Interview : « entre Barrick Gold et l’Etat Malien, négocier est la solution viable »

Dr. Abdoulaye N’Tigui Konaré est enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de Bamako (FSEG) et consultant en économie du développement et en Finance internationale. Docteur en sciences économiques, il est reconnu pour son expertise dans des domaines tels que l’éducation, la santé, le travail, les investissements directs étrangers et le développement agricole. (Crédit : DR).

Le Mali réclame aujourd’hui plus de 700 milliards de FCFA aux multinationales qui opèrent sur son territoire dans le secteur minier.  Et ce à la suite de la révision du code minier en 2023 qui a abouti à une renégociation des contrats, donnant une plus grosse part des recettes au pays Ouest-africain. Les nouvelles conditions passent difficilement chez les compagnies minières traditionnelles. En tête, le Canadien Barrick Gold, premier pourvoyeur de recettes, qui a entamé un bras de fer avec le pays dirigé par Assimi Goita. Dans cet entretien avec le Dr Abdoulaye N’tigui Konare, Economiste à la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de Bamako (FSEG), Africa Income décortique la portée de ce litige et les voies de sorties de crise possibles.

AFRICA INCOME : Après l’adoption du nouveau code minier malien, les relations avec les compagnies minières dont le canadien Barrick Gold – considéré comme l’un des principaux investisseurs du pays – et l’Etat se sont dégradées. Quel est le poids réel de Barrick Gold dans l’économie malienne ? Que-pèse la société dans la balance fiscale du pays ? 

Dr Abdoulaye N’tigui Konare : Les recettes minières constituent aujourd’hui la troisième source de revenus de l’Etat malien. L’or contribue à hauteur de 70% des exportations au Mali. Son exploitation contribue entre 10% à 15% au PIB du pays. Trois grandes sociétés qui exploitent notamment les mines de Fekola, Somilo et Gounkoto se partagent les taxes et redevances minières. A titre d’exemple, Barrick Gold a injecté près de 500 millions de francs dans l’économie malienne en 2023. Beaucoup de maliens sont employés dans ces sociétés. Pour dire que Barrik Gold a une place privilégiée dans l’économie malienne en plus, elle a de nombreux engagements vis à vis de l’Etat malien, en ce concerne notamment le développement d’insfractures dans les localités où opère la multinationale.

Quel peut-être à long terme, l’impact de la suspension des activités de Barrick Gold au Mali ?

Si cette fermeture perdure, il pourrait y avoir des conséquences, notamment un impact sur les recettes fiscales de l’Etat dans la mesure où une bonne partie des recettes étatiques provient de la mine exploitée par Barrick Gold. Au niveau national, l’impact sera réel dans le secteur de l’emploi. Elle y aura une augmentation du chômage à plusieurs niveau. Sont concernés à la fois la main d’œuvre qualifiée et les ouvriers. La mise au chômage des équipes qui travaillaient à la mine risque d’occasionner beaucoup de perturbations et de revendications des différentes communes ou circonscription dont les activités économiques tournaient autour de la mine. Sur le plan juridique, un procès ou un arbitrage entraine toujours des coûts juridiques qui peuvent impacter grandement soit Barrick gold ou l’état malien à travers plusieurs canaux. Tous deux y seront perdants. Il est préférable de trouver un terrain d’entente parce qu’il y a beaucoup de familles qui en dépendent. Bref, si on ne fait rien, le chômage va monter en flèche dans la zone, en plus l’état malien aura un manque à gagner énorme sur plan fiscal et même dans le domaine de l’exploitation aurifère, dès cette année. 

Selon vous, quelle pourrait être la solution à ce différend entre l’état malien et la multinationale Barrick Gold ? Quelles sont les issues possibles ? 

Je vois plutôt la négociation comme la seule issue plausible. Il es préférable que les deux parties se mettent sur la même table et révisent les termes contractuels et les engagements en matière de responsabilité sociétale, environnementale ou bien même sur le plan financier pour que tout le monde trouve gain de cause et que chacun puisse nouer des partenariats qu’il pourrait entretenir pendant plusieurs années. Autre scénario catastrophe, meme si nous en sommes encore loin : si la situation perdure, l’état malien peut être amené à nationaliser la mine de Barrick Gold pour pérenniser ses emplois et faire en sorte que l’activité continue donc la mine sera gérée par des Maliens à 100%. Une autre possibilité : c’est de porter l’affaire devant les tribunaux internationaux. C’est moins plausible également car porter l’affaire devant ces juridictions internationales reste une option coûteuse avec un nombre conséquent d’avocats à utiliser, la durée de la procédure va aussi coûter chère en terme de manque à gagner. Tout ceci interpelle les tenanciers du domaine. Il faut agir de sorte que dans une dynamique de renégociation des termes des contrats, ces derniers profitent au maximum aux maliens sans pour autant nuire aux exploitants.

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Propos recueillis par Modibi Sidibé.