Dans la première édition de son rapport sur les Performances et perspectives macroéconomiques qu’elle vient de rendre public, la Banque africaine de développement (BAD) s’est félicitée de la bonne dynamique sur laquelle surfe l’économie africaine dont les projections de croissance pour les deux prochaines années évoluent mieux que les prévisions mondiales. Avec une croissance positive et les cinq régions du continent qui font preuves d’une véritable résilience avec des perspectives stables à moyen terme, l’économie des pays africains semble braver la conjoncture mondiale malgré l’amplification des chocs. Toutefois, le rapport a émis certaines réserves sur les perspectives, compte tenu des risques mondiaux et régionaux actuels et qui imposent, selon la BAD, la prise de mesures politiques audacieuses pour atténuer les risques cumulés.
De l’optimisme et de l’espoir en dépit de quelques craintes! C’est en substance l’essentiel à retenir de la première édition du « Rapport de performances et perspectives de l’économie africaine » que vient de publier la BAD. Dans ce premier rapport du genre, qui sera mis à jour semestriellement, les experts de la banque panafricaine a mis en avant les vents favorables qui accompagnent la bonne dynamique de la croissance des pays du continent avec des prévisions qui sont meilleurs que celles de l’économie en 2023-2024. La croissance économique de l’Afrique devrait dépasser celle du reste du monde au cours des deux prochaines années, avec un produit intérieur brut (PIB) réel d’environ 4 %, un bien bon cru par rapport aux moyennes mondiales prévues de 2,7 % et 3,2 %, a indiqué la BAD dans son rapport.
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Le rapport qui s’est appuyé sur une analyse complète de la croissance régionale montre que les cinq régions du continent restent résilientes avec des perspectives stables à moyen terme, bien qu’elles soient confrontées à d’importants vents contraires résultant des chocs socio-économiques mondiaux. Il identifie également les risques et appelle à des mesures monétaires et fiscales robustes, soutenues par des politiques structurelles, pour y faire face.
Perspectives favorables malgré des risques
Selon le rapport, la croissance moyenne estimée du PIB réel en Afrique a ralenti à 3,8 % en 2022, contre 4,8 % en 2021, dans un contexte de défis majeurs consécutifs au choc du Covid-19 et à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Malgré ce ralentissement économique, 53 des 54 pays d’Afrique ont affiché une croissance positive et les cinq régions du continent restent résilientes avec des perspectives stables à moyen terme. Toutefois, le rapport a émis une réserve sur les perspectives compte tenu des risques mondiaux et régionaux actuels. Ces risques comprennent notamment la flambée des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, le durcissement des conditions financières mondiales et l’augmentation connexe des coûts du service de la dette intérieure.
Aussi, indique le document, « les changements climatiques, avec leurs effets néfastes sur l’approvisionnement en denrées alimentaires et le risque potentiel d’un changement de politique dans les pays où se tiendront des élections en 2023 représentent des menaces tout aussi redoutables ».
Dans une allocution qu’il a prononcé lors du lancement du rapport à Abidjan, le président du Groupe de la Banque africaine de développement, Akinwumi Adesina, a déclaré que la publication de ce nouveau rapport intervenait à un moment où les économies africaines, confrontées à d’importants vents contraires, démontraient leur résilience. « Avec 54 pays à différents stades de croissance, différentes structures économiques et diverses dotations en ressources, les effets des chocs mondiaux varient toujours en fonction de la région et du pays. Le ralentissement de la demande mondiale, le durcissement des conditions financières et la perturbation des chaînes d’approvisionnement ont donc eu des répercussions différentes sur les économies africaines », a-t-il déclaré avant de souligner que malgré la confluence de chocs multiples, la croissance dans les cinq régions africaines a été positive en 2022 et les perspectives pour 2023-2024 devraient être stables. Présente également à la cérémonie de lancement, Niale Kaba, ministre de la Planification et du Développement de Côte d’Ivoire, a déclaré que la publication de ce rapport par le Groupe de la Banque BAD, à cette période de l’année, est une excellente opportunité pour l’Afrique et ses partenaires mondiaux.
« Nous avons besoin de ces mises à jour régulières pour évaluer les performances et les perspectives macroéconomiques de nos pays. Ces informations fiables faciliteront la prise de décision et la gestion des risques pour les investisseurs potentiels en Afrique », a indiqué la ministère ivoirienne.
Croissance robuste pour de nombreuses économies africaines
Le rapport fait particulièrement ressortir que les cinq économies africaines les plus performantes de la période pré-Covid-19 devraient connaître une croissance de plus de 5,5 % en moyenne en 2023-2024 et retrouver leur place parmi les dix économies les plus dynamiques du monde. Il s’agit du Rwanda (7,9 %), de la Côte d’Ivoire (7,1 %), du Bénin (6,4 %), de l’Éthiopie (6,0 %) et de la Tanzanie (5,6 %). D’autres pays africains devraient connaître une croissance supérieure à 5,5 % au cours de la période 2023-24 comme la République démocratique du Congo (6,8 %), de la Gambie (6,4 %), de la Libye (12,9 %), du Mozambique (6,5 %), du Niger (9,6 %), du Sénégal (9,4 %) et du Togo (6,3 %).
« L’Afrique peut et va atteindre une croissance de 7 % ou plus par an de manière constante dans les décennies à venir. Ce que nous verrons, en nous fondant sur la résilience que nous constatons dans ce rapport, c’est une véritable accélération du développement durable de l’Afrique, qui fera du continent la composante à croissance rapide de l’économie mondiale « , a commenté l’économiste Jeffrey Sachs, directeur du Center for Sustainable Development (Centre pour le développement durable) de l’université de Columbia, a salué le rapport qui, selon lui, montre que les économies africaines sont en pleine croissance et qu’elles progressent de manière constante. » L’Afrique est l’endroit où il faut investir « , a aussi estimé M. Sachs qui est également envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres pour les Objectifs de développement durable (ODD).
L’Afrique centrale plus dynamique, embellie attendue en Afrique de l’ouest et australe
L’aperçu des perspectives économiques dans les régions contenu dans le rapport montre en détails les perspectives favorables des différentes économies malgré la confluence de multiples chocs. En Afrique centrale, la croissance est soutenue par des cours favorables des matières premières ce qui fait que la croissance estimée est la plus rapide du continent à 4,7 % cette année, contre 3,6 % en 2021. En Afrique australe, a croissance est celle qui a le plus ralenti, passant de 4,3 % en 2021 à environ 2,5 % en 2022, un ralentissement qui résulte selon le rapport, de la faiblesse de la croissance en Afrique du Sud, où la hausse des taux d’intérêt, la faiblesse de la demande intérieure et les coupures de courant persistantes ont pesé sur l’économie.
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Pour ce qui de l’Afrique de l’ouest, note le document, la croissance devrait ralentir à 3,6 % en 2022, contre 4,4 % en 2021 en raison notamment des ralentissements en Côte d’Ivoire et au Nigeria, les deux plus grandes économies de la région. La croissance du Nigeria en 2023, bien qu’affectée par le Covid-19, l’insécurité et la faiblesse de la production pétrolière malgré la hausse des prix internationaux du pétrole, pourrait bénéficier des efforts en cours pour rétablir la sécurité dans la région productrice de pétrole en proie à des troubles. En Afrique du nord, la croissance devrait baisser de 1,1 %, passant de 5,4 % en 2021 à 4,3 % en 2022, en raison de la forte contraction en Libye et de la sécheresse au Maroc. Selon les auteurs du rapport de la BAD, elle devrait se stabiliser à 4,3 % en 2023, soutenue par un fort rebond attendu dans ces deux pays et une croissance soutenue ailleurs dans la région. Enfin, en Afrique de l’Est, il est attendu que la croissance ralentisse à 4,2 % en 2022, contre 5,1 % en 2021. Toutefois, elle devrait se redresser pour atteindre en 2023 et 2024 la moyenne pré-pandémique supérieure à 5,0 %. Selon le document, bien que la structure de production de l’Afrique de l’Est soit relativement diversifiée, les pays de la région sont en grande partie des importateurs nets de produits de base, ce qui fait qu’ils subissent donc de plein fouet la hausse des prix internationaux, en plus des chocs climatiques récurrents et de l’insécurité, notamment dans la Corne de l’Afrique.
Des politiques audacieuses pour aider les économies africaines à atténuer les risques cumulés
Dans son rapport, la BAD a également préconisé l’adoption de mesures politiques audacieuses à l’échelle nationale, régionale et mondiale pour aider les économies africaines à atténuer les risques cumulés. Des mesures fortes qui consiste en un mélange de politiques monétaires, fiscales et structurelles. Il s’agit notamment et selon les auteurs du rapport, d’un resserrement rapide et agressif de la politique monétaire dans les pays à forte inflation, et un resserrement modéré dans les pays où les pressions inflationnistes sont faibles. « La coordination efficace des actions budgétaires et monétaires optimisera les résultats des interventions ciblées visant à maîtriser l’inflation et les pressions budgétaires« , recommande le rapport qui a insisté également sur le renforcement de la résilience grâce à la stimulation du commerce intra-africain, notamment en ce qui concerne les produits manufacturés, afin d’amortir les effets de la volatilité des prix des produits de base sur les économies. Aussi, il a été recommandé l’accélération des réformes structurelles pour renforcer les capacités de l’administration fiscale et investir dans la numérisation et la gouvernance électronique afin d’améliorer la transparence, de réduire les flux financiers illicites et d’accroître la mobilisation des ressources intérieures. La BAD a aussi milité pour l’amélioration de la gouvernance institutionnelle et l’adoption de politiques susceptibles de mobiliser les financements du secteur privé, en particulier dans le cadre de projets entièrement nouveaux, à l’épreuve des changements climatiques et des pandémies, et mobiliser les ressources de l’Afrique pour un développement inclusif et durable. Enfin, l’autre recommandation importante, c’est la prise de mesures décisives pour réduire les déficits budgétaires structurels et l’accumulation de la dette publique dans les pays confrontés à un risque élevé de surendettement ou déjà en situation de surendettement.
» L’Afrique a un rôle important à jouer dans la stimulation de la croissance inclusive et du développement durable au niveau mondial. Il existe de nombreuses opportunités d’investissements intelligents dans des secteurs clés : agriculture, marchés de l’énergie, minéraux, infrastructures de santé et industries pharmaceutiques, industrie légère, transport et logistique, économie numérique, etc. Le continent reste une mine d’or pour les investisseurs avisés à l’échelle mondiale » a souligné, lors de la présentation du rapport, l’économiste en chef et vice-président par intérim de la BAD, Kevin Urama, pour qui, « l’Afrique reste une destination favorable aux investissements dans le capital humain, les infrastructures, le développement du secteur privé et le capital naturel ».
A noter que selon la BAD, le rapport « Performances et perspectives macroéconomiques » sera publié aux premier et troisième trimestres de chaque année. Il vient compléter le rapport annuel de la Banque sur les Perspectives économiques en Afrique, qui se concentre sur les principaux thèmes politiques émergents qui sont pertinents pour le développement du continent.