la croissance économique du pays a augmenté de 8,6% en 2022 après une expansion de 6,2% en 2021, selon les données de la Banque mondiale. Le ministre d’Etat Alexis Gisaro Muvuni a aussi saisi l’occasion pour mettre en avant les résultats de la coopération entre les deux pays qui s’est densifié au fil des années.  «A travers la signature d’une série d’accords et de protocoles d’accord couvrant l’agriculture, la santé, le commerce, les infrastructures et d’autres domaines,  la coopération amicale entre la Chine et la RDC n’a cessé de s’approfondir», a-t-il mis en avant, rappelant que la Chine a été le plus grand partenaire commercial et l’une des principales sources d’investissements étrangers de la RDC pendant de nombreuses années consécutives. En 2022, le volume des échanges bilatéraux a atteint 21,898 milliards de dollars, une augmentation annuelle de 51,7 %. La coopération en matière d’infrastructures entre les deux pays a également donné des résultats fructueux. La Chine a aidé la RDC à la construction de projets d’infrastructures  tels que le Palais du Peuple, le siège de l’Assemblée nationale et du Sénat, le Stade des Martyrs et le Centre culturel et artistique d’Afrique centrale, qui seront achevés d’ici la fin de cette année. L’hôpital de l’amitié Chine-RDC est aussi un autre projet qualifié « d’historique» dans cette dynamique impulsée ces dernières années à la coopération bilatérale sino-congolaise.

En attendant de nouveaux accord, la renégociation du « contrat du siècle » va attendre

Des engagements pour repartir sur de nouvelles bases mais pas de nouveaux accords d’envergure comme annoncé et surtout pas grand chose sur la très attendue renégociation du « contrat du siècle »  qui a été pourtant mis en avant comme au cœur de cette visite d’Etat du Président de la RDC à Pékin. Pour rappel, en 2008 sous la présidence de l’ancien chef de l’Etat Joseph Kabila,  un contrat « mines contre infrastructures » a été signé en grande pompe entre Kinshasa, à travers une société créée à cet effet, la Sino-congolaise des mines  (Sicomines), et Pékin et prévoyait plus de 6 milliards de dollars d’investissements chinois en échange d’accès aux mines de cobalt et de cuivre. Quinze ans après, les résultats enregistrés ont été loin des objectifs fixés comme l’a d’ailleurs mis en évidence une évaluation publiée en début d’année faite par la très rigoureuse Inspection générale des Finances (IGF), qui dépend de la Présidence congolaise. Selon les conclusions de l’enquête, le « deal » a été très en défaveur de la RDC et en février dernier, malgré la contestation des autorités chinoises, la justice congolaise avait même décidé d’ouvrir une information judiciaire pour de présumées «irrégularités financières» dont des détournements, des versements de commission et retro-commission qu’a donné lieur ce contrat léonin pour Kinshasa selon l’IGF.

A lire aussi : RDC : suspension d’un milliard de dollars de financements de projets de la Banque mondiale

En prélude à cette visite en Chine, le Président de la RDC a lui même laissé entendre que les discussions avec la partie chinoise tourneront autour du rééquilibrage du partenariat économique entre les deux pays et en particulier à la renégociation de ce contrat. Selon des documents publiés par plusieurs médias internationaux comme l’agence Reuters, la délégation congolaise à Pékin est allé pour rééquilibrer les actions de la Sicomines, la coentreprise montée avec la société publique congolaise Gécamines et le Groupement d’entreprises chinoises (GEC). D’après la même source, Kinshasa veut passer de 32% de parts détenues actuellement par la Gécamines à 60% plus 10%  non diluables  de parts pour l’État congolais, soit 70% pour la partie congolaise alors que la part du GEC passerait minoritaire. Dans ce qui ressemble fort à un manifeste de négociation, la partie congolaise voulait également des garanties sur la gouvernance future de la coentreprise en mettant fin  au rôle de figurant des mandataires de la Gécamines, faire un audit technique et financier de la Sicomines, mettre en place des mécanismes de contrôle sur les sites de production, mais aussi solder le financement des travaux d’infrastructures pour 1, 5 milliards de dollars par une ligne de crédit qui sera gérée par la partie congolaise et que la Sicomines assure aussi la réalisation d’infrastructures à hauteur de 667 millions de dollars.

A lire aussi : RDC : le budget 2023 en hausse, anticipant plus de recettes minières

Sauf qu’aucune information officielle sur la renégociation de ce contrat  n’est sortie de la visite d’Etat du Président Tshisekedi en Chine. Les deux  parties ont certes fait le bilan de leur relation bilatérale et annoncer un nouvel élan à cette coopération sur laquelle le président congolais dit compter « pour en faire profiter mon pays », avant d’annoncer, lors de son entretien avec le Premier ministre chinois Li Qiang:  « nous aurons dans les années qui viennent un partenariat à une amitié indéfectible ». Autant dire qu’il va falloir repasser…

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici